Du terminal à l' »initial »

Enonçons quelques évidences : la complexité et le coût du PC sont responsables de la (relative) lenteur du développement de l’internet ; les internautes, et plus encore les non-internautes, recherchent la simplicité ; la « démocratisation » de l’internet passera par la diffusion de terminaux simples, associés à une offre de services pratiques et ludiques adaptés aux attentes de la majorité de la population.

Mais il y a un problème : aucun fait ne confirme ces évidences.

Malgré les moyens marketing parfois considérables mis à leur service, la succession d’offres de terminaux d’accès  » grand public  » à l’internet – décodeurs pour téléviseurs, téléphones-internet et autres internet appliances – n’a jamais rencontré une demande digne de ce nom. Les supermarchés qui lancent de manière régulière des offres « grand public » d’ordinateurs à bas prix constatent que les consommateurs, même modestes, quittent généralement le magasin avec un modèle plus haut de gamme et des périphériques (donc de la complexité) en option.

L’internet soi-même est un réseau et un monde plutôt complexe. Mais AOL reste le seul contre-exemple de succès durable d’une offre de services en univers semi-fermé, pourtant nettement plus simple que l’univers foisonnant du mail, du web, de la messagerie instantanée, du P2P, du jeu en réseau… Les consommateurs seraient-ils donc demandeurs de complexité ? Cela paraît difficile à imaginer. Mais s’il s’agissait d’autre chose ? S’ils étaient demandeurs de pouvoir, d’autonomie ?

Si cela était vrai, il faudrait cesser de considérer le « terminal » comme un produit, soumis comme les autres aux règles de marketing et du design des produits de grande consommation. Pourquoi ne pas remplacer ce mot de « terminal » que nous héritons de l’époque des consoles de saisie, par son symétrique : l' »initial » ? Dans une infrastructure telle que l’internet, qui situe l’intelligence à ses extrémités, le PC est bien un « initial », le premier maillon de la chaîne de la communication.

Le PC et le réseau composent ensemble une infrastructure sur laquelle se déploient les usages, les services les produits (numériques), à laquelle se raccordent d’autres produits (physiques) – et encore, le succès des appareils photos et caméras numériques, plutôt complexes eux aussi, pourrait signifier que l’infrastructure s’étend encore un peu plus loin.

L’infrastructure est le support de l’activité humaine, pas une finalité. Ce qu’on lui demande, c’est une forme de neutralité, une ouverture, une couverture : rendre possible ce qui sans elle ne le serait pas. La simplicité est ici une demande plus secondaire. Ainsi, le micro-ordinateur est un outil très mal adapté à beaucoup d’usages simples, mais il est le seul qui les permette tous ; il reste sans concurrence lorsqu’il s’agit de produire, de transformer, de publier.

Dans ce domaine, la complexité est sans doute l’autre face de l’autonomie. Le PC comme le réseau sont les outils, l’infrastructure de cette liberté.

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