Il y a 4 ans, nous rencontrions André Gunthert, directeur du Laboratoire d’histoire visuelle contemporaine (Lhivic), pour évoquer avec lui la révolution Flickr. Depuis, le web 2.0 s’est largement installé, même s’il a aussi largement montré ses limites, notamment à transformer tout un chacun en producteur de contenus, d’images, de vidéos, de textes… Il n’est pas étrange qu’aujourd’hui, ce ne soit plus tant la manière dont on produit des images qu’il nous intéressait d’interroger, que la manière dont on les consulte.
Le web créatif des amateurs est-il en train de céder le pas face au web des industries culturelles ? Chacun à leur mesure, Hadopi comme l’iPad d’Apple, « un outil tout entier dédié à la consultation », n’en sont-ils pas les premiers symboles ?
InternetActu.net : Le contenu généré par l’utilisateur (User generated content, UGC) est-il vraiment le « trésor » du web 2.0 ? Qu’est-ce qui est plus important finalement sur YouTube, les quelques vidéos créées par les amateurs ou cette transformation radicale de la diffusion ?
André Gunthert : Sur YouTube, le modèle dominant n’est pas celui de la création de contenus. Sur Youtube, nos enfants ne produisent pas de vidéos. Ils sélectionnent des contenus. Leur usage principal : c’est le visionnage.
Les chercheurs ont tendance à considérer la production plutôt que l’activité de consommation. Ils n’observent pas beaucoup non plus l’espace du partage, qui se situe entre les deux et dont le signalement, tel qu’il se pratique sur Facebook ou Twitter, est certainement l’activité majeure. On construit nos identités numériques par du signalement d’articles, de vidéos, d’images. C’est du flux qu’on transmet. Les deux activités les plus importantes ne sont donc pas du ressort de la production. On est resté avec l’idée que les nouveaux outils numériques facilitaient la réalisation d’images – et c’est vrai -, mais ce n’est rien par rapport à la révolution de la diffusion.
Cette dimension de la consultation est essentielle, d’autant qu’elle ne s’effectue plus comme autrefois. La différence avec les médias traditionnels est qu’on y est actif : ce que l’on trouve « personne » ne l’a trouvé pour nous.
InternetActu.net : Longtemps, pour consulter les contenus nous avons eu besoin de les collectionner…
André Gunthert : Mes enfants ne ressentent pas le besoin d’accumuler les contenus. Jeune étudiant, la Bibliothèque nationale était mon deuxième bureau, j’y allais presque tous les jours. J’achetais très peu de livres, seulement les ouvrages récents. Un jour, je rends visite à un ami à Fribourg, qui avait une très belle bibliothèque. Il était loin de tout, il avait besoin d’un outil de référence. La conservation des contenus, que nous percevons comme un réflexe naturel est en réalité dicté par un contexte, qui peut évoluer.
Pour les images, la situation d’abondance est très nouvelle. La volonté de rassembler tous les livres existe depuis Alexandrie. Il y a eu des pinacothèques, mais il n’y a jamais eu de BNF des images. YouTube ou Google Images offrent des ressources auxquelles nous n’avons jamais eu accès. C’est bien une révolution de la consultation plus que de la production.
Cette réflexion est liée aux transformations de la période récente et notamment au déplacement de l’investissement social du grand public de l’espace institutionnel vers l’espace personnel. Dans les années 1960, les modèles sociaux ont le vent en poupe : les partis et les syndicats sont les modèles d’organisation de la société, alors que la famille, jugée conservatrice, est dévalorisée. Aujourd’hui, c’est l’inverse. La famille est au premier rang de l’investissement social. Le succès de Facebook s’explique si l’on prend en compte ce grand déplacement de la confiance ou de la défiance selon le point de vue où l’on se place. Tous les éléments en perte de vitesse sont marqués du sceau des institutions, alors que tout ce qui est marqué du sceau du personnel est valorisé… Et toute l’économie du signalement de Facebook est circonscrite à cette dynamique. Ce ne sont pas tant les capacités particulières de Facebook qui font son succès, que ce qu’il valorise : le local, la dimension personnelle, le groupe d’amis comme nouveau noyau social.
Dans cette dynamique, l’image est bien sûr située du côté de la culture privée. L’image est l’une des choses qu’on n’apprend pas à l’école. Elle se situe du côté du modèle de l’investissement personnel : l’explosion de l’image ne s’explique pas seulement parce que c’est une ressource abondante, facile à produire, mais surtout, parce qu’elle est pour chacun de nous quelque chose d’intime et de proche. Elle appartient à notre culture personnelle, celle, « sauvage », que nous avons construit nous-mêmes, comme nous construisons ce que nous cherchons sur Google. Le fonctionnement sémantique de l’image est plus fluide, moins fixé que la transmission du langage ou d’autres formes d’information codée. Cela tient en partie à la dimension sémiotique particulière de l’image, mais surtout au facteur culturel. Tout ce qui appartient à la culture sauvage bouge, circule. Les significations véhiculées par l’image ont un grand caractère de fluidité, de plasticité. L’image est un outil pour jouer, pour produire du sens second, de la dérivation… La contrepartie, c’est le risque de la mécompréhension, la mésinterprétation… La plasticité de l’image comporte en elle-même une ambiguïté native, qui favorise par exemple la publicité ou à la propagande… La question de notre environnement numérique interroge en profondeur le passage d’un espace personnel, devenu si dense, à un espace public, devenu multiple.
InternetActu.net : Paradoxalement, est-ce que l’abondance de contenus ne signe pas la fin de leur conservation ?
André Gunthert : On n’a jamais tout conservé. La photo est d’ailleurs un très bon exemple : on a perdu bien plus d’images qu’on n’en a gardées, et c’est probablement tant mieux. Pourquoi ? Parce qu’on ne peut pas appliquer les mêmes critères à la production familiale ou privée qu’à l’oeuvre d’art. L’image a différentes fonctions et notamment certaines qui sont de consommation rapide et périmable. Il faut remettre en contexte nos usages des images.
On s’aperçoit alors qu’il y a de nombreux cas où l’image ne sert que de façon très provisoire… Il y a plusieurs usages de l’image comme il existe différents types de mémoire (moyen, court et long terme). L’usage récent de photographier le numéro de sa place de parking est un exemple d’information qui n’a aucune pertinence à long terme. L’erreur est d’appliquer des raisonnements liés aux modèles de l’archive à des activités qui n’ont pas vocation à en générer. Sur Facebook on poste beaucoup d’images. Mais on en détruit aussi beaucoup. L’usage de la photo sur Facebook est un usage relationnel. Une fois qu’elle a rempli sa fonction (créer du lien, une fonction qui dure entre 24 et 72h), elle n’a plus lieu d’être.
Bien sûr, pour les lettrés, comme les blogueurs, le reflexe de la conservation et de la collection est dans nos gènes. On a commencé à réfléchir avec des bibliothèques… La collection, c’est les Lumières, la naissance du British Museum, c’est-à-dire le moment où on transforme les cabinets de curiosité en réserves de savoir, en corpus organisés, en outil culturel. Ce sont des collectionneurs qui ont inventé l’histoire, l’archéologie. Notre rapport au savoir et à la politique se transforme à partir de là. Cette organisation du réel se perpétue, mais une autre logique se superpose : celle d’une consommation immédiate et très rapide des contenus.
J’ai perdu successivement 5 ou 6 bases bibliographiques composées avec Zotero, perdant avec dépit plusieurs milliers de références. Mais je me suis rendu compte que je ne les consultais pas. Nous subissons une pression du présent, qui mange le passé. Tout se passe comme si l’offre de nouveaux contenus était de toute façon plus importante que le reste. Notre comportement par rapport à l’archive se modifie. Parmi mes collections, les DVD que j’ai achetés depuis 10 ans sont probablement ceux que j’ai le moins reconsultés. Comme pour la technologie, où le meilleur modèle est toujours celui d’après-demain, notre attention est en permanence sollicitée par la promesse, ce qui s’articule mal avec la mobilisation de nos désirs passés. Nos collections prennent la poussière, s’étiolent et meurent sans même qu’on s’en aperçoive.
Ajoutons que dans les discussions que nous avons aujourd’hui sur l’archive, la vision qu’on a de la conservation est souvent idéalisée. Il faudrait aussi rappeler la dimension contraignante de l’archive. La réalité de l’archive, c’est le contrôle de son accès. Notre nouvelle situation, celle de l’accès permanent, pose de nombreux problèmes, mais ce qu’elle nous ouvre en termes de ressources est sans commune mesure avec l’état antérieur. Pour l’instant, ce qu’on a gagné avec internet est plus précieux que ce que l’on a perdu.
Chez les plus jeunes, je constate que l’idée de collection est étrange. L’idée d’acheter des choses pour les garder les surprend. Ils ont du mal à comprendre l’utilité de l’archive : ils vivent sur l’idée de l’abondance des contenus, de la disponibilité permanente et perpétuelle des images, orientée vers le futur et non pas vers le passé. Il y a des serveurs qui, magiquement, maintiennent disponibles un contenu désirable… Le contenu de demain sera toujours plus désirable que le contenu de la veille, et si tu ne trouves pas ce que tu cherches, tu as toujours à ta disposition un contenu de remplacement. Sur Youtube, il y a toujours une réponse. La sérendipité est comme une pertinence seconde, qui vient se substituer à la réponse exacte.
InternetActu.net : Ce que vous décrivez à une conséquence… Le monde est restreint à ce qui est disponible. Ce qui ne l’est pas n’existe pas…
André Gunthert : Oui, la question est bien celle de la disponibilité. Pour exister aujourd’hui dans l’espace culturel, il faut exister dans cet écosystème là.
InternetActu.net : Vous dessinez la problématique d’une histoire de la consultation d’internet…
André Gunthert : La consultation est difficile à décrire. Alors que la production est souvent interprétée à partir d’une observation au cas par cas, sur le modèle de l’oeuvre, la consommation est mesurée globalement, de façon statistique. Je pense que le paysage de la consultation ne pourra apparaître qu’à partir d’une observation beaucoup plus rapprochée et plus précise. Sur mon blog, j’essaie d’enregistrer des exemples en contexte : Comment nos enfants, en faisant des recherches sur Youtube, lui adressent leurs rêves ? Pour eux, c’est déjà un réflexe évident.
Il y a là de nouvelles problématiques à créer. On peut regarder le développement de jeux sociaux. La visualisation en commun de vidéos à succès, dans un contexte amical ou familial, par exemple. Typiquement, c’est la tante qui n’a pas vu ses neveux depuis longtemps, et qui leur propose de regarder ensemble des vidéos sur son ordinateur. A la manière des jeux de cartes Panini qu’on échangeait dans les cours de récréation, il y a là un nouveau rituel social, un équivalent du conte de fées raconté au coin du feu ou de la prière avant de s’endormir. Les vidéos (vidéo gags, hits, publicités originales…) servent de monnaie d’échange pour fabriquer du lien social. On échange de petits objets qui ne coûtent pas cher mais, dont la consommation en commun est précieuse, sur le modèle anthropologique du don contre-don.
Bien sûr, comme le soulignait le sociologue Sylvain Maresca, dans un récent billet évoquant la non-utilisation d’écran photo connecté par certains membres d’une famille, l’installation d’une nouvelle culture ne se fait pas sans exclusion. La culture est un combat identitaire, qui ne va pas sans perte ni sans douleur.
InternetActu.net : Et la mémoire alors ?
André Gunthert : Le discours sur la perte des données numériques est un leurre. Nous avons aujourd’hui un problème de trop-plein, de tri et de sélection. Ce dont on a besoin c’est d’une bonne gestion de l’oubli. La discussion sur le droit à l’oubli initiée par la secrétaire d’Etat à l’économie numérique est mal posée, mais elle demeure une bonne question face à l’univers numérique qui par défaut conserve tout… Ce qui est vite ingérable. Gmail propose de conserver par défaut tous nos mails. Tout y est accumulé, mais le tri s’effectue grâce à notre mémoire réelle : par ce dont on arrive à ce souvenir. Ce qu’on a oublié, c’est ce qui n’était pas important. C’est parce qu’on ne l’a pas oublié qu’on sait comment retrouver un vieux mail d’il y a trois ans !
Nous avons trop de mémoires numériques. La bonne réponse n’est pas la mémoire, mais l’histoire. L’histoire, c’est ce qui reste quand on a fait le tri, ce qu’on a jugé important, ce qui fait sens.
L’une des réponses que j’ai développées sans m’en rendre compte avec ARHV puis Culture Visuelle, c’est de faire l’histoire en cours de route, d’essayer aussi vite que possible d’interpréter, de fixer une signification, de focaliser sur les éléments symptomatiques… Produire du sens est une réponse efficace en termes de gestion de l’information.
L’important, ce n’est peut-être pas les collections de photos qu’on amasse, mais l’acte de produire la photo. Comprendre pourquoi prendre une photo est important au moment où on la prend, plutôt que pour sa pseudo-valeur mémorielle. Ce sont les nouvelles questions qui s’ouvrent à partir de l’observation des outils d’aujourd’hui.
Propos recueillis par Hubert Guillaud, le 27 janvier 2010.
André Gunthert est maître de conférences à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), il dirige le Laboratoire d’histoire visuelle contemporaine (Lhivic), première équipe de recherche française consacrée aux visual studies, qu’il a créé en 2005. Il a fondé en 1996 la première revue scientifique francophone consacrée à l’histoire de la photographie, Etudes photographiques, qu’il a dirigée jusqu’en 2008. Ses travaux actuels portent sur les nouveaux usages des images numériques et les formes visuelles de la culture populaire. Il a lancé récemment une plateforme de blogs consacrée à la culture visuelle, sur laquelle il tient son propre carnet de recherche, qu’il faut compléter par son bloc-note personnel.
Image : André Gunthert lors d’une récente intervention présentant Culture Visuelle, par Didier Roubinet.
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Merci Hubert pour cet entretien, dont l’idée te revient.
Je profite de l’occasion pour signaler que nous effectuons demain la migration de la plate-forme Culture Visuelle (vers laquelle pointent plusieurs liens cités ci-dessus). Le service sera interrompu les 4 et 5 février, et reprendra ensuite, sur un serveur beaucoup plus rapide.
Très intéressant. Effectuant justement, depuis plusieurs mois, un travail de recoupement, de numérisation et d’archivage du fond photographique familial. Avec un objectif justement plus axé sur l’histoire que sur la stricte collection, je suis particulièrement sensible au sujet.
Par exemple, concrètement, se pose le problème de la légende d’une photo (il me semble qu’André s’est déjà penché sur ce sujet si ma mémoire est bonne). Une image sans légende est condamnée à l’oubli et je m’en suis clairement rendu compte avec certaines photos familiales anciennes, représentant des personnes que ma grand très âgée n’était plus en mesure d’identifier. Ces photos muettes ne valent plus rien.
À propos des outils, pour le tri et la visualisation des images, j’utilise le logiciel Ligthroom qui permet d’ajouter une légende à chaque photo (et/ou des tags), avec classement par date mais je ne suis pas sûr que cette légende soit inclue dans les balises Exif de l’image — en cas de changement de logiciel de tri, mes légendes seraient donc perdues (d’ailleurs si quelqu’un à une réponse à cette sujet, je prends car difficile de tester).
Outre les légendes (et le tri), on pourrait aussi se poser la question de la géolocalisation des images, qui peut s’avérer toute aussi importante à sa bonne compréhension, à sa bonne « historisation ». Idem pour la datation dynamique des images, rendue possible par les appareils photo numérique via le contenu Exif mais qui manque cruellement lorsqu’on a à dater rétroactivement un stock de 3000 scans de tirages papier, même avec l’aide des témoins ou des auteurs de ces images.
En tout cas, merci pour cet entretien (et pardon à l’avance pour l’aspect très « application concrète » de mon commentaire — on ne se refait pas 😉
Bonjour,
Merci pour ces éclairages bien intéressants sur la photographie. Je crois en effet que la vraie révolution est celle de la consultation, mais de façon un peu différente d’A. Gunthert qui oublie l’analyse des intermédiaires, croyant que les usagers parce qu’ils ont accès aux sites sont maîtres d’oeuvre. Je n’ai pas le temps d’élaborer. Disons juste que, pour l’illustrer, je pense qu’il fait un contresens quand il dit :
«Nous avons trop de mémoires numériques. La bonne réponse n’est pas la mémoire, mais l’histoire. L’histoire, c’est ce qui reste quand on a fait le tri, ce qu’on a jugé important, ce qui fait sens.»
La bonne réponse n’est pas l’histoire. Pour l’historien, il faut tout garder pour lui permettre à lui, ou ceux qui viendront derrière lui, de faire le tri. La bonne réponse est l’archivistique (pas au sens français mais québécois) avec le classement amont et le calendrier de conservation. Mais il reste encore du chemin aux archivistes pour adapter leurs outils et faire entendre leur voix.
L’approche de la mémoire rattachée à la mise en récit me semble particulièrement pertinente. En ce qui concerne les UGC en revanche je pense que nous ne sommes pas dans la bonne échelle de temps: le processus de création est justement une mise en récit de fragments de contenus mémorisés, ré-hiérarchisés et recombinés pour en faire de nouveaux outils cognitifs, les changements dans les modes d’accès à l’information auront évidemment des impacts sur la création, peut-être pas tout de suite totalement en ligne de la conception jusqu’à la diffusion (d’autant plus quand le cadre juridique n’est pas capable de le supporter). On peut déjà voir des effets de la bureautique et même du web dans l’écriture des livres, vieux objets de la réalité, web 0.0. Mais la créativité, et la vraie production, artisanale, prendra sans doute des formes inattendues: la vraie force du web2.0 c’est que les usages ne pas respecter vraiment ce qui était prévu par les concepteurs ni même les discours du marketing.
« Le discours sur la perte des données numériques est un leurre. Nous avons aujourd’hui un problème de trop-plein, de tri et de sélection. Ce dont on a besoin c’est d’une bonne gestion de l’oubli. »
TOUTES les données numériques d’aujourd’hui auront probablement disparu dans 20 ans. Ce sont MM. Sony, Intel, Google et consorts qui assurent la gestion de l’oubli…
TOUTES les informations conservées sur une bande magnétique, un tirage papier, un support film, sont périssables à moyen, court et parfois très court terme. Nous vivons sur l’illusion de la pérennité d’une archive qu’il suffit de remobiliser pour s’apercevoir de ses limites (la fameuse boîte à chaussures de vieilles photos). Contrairement à ce que pense Salaun, je connais bien la question de l’archive, pour avoir contribué à gérer pendant plus de 15 ans une archive photo du XIXe siècle. Pour un habitué de l’archive physique, la mémoire numérique présente deux avantages incomparables: elle est recopiable et cherchable. Ces deux atouts lui garantissent une conservation bien meilleure à moyen terme que toutes les formes physiques précédentes. Mais les clichés sur le virtuel ont la vie dure.
Bonjour,
Je crois qu’il y a un malentendu sur ma remarque. J’ai bien conscience de la très grande différence qu’amène le numérique par rapport au papier concernant les archives. Mais si je ne doute pas que André connaisse les archives, mon propos ne visait pas les archives, mais l’archivistique. Et en réalité en France, bien peu sont ceux qui connaissent les instruments de l’archivistique québécoise qui dépasse largement la problématique des archives historiques ou définitives..
L’archivistique ne concerne pas que la conservation, mais bien aussi et surtout l’oubli. Ce qu’on appelle un «calendrier de conservation» est justement l’agenda qui permettra de définir les documents que l’on gardera et ceux que l’on pourra détruire, en rapport avec leur mission générale. Voir par ex ici :
http://www.archives.ulaval.ca/gestion_des_documents_administratifs/calendrier_de_conservation/
On le verra sur la définition. C’est bien ce type d’instrument que l’archivistique numérique doit renouveler. Mais sans en perdre l’orientation générale.
je crois qu’effectivement il y a un probleme tout se passe comme si on était déconnecté du monde réel ;le web met une pression énorme sur la vie de tous les jours,rien qu’à voir les les blogs et le phénomène twitter,on a l’impression que les gens parlent pour dire n’importe quoi,l’info circule ,le fantasmatqiue prend le réel à bras le corp…Qui nous sauvera du web qui anihilie nos etres,
L’enjeu du Web 2.0 c’est d’être à porter de tous sur les réseaux DVB-T et DMB-T aussi.
Je suis en désaccord avec l’idée suivant laquelle l’acte de collectionner est en train de perdre de la pertinence. Au contraire, je trouve qu’on devrait faire beaucoup plus d’efforts pour conserver le plus possible de la production, même si elle est jugée inutile (une appréciation toujours subjective et dépendante d’un contexte donné).
Je pense que ce qui est négligé dans cette opinion est que l’acte de consultation est beaucoup plus général que ce que l’on entend dans cette interview et commentaires. Qui va consulter? Nous, qui nous échangeons des produits, mais aussi des machines. De plus en plus il est possible d’extraire de l’information de façon automatique à partir de photos qui peut être n’ont plus d’intérêt pour ceux qui les ont produites, ou ceux qui les ont consultées.
En ce qui concerne les photos non datées, et non légendées, je les garderais. Sans doute que dans le futur de nouvelles méthodes d’analyse permettront d’en tirer bien plus d’information que nous ne pouvons (ou voulons) aujourd’hui. Cet exemple me rappelle le cas de Henry Darger, génie solitaire dont on ne connait que trois photos, alors qu’il a vécu 80 ans en plein 20ème siècle à Chicago. J’imagine que ces trois clichés seraient rapidement disparus, car jugés sans importance, sans les efforts de quelques chercheurs qui voulaient absolument récupérer une trace visuelle de lui.
De plus, que sait-on du futur? sans doute que les générations futures s’intéresseront à des aspects que l’on néglige aujourd’hui. Ainsi par exemple la plupart des textes moyen-ageux s’intéressent à la religion ou noblesse, laissant un énorme vide (ça dépend des époques) quant à la vie quotidienne. Ce que les contemporains estimaient (ou avaient les moyens) de préserver n’est pas toujours ce qui nous intéresse, et on doit se procurer les informations par d’autres voies (fouilles, etc).
On re-écrit continuellement l’histoire, mais on aura toujours besoin d’un fonds, d’une collection, de sources pour mener à bien ce travail. Si les sources disparaîssent, nous sommes limités à une narrative, celle d’une source historique donnée, biaisée par son propre contexte. Il y a ainsi des peuples dont on ne sait rien d’autre que l’une ou l’autre anecdote qu’un voyageur a cru bon de noter. Dans ces cas là, il est impossible de re-écrire l’histoire, nous sommes limités à une narrative donnée.
Et puis n’oublions pas non plus que les progrès techniques rendent chaque jour le stockage de photos et autres médias de plus en plus économique. Je crois que bientôt le simple fait que quelqu’un ait décidé de faire une photo sera un motif suffisant pour la garder, au vu du faible coût de la conservation, à cause justement de l’immense économie d’échelle qui sont désormais possibles.