Créer de nouvelles protéines avec Foldit

Il y avait longtemps qu’on n’avait pas parlé de Foldit dans nos colonnes. Cela signifiait-il que ce système de « gamification » du pliage de protéines, qui avait tout de même permis la découverte d’une protéine susceptible d’être utilisée dans un traitement contre le SIDA en 2011, était désormais dépassé ? Que nenni, il continuait son petit bonhomme de chemin. Le 5 juin, un article de Nature (accessible ici) ouvrait une nouvelle ère pour le jeu. Il ne s’agit plus maintenant, comme auparavant, d’optimiser des protéines existantes, mais bel et bien de créer des protéines « de novo », autrement dit, à partir de rien. Un article du blog de Foldit nous explique en quoi consiste cette innovation.

Dans le jeu « classique » de Foldit, la performance des joueurs est évaluée en fonction des data. Mais cela ne s’applique plus lorsqu’on crée une molécule « de novo ». Il faut alors comprendre les lois physiques gouvernant la structure des protéines, ce que nous explique le post du blog.

« Les protéines de novo sont créées sans faire référence aux séquences de protéines naturelles. Pour illustrer, vous pouvez imaginer concevoir une protéine dotée de 3 hélices en regardant simplement les séquences de 3 hélices existant dans la nature et en choisissant l’acide aminé le plus courant à chaque position. Comme nous disposons de nombreuses données sur les séquences de protéines naturelles et de puissants moyens d’extraire des modèles à partir de données, cette méthode est relativement simple. Mais cela ne nous laissera jamais d’autres possibilités que concevoir des protéines similaires aux protéines naturelles. »

Rappelons qu’une protéine est d’abord créée sous la forme d’une ligne de plus petites molécules, les acides aminés (une molécule composée d’autres molécules est appelée une macromolécule). Ceux-ci, en fonction de leurs propriétés chimiques, s’attirent ou se repoussent entre eux. Cela mène la protéine à se plier, à adopter une forme tridimensionnelle qui déterminera la plupart de ses propriétés chimiques.

Mais il y a plein de manières différentes pour une protéine de se plier. Ces diverses formes se caractérisent par ce qu’on appelle le degré « d’énergie ». Le but pour les joueurs est de choisir une séquence d’amino-acides donnant une forme ayant le moins d’énergie possible. Ce qui signifie qu’elle préférera une forme particulière, la plus stable.

Pour comprendre cette notion d’énergie, imaginez une petite balle sur un paysage fait de creux et de bosses. Si la balle a un haut niveau d’énergie potentielle, cela signifie qu’elle se trouve au sommet d’une des bosses. Mais là, elle va avoir tendance à glisser vers le bas. Lorsqu’elle se retrouve au fond d’un creux, en revanche, il y a peu de chance qu’elle bouge à nouveau. Elle possède une basse énergie. Dans Foldit, les protéines qui ont le meilleur score sont celles qui possèdent l’énergie la plus basse.

Mais lorsqu’on crée une nouvelle protéine, continue l’article du blog, calculer simplement l’énergie n’est pas suffisant. L’équipe Foldit a donc dû procéder à divers ajustements en tenant compte de l’avis des joueurs : « À chaque étape du processus, nous nous sommes appuyés sur le travail des joueurs de Foldit pour déceler les problèmes liés à notre calcul du score. Les joueurs de Foldit sont excellents pour explorer de nouveaux types de pliages de protéines, qui ne ressemblent à rien de ce que l’on voit dans la nature. Pour cette raison, les joueurs de Foldit sont extrêmement utiles pour identifier les faiblesses inattendues de notre calcul de l’énergie et peuvent en définitive améliorer notre compréhension du pliage des protéines. »

Pour obtenir leurs protéines de novo, les joueurs ont utilisé des stratégies particulières, n’hésitant pas à créer des formes à « haute énergie » potentielle, mais qui, après diverses manipulations, génèrent finalement des protéines plus stables. C’est une confirmation d’une stratégie qui avait déjà été remarquée en 2010.

Première application de cette innovation importante, la communauté Foldit est dès aujourd’hui invitée à travailler sur un puzzle impliquant la création d’une protéine qui pourrait se montrer efficace contre le cancer.

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