UPFing06 : de la conversation à la connaissance

En quoi les nouveaux outils perturbent, approfondissent ou enrichissent-ils le rapport à la connaissance ? En quoi l’équation de la connaissance va-t-elle changer avec l’internet ? C’est en ces termes que Clément Laberge, directeur des développements numériques pour l’éducation d’Editis/Sejer, introduit cet atelier de l’Université de printemps 2006 de la FING.

Christophe Ducamp, a commencé par présenter le rôle des wikis dans les projets éducatifs. Si ces outils sont restés rustiques sur le plan technologique, ils sont de plus en plus utilisés pour construire de la collaboration et produire des documents autour de petits projets. Les expérimentations de wiki en salle de classe sont toutefois encore rares dans le monde francophone et l’exemple le plus remarquable demeure le travail de Mario Asselin à l’Institut St Joseph de Québec, qui est non seulement constitué de blogs, mais aussi de wikis.

En tout cas, les scénarios d’apprentissage expérimentés aujourd’hui montrent que les technologies wiki évoluent pour mieux articuler les espaces personnels de travail, les espaces collaboratifs, les corpus de connaissances et les stratégies d’apprentissage des enseignants.


Christophe Ducamp, interviewé par Renaud Francou, sur les taxsonomies et les folksonomies dans les wikis, durée 3’00.

Olivier Auber a prolongé cette présentation en montrant des outils visuels qui permettent de suivre les interventions sur un site coopératif ou encore, au travers de son « agrégateur fractal », de visualiser d’un coup d’oeil l’activité d’un groupe de travail.

Thierry de Vulpillières, responsable du programme « Partenariat pour l’éducation » chez Microsoft, a dépassé les outils et les exemples, pourtant intéressants, pour donner de la profondeur au débat. Dans le secteur éducatif, on oppose souvent conversation et connaissance. L’une et l’autres se produisent dans des univers qui coexistent sans vraiment dialoguer : les éditeurs et auteurs produisent des ressources pédagogiques, les enseignants aussi – et font dans la « profosphère » une utilisation intensive des outils de la conversation, notamment via des listes de discussions où toutes les disciplines existent en associations disciplinaires comme weblettres, les clionautes… – tandis que les élèvent clavardent, bloguent et dialoguent sur MSN (sur des contenus non scolaires, faut-il quand même remarquer). Ces pratiques modifient profondément le rôle des conversations, mais modifient-elles pour autant les rapports à la connaissance ? « Il faut regarder cette illusion de la conversation construisant de la connaissance de manière critique. ». Chaque outil se fonde en particulier sur des règles techniques et rhétoriques qui ne sont pas neutres quant à ce qu’ils mettent en valeur. Le développement d’espaces de dialogues, sur les blogs notamment, ne donne pas forcément comme résultat un dialogue : dans quelle mesure arrive-t-on à des échanges plutôt qu’à des juxtapositions d’égo ? Enfin, il faut se défier de l’illusion de l’immédiateté, car la connaissance et l’apprentissage se construisent dans le temps.

Pour autant, nous avons tous besoin de comprendre comment mieux piloter ces outils rhétoriques…

Clément Laberge précise le questionnement : « De quelle conversation parle-t-on ? De tous les élèves ? De tous les blogueurs ?… Quelques soient les processus ? » On évoque souvent la conversation comme source de connaissance qui additionne des contenus (sur Wikipédia, plus on échange, plus il y a des contenus), or elle a aussi d’autres vertus… Tout à fait, poursuit Jacques-François Marchandise, directeur du développement de la Fing, il faut comprendre où l’on se situe dans l’accès à la connaissance. « Or les conditions coopératives ne sont pas nécessairement vertueuses ou apprenantes, elles génèrent aussi beaucoup de bruit ». Pour autant, la connaissance n’est pas non plus un simple contenu, contrairement à ce que pourrait suggérer l’idée des bibliothèques numériques (stockons la connaissance, il suffira d’avoir des outils suffisamment puissants pour y accéder), mais le plus souvent un chemin. Quant on veut accéder à Spinoza par exemple, l’important n’est pas d’arriver à l’oeuvre, mais de faire son parcours vers et depuis l’oeuvre. La connaissance est un chemin, et la conversation, la ruse habituelle et vivante des professeurs pour y parvenir. « Les territoires de la connaissance n’existent pas s’ils ne sont pas parcourus », conclut Jacques-François.

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0 commentaires

  1. Si vous permettez, je me permet de jeter quelques lignes de réflexion très superficielles.
    Je crois que la phrase clé est « La connaissance est un chemin, et la conversation, la ruse habituelle et vivante des professeurs pour y parvenir ». Pour aussi excitant que sont les outils blogs/wiki, ils ne semblent guère plus qu’un facilitateur de chemin, sans être LE chemin. Ce facilitateur est celui de la création d’une connaissance commune. Création voulant dire qu’elle n’existe pas avant, ou du moins en tant que telle.
    Néanmoins, les forums, conseils, ateliers, séminaires, réunions sont autant d’outils coopératifs tout aussi dynamiques et participatifs.
    La question du temps individuel et donc de l’égalité/démocratie participative est aussi en question. Effectivement, quand la participation au forum était sujet à l’impératif de la présence physique et créait donc des inégalités territoriales, est-ce que la multiplication des forums virtuels, n’empêche pas aussi physiquement la possibilité de participer? On ne parle plus de fracture numérique, bien sûr, mais de fracture temporelle.

    TCHAO