L’opérateur historique face à un nouveau concurrent local ? : Christian Fages, directeur de l’agence France Télécom du Tarn.

France Télécom participe au développement du réseau de Castres-Mazamet, mais peut être pas là où on pouvait l’attendre. En effet, l’action de l’opérateur historique dans le Tarn ne concerne pas tant l’infrastructure, que les services : mise en réseau des écoles de l’agglomération, participation à la mise en place d’une télévision locale, partenariat avec Télémétropolis et la plate-forme numérique…
Alors, Intermédiasud (la SEM qui construit le réseau fibre optique), concurrent de France Télécom ? Pas du tout, répond Christian Fages, directeur de l’agence France Télécom du Tarn.

Comment s’est fait le contact entre France Télécom et le projet de réseau métropolitain de Castres-Mazamet ?

Je crois que ça répondait à une volonté qui était évidente au niveau de la mairie de Castres et dont nous n’étions pas à l’origine. C’est un choix politique. Mais, les porteurs du projet avaient identifié qu’un réseau fibre optique, quel qu’il soit, ne possédait pas le maillage terminal nécessaire pour pouvoir raccorder un nombre important de bâtiments et de structures diverses et variées. Les contacts se sont donc noués pour essayer de voir comment les uns et les autres pouvaient travailler ensemble. Par ailleurs, il y a eu une conjonction entre l’arrivée de ce projet et un changement dans les mentalités au sein de France Télécom. Lorsque je suis arrivé dans le Tarn, nous étions encore dans l’état d’esprit d’un opérateur présent sur un marché de quasi monopole. On ne concevait pas que l’on puisse offrir des services en dehors de nos propres réseaux d’infrastructures. Avec M. Chapuis, le directeur régional, nous avons travaillé à changer ce genre d’approche. Nous étions convaincus que le sens de l’histoire c’était d’abord le service que l’on offrait et que les structures sur lesquelles il passait étaient, certes importantes, mais peut être pas l’élément déterminant. De fait nous reconnaissions qu’il était possible de répondre à des appels d’offres sur des réseaux qui ne nous appartiennent pas. A partir de ce moment-là les échanges avec la mairie de Castres étaient possibles : nous apportions une contribution qui était aussi un réseau existant de terminaisons, de raccordements possibles…

Au départ, il y a donc eu une petite révolution culturelle au sein de France Télécom ?

Oh oui ! Je crois que nous étions dans une culture où les réseaux c’était notre affaire. Point. Puis, la concurrence aidant, d’autres acteurs ont été amenés à construire des infrastructures. Or, aujourd’hui France Télécom est devenue une entreprise comme une autre, comptant 450 000 salariés et implantée dans plusieurs dizaines de pays. Nous avons certes des obligations de service public, avec les lignes de téléphone, mais nous n’avons plus le rôle fondamental d’équipement du territoire. Dans ce cadre là, aujourd’hui nous reconnaissons que cette expérience castraise peut être reproduite dans d’autres endroits. Il y a quelques années, lorsque nous présentions le projet de Castres-Mazamet, les autres régions avaient été surprises en disant : « Vous êtes sûr que ça peut se refaire ailleurs  ? » La réponse est oui. Une voie a été ouverte et je suis convaincu que d’autres appels d’offre de ce type peuvent se faire.

C’était une sorte de test ?

Un test ? Non, je pense que ça a été une logique de conception de notre stratégie ou, en tout cas, de l’approche qu’on en a. En matière d’infrastructures, toutes les études montrent qu’au niveau mondial il n’y a de la place que pour 4 ou 5 opérateurs. Pourquoi, parce que la concurrence fait que les prix sont tirés vers le bas et donc les marges sont extrêmement faibles. Donc pour un opérateur, la rémunération liée au transport d’information va devenir de moins en moins lucrative. De fait l’opérateur doit se positionner fortement sur les services. Petit à petit la part des infrastructures s’efface au profit d’un immense gâteau  : les services à valeur ajoutée vis à vis du client. Et ce client ne se soucie pas du tout de savoir si ça passe sur une fibre, qui appartient à FT ou un câble qui appartient à un autre. Ce qui est important pour lui c’est la perception qu’il a, la qualité du service et du relationnel et le coût du service en fonction de ce que ça lui rapporte. Le reste devient complètement obsolète. D’autant qu’aujourd’hui, les techniques font qu’en matière de transmission, tous les grands opérateurs ont le même niveau technologique : parce que les centres de recherche travaillent en commun, parce que les coûts de recherches sont tellement immenses que souvent les gens développent en même temps. La mutation est vraiment profonde et nous avons probablement ouvert une voie avec Castres-Mazamet.

Comment voyez-vous l’avenir en tant qu’opérateur ?/

Les opérateurs peuvent proposer une gamme de services extrêmement vaste y compris au travers de portails de contenus. Quand on parle de haut débit on est condamné à avoir des contenus, qu’il s’agisse de télévision locale ou de contenus selon les corporations, des contenus pour les écoles, etc… Il y aura une concurrence très forte mais c’est aussi là où les grands opérateurs trouveront la justification de leurs réseaux. Il faut avoir en tête qu’aujourd’hui les gens paient un coût d’accès au réseau. Or ils vont être amenés à avoir des coûts d’accès à une information. Mais il paraît inconcevable que demain les gens soient dans des accès à l’Internet où il y a deux niveaux de paiement. J’explique souvent à des entreprises, que le fait de se connecter au réseau sera demain suffisamment banalisé, qu’il suffira de se brancher pour avoir accès à l’internet, et, de fait, on concevra de payer pour l’accès des contenus et à des services mais qu’on acceptera de moins en moins le paiement d’accès à un réseau. Dès lors que toutes les entreprises sont raccordées, on va dans une mutation de systèmes économiques importante, dans combien d’années je ne sais pas, mais c’est important. L’avenir est là et la grande révolution pour les opérateurs est dans les services et les contenus. C’est une transition culturelle forte que nous avons déjà commencé à engager. L’expérience de Castres se situe dans cette logique et dans cette dynamique.

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