Révolution industrielle d’un nouveau genre ou mode sans conséquence ? Le réel impact de l’impression 3D reste flou. Dans un article de Wired, Carl Bass (@carlbass, Wikipédia), CEO d’Autodesk, se penche sur les avantages et les limites de cette technologie.
Le « paradoxe de la complexité »
L’impression 3D repose sur des principes totalement nouveaux, en contradiction avec l’usinage traditionnel. En effet, il n’existe pas de limite à la complexité d’un objet. Il n’est pas plus difficile d’imprimer un objet sophistiqué qu’un autre basique. « Les autres techniques de fabrication, perfectionnées par des années d’industrialisation, continuent à se battre contre la complexité géométrique, tandis que les imprimantes 3D peuvent réaliser avec la même facilité les formes les plus intriquées ou un simple cube ». Bass pointe un article de Peter Friedman publié dans l’Innovation Investment Journal qui analyse encore plus finement ce rapport entre la complexité et l’impression 3D. En fait, plus l’objet à réaliser se révèle complexe, moins cela coûtera cher. Ce que Friedman nomme le « paradoxe de la complexité », exprimé ainsi : « plus grande complexité = plus de vides et plus importants = moins d’encre = prix plus bas. » Autrement dit, contrairement à la réalité industrielle classique, plus un objet est tarabiscoté, plus sa structure est complexe, moins il demande de matière première, « d’encre » (qui peut être du plastique, du métal, etc.).
Image : les délinéaments complexes d’une lampe réalisée via la technique de l’impression 3D par l’artiste Bathsheba Grossman lors de la Maker Faire d’avril 2006 et photographiée par Mary Mactavish. La complexité n’a pas besoin nécessairement de beaucoup de matière.
Mais pour autant, l’impression 3D fait face à des difficultés inédites, car si elle « n’est pas gênée par la complexité, elle est contrainte par le volume ». En effet, remarque Bass, tout tend à augmenter de façon dramatique en fonction de la taille de ce qu’on veut matérialiser. En fait, tout est porté au cube ! Ainsi, explique-t-il, « si je veux doubler la taille d’une impression, cela coûtera huit fois plus cher et l’opération durera huit fois plus longtemps (c’est-à-dire deux au cube). Si je veux imprimer quelque chose de trois fois plus gros, cela reviendra vingt-sept fois plus cher et exigera vingt-sept fois plus de temps (soit trois porté au cube) ».
Selon l’article de Friedman, le problème du temps et de la taille est fondamental et tend à annuler l’avantage de la complexité.
Pour lui « la combinaison de l’avantage principal et du plus grand inconvénient de l’impression 3D, c’est-à-dire une gestion économique de la complexité combinée avec une réalisation intrinsèquement lente (et de petite taille) sont précisément à l’opposé (ou en tout cas mal adaptés) aux impératifs pour lesquels les processus industriels sont actuellement optimisés : simplicité quantité et vitesse.
Peu importe le niveau de sophistication que doit posséder un produit fabriqué en masse, la plupart des systèmes créant ces composants sont générés par un équipement travaillant à des débits énormes. L’automation industrielle classique consiste essentiellement à fabriquer un très grand nombre de choses simples, très rapidement (et correctement). »
Quel avenir pour les imprimantes 3D ?
Carl Bass tente ensuite de repérer les prochaines tendances. Ici, son pronostic n’est pas très surprenant. L’avenir est à l’impression 3D de composants électroniques, mais aussi biologiques. On cherche ainsi à imprimer des organes à l’aide de cellules (vidéo), et Bass de mentionner l’équipe de Venter qui cherche à imprimer de l’ADN.
En revanche, Bass ne parle pas d’une autre recherche à mon avis porteuse d’avenir, qu’est l’autoassemblage. C’est une belle chose d’imprimer des composants d’un objet, c’en est une autre de créer des systèmes complexes à partir de ces composants. En ce sens, la « biomprimerie » pourrait se révéler plus importante que prévu, et pas seulement pour les applications médicales. La particularité des éléments organiques étant en effet de s’assembler aisément dans l’eau. Du coup, le tissu vivant ne serait pas seulement une application possible et un peu extrême de l’impression 3D. Au contraire, le vivant serait le matériau le plus adapté à cette technique, le plus « naturel » bien davantage que la résine ou les plastiques…
Autre champ de recherche mentionné par Bass, l’application de la 3D à l’architecture. Il cite bien entendu le fameux projet, déjà mentionné dans nos colonnes, d’impression d’une base lunaire à l’aide de la D-shape créée par l’architecte Enrico Dini, « l’homme qui imprime des maisons« . Mais il note un détail intéressant concernant ce système. Celui-ci nous montre, explique-t-il, qu’on peut passer d’un type de machine reposant sur sur ce qui est fourni (« l’encre », c’est-à-dire le plastique, ou le métal) à un autre utilisant ce qui est disponible (dans le cas de D-shape, la poussière de lune ou le sable). Et Bass d’affirmer qu’on a déjà trouvé le moyen de hacker une imprimante 3D pour lui faire accepter des déchets comme matière première (il ne cite pas sa référence, mais peut-être s’agit-il de la filabot qui permet de fabriquer du fil de plastique à partir de déchets de plastique). Et de se demander quel sera l’impact de l’impression 3D en matière de recyclage.
Bass cite aussi d’autres projets analogues, celui de l’architecte Ronald Rael, par exemple, et de son « siège limace », qui n’utilise pas d’imprimantes 3D géantes comme peut l’être la D-Shape, mais une « ferme d’imprimantes » qui génère des composants de petite taille, assemblés par la suite pour produire des objets beaucoup plus grands.
Bass mentionne aussi les recherches de Boris Behrokh Khoshnevis à l’université de Californie du Sud, créateur de Contour Crafting, dont les procédés d’impression sont susceptibles de réaliser des maisons complètes. Ici, il ne s’agit pas non plus d’une imprimante 3D géante, mais plutôt d’un bras robot doté d’une capacité de déplacement très large (voir vidéo).
L’imprimante 3D, pilier de la prochaine révolution industrielle ?
Reste la grande question : l’impression 3D offrira-t-elle la « troisième révolution industrielle » annoncée ? Permettra-t-elle une revitalisation de l’activité industrielle dans nos contrées ?
Pour Bass, il reste du chemin à parcourir pour en arriver là. La première étape, selon lui, consiste à passer du pur prototypage à une production limitée. La production d’objets à partir d’impression 3D concernera d’abord la création en petite quantité d’artefacts de « grande valeur », comme des prothèses ou de la bijouterie.
L’impression 3D favorisera-t-elle la renaissance du tissu industriel occidental (Bass parle bien sûr des USA, mais on peut je pense sans trop extrapoler appliquer ses arguments à l’Europe) ? A ses yeux, même l’adoption de cette nouvelle forme d’industrialisation ne permettra pas de récupérer les emplois perdus. De plus, les futurs métiers devront être beaucoup plus spécialisés, impliquant une bonne connaissance du numérique et des logiciels.
Quelle sera la place du « do-it-yourself » dans un futur proche ? Chacun deviendra-t-il son propre industriel ? Ou cela restera-t-il, malgré tout, un secteur réservé aux professionnels ? Bass n’aborde pas directement la question, mais pointe vers un autre article qui donne matière à réflexion. Il y est question d’un rapport annuel de Wohlers Associates sur l’état de l’impression 3D. On y apprend que le marché global de cet écosystème technologique est en expansion, ayant atteint 2,2 milliards de dollars en 2012, à comparer au 1,7 milliard gagné en 2011 (soit une progression de 25 % environ). Sur cette somme, les imprimantes low cost ne totalisent que 40 millions de dollars, soit 6,5 % de la production. Plus inquiétant, le marché des imprimantes individuelles est en train de ralentir. De 2008 à 2011, la progression a été de 346 % par an. Cette année, on s’est contenté d’un petit 46 %. Selon Wohler, « il ne s’agit pas de systèmes de niveau professionnels, et ils ne sont pas si faciles à utiliser. Je ne vois pas une famille moyenne employer une imprimante 3D pour fabriquer des composants. »
C’est dans les domaines ultras spécialisés, comme la médecine ou l’aérospatiale que s’annoncent les profits les plus juteux. Du reste, toujours selon Wholers, des sociétés « DIY » comme Makerbots tenteraient aujourd’hui de « monter en gamme » et toucher un marché professionnel.
Si Bass et les autres ont raison, l’impression 3D va probablement s’installer dans le paysage industriel, mais pas de la manière « révolutionnaire » qu’on pourrait espérer. N’oublions pas toutefois que les vrais changements se font par des combinaisons de technologies : la convergence entre biologie synthétique, autoassemblage et impression 3D (telle que présentée dans notre article précédent) pourrait s’avérer beaucoup plus transformatrice que l’impression 3D prise isolément.
Rémi Sussan
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Toute technologie dépend de ce qui en est fait. Peut-être faudrait-il aussi regarder au-delà des aspects technico-économiques, car d’autres potentialités pourraient se révéler : http://yannickrumpala.files.wordpress.com/2013/01/rumpala-limpression-tridimensionnelle-comme-vecteur-de-reconfiguration-politique-dec-20122.pdf
J’ai déposé en 2001 en france le brevet d’une imprimante 3D, à l’époque en profondeur de la matière, donc je connais un peu le sujet. Il n’est pas tout à fait exact de dire : « tandis que les imprimantes 3D peuvent réaliser avec la même facilité les formes les plus intriquées ou un simple cube » en effet pour la réalisation de forme élaborées premièrement le logiciel de traitement de l’image va devoir supporter cette charge supplémentaire (ordinateur massivement parallèle), deuxièmement plus le point (vecteur dans un espace trimensionnel) est petit plus la réalisation d’une pièce va prendre de temps, c’est à dire que l’affinage du détail pourrait en fait nécessiter un second passage, il serait alors envisageable de faire se succéder différentes phases d’enlèvement de matière avec des outils de plus en plus fins. Les problèmes à résoudre sont complexes et bien plus nombreux que ceux esquissés dans ce simple article.
Cordialement
Henry GUNS
L’impression 3D va désormais offrir pas mal de possibilités aux web designer et surtout aux particuliers.
C’est vraiment une innovation importante qui va révolutionner certains marché je pense.
L’idée de reproduire à l’identique le réel avec des résines est assez fou comme vu sur cette vidéo ou on scanne des personne pour les reconstituer couche par couche ensuite
http://youtu.be/57qaZCWVeRk
Combien coûte de refaire son buste ainsi?