Comment internet a explosé la parole au travail

Sur Slate.fr, Daphnée Leportois revient sur l’explosion de la messagerie instantanée au travail, en citant nombre d’études et de chercheurs pour nous aider à comprendre comment les outils de communication transforment les relations et les manières de travailler. Les outils s’additionnent plus qu’ils se substituent, et chaque type de conversation semble désormais avoir son médium. « La communication qui passe par la messagerie instantanée est une communication de coordination », estime la sociologue Marie Benedetto-Meyer, même si elle génère aussi ses formes de lourdeurs, notamment dans les tours de parole. Contrairement à son nom, la messagerie instantanée est une manière d’engager un échange « qui ne se résoudra pas de manière instantanée ».

A l’heure où les bureaux partagés nous font développer une «écoute flottante», ces outils la prolongent d’une manière plus silencieuse, permettent des apartés comme de contourner les conventions d’usages tacites ou pas, comme de discuter de points qui ne sont pas à l’ordre du jour d’une réunion. Le tchat ramène un sentiment d’intimité dans des espaces en open space qui ne sont pas très intimes, où la parole est vécue comme une nuisance. Ces coulisses de discussion rendent l’activité soutenable, permettent de développer une sociabilité informelle, et donc de reconquérir un espace par le biais d’une forme de «parole écrite».

Sur le Wall Street Journal, Christopher Mims explique d’ailleurs que le tchat est en train de devenir l’épine dorsale de nombreuses entreprises. De Facebook Workplace à Microsoft Teams, en passant par HipChat ou Slack… ces systèmes, augmentés de fonctions automatisées, permettent d’améliorer les fonctions communications et coordinations des entreprises, en permettant à la fois de centraliser les tâches à résoudre et la communication sur ces tâches elles-mêmes.

Le Washington Post revient quant à lui sur le développement des bureaux en open space, qui permettent de maximiser l’espace en diminuant les coûts. Et pointe le fait que les distractions et le manque de confidentialité semblent nuire à la productivité. La facilité d’interaction avec les collègues que l’open space favorise ne semble pas si évidente soulignait déjà Maria Konnikova dans le New Yorker en 2014 : elle se fait au détriment de l’attention des travailleurs. Pour Lindsey Kaufman du Washington Post, les inconvénients de l’open space risquent surtout de développer le travail à domicile, qui lui semble plus efficace pour la productivité. A croire qu’en fait l’open space, en développant une pratique de nouveaux outils de sociabilité et de coordination, n’est qu’une étape dans la transformation du travail qui nous prépare au télétravail et au travail à domicile, c’est-à-dire à la disparition des lieux de travail eux-mêmes.

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