John Herrman (@jwherrman) pour le New York Times Magazine (@nytmag) revient sur l’essor (épidémique) des pastilles de notification rouges peuplées de chiffres blancs qui ornent désormais les sommets de toutes nos applications. Elles sont censées nous alerter de quelque chose, même si on ne sait pas de quoi exactement : messages non lus, nouvelles activités, mises à jour logicielles, annonces…
En quelques années, elles sont en tout cas devenues un des symboles de la « conception addictive ». Nés pourtant il y a plus de 20 ans, les pastilles de notifications ont envahi tout notre espace attentionnel, passant des applications des smartphones, aux interfaces de nos ordinateurs voire même au design des sites web. Ces pastilles rouges d’alerte mettent sur le même plan des choses qui sont pourtant loin d’avoir la même urgence. Les nombres qu’elles affichent, leur valeur, leur couleur uniforme clament pourtant partout le même impératif attentionnel !
Si Google et Apple, dans les spécifications pour les développeurs, invitent ceux-ci à en limiter l’utilisation, conscients que ces alertes attentionnelles posent problème, force est de constater que pour l’instant, les deux géants n’ont pas fait grand-chose pour en limiter réellement l’usage, par exemple uniquement à des mises à jour critiques ou à des messages directs.
Dans les spécifications pour développeur d’Android par exemple (voir ici et là), les icônes d’applications incrémentent un nombre de notifications « par défaut ». Le guide d’Android pour développeur précise seulement que « les notifications ne doivent pas être le canal principal de communication avec vos utilisateurs » en détaillant 6 cas seulement qui ne justifient pas une notification : promotion croisée (un cas qui est interdit), une application qui n’a jamais été ouverte, des messages qui encouragent l’utilisateur à revenir sans valeur direct, une demande d’évaluation de l’application, une opération ne nécessitant pas l’intervention de l’utilisateur (comme la synchronisation d’informations), ou certains états d’erreurs. Le guide de bonnes pratiques estime également que les notifications non transactionnelles devraient être optionnelles.
Les notifications sont aussi classées par niveau d’importance (au nombre de 4, que les utilisateurs peuvent modifier, mais que les développeurs, eux, peuvent réduire, mais jamais augmenter sauf si l’utilisateur le demande explicitement). Bref, à lire le guide d’Android, on se rend compte que les développeurs ont une grande liberté dans la gestion de ces notifications et qu’il y a très peu d’interdiction réelle (dont il faudrait connaître l’effectivité). Peut-être qu’une meilleure spécification des notifications pourrait permettre de les améliorer ? Que plusieurs jeux de couleurs de ces pastilles pourraient permettre d’améliorer les choses ?… Enfin, s’y intéresser nécessite aussi de regarder précisément sur quels paramètres l’utilisateur peut jouer. J’ai l’impression qu’ils ont eux beaucoup moins de possibilités (un simple on/off ?). Mais la question nécessiterait d’être creusée. En tout cas, l’absence de contraintes pesant sur les développeurs explique peut-être une partie du problème.
Tableau : les 4 niveaux d’importance des notifications selon le guide des développeurs Android.
La pastille de notification est finalement un emblème de l’absence de consensus sur la question attentionnelle, estime John Herrman. C’est pourtant dans les non-dits de sa signification que se jouent les amalgames entre ce dont nous avons réellement besoin et ce dont les entreprises disent que nous avons besoin ; entre le but que nos logiciels servent et la façon dont nous nous servons d’eux. « La pastille de notification est l’endroit où l’attention mal acquise est blanchie dans un engagement apparemment légitime ». C’est bien le problème !