Le Media Lab du MIT

Par Pascal Chesnais, France Télécom R&D

Mon premier contact avec le Media Lab du MIT a eu lieu il y a un peu plus de 20 ans, quand je travaillais moi-même pour un laboratoire de recherche en France. Nicholas Negroponte me montra les plans d’un nouveau bâtiment dessiné par Ieoh Ming Pei, qui devait abriter le Media Laboratory. Il a ouvert ses portes en 1985 et l’année suivante, j’en suis devenu l’un des étudiants. Par la suite, je suis resté dans l’équipe de recherche et j’y ai fait ma thèse de doctorat. Pendant 13 ans, j’ai vu grandir le Media Lab de plusieurs façons. Aujourd’hui, je travaille au laboratoire de R&D de France Télécom à Boston, et je continue à intervenir pour le Media Lab en tant que sponsor. C’est avec cet angle de vue multiple que j’écris cet édito.

Le Media Lab est situé à l’intérieur du campus du MIT. Cet environnement académique permet d’attirer de multiples talents des quatre coins du monde. Le Media Lab bénéficie d’une position unique au MIT car c’est à la fois un centre de recherche interdisciplinaire et un programme d’enseignement. L’interdisciplinarité signifie qu’il peut accueillir des étudiants dont les parcours sont très variés, et il en va de même pour les professeurs, qui viennent des sciences traditionnelles (physique, biologie, chimie), de l’ingénierie (informatique, holographie…), des arts (graphisme, cinéma…) ou des sciences cognitives. Le Media Lab est le seul centre de recherche du MIT qui a un programme diplômant. C’est une des recettes du succès que le regretté Jerome Weisner (ancien président du MIT) et Negroponte ont concocté quand ils ont co-fondé le Media Lab.

Le Media Lab est organisé en une vingtaine de petits groupes de recherche, dirigés par des chercheurs émérites. Chaque groupe contient six ou sept étudiants dont le cursus est financé au MIT. Ces groupes sont également enrichis par la présence d’autres étudiants (maîtrise) qui participent à temps partiel aux recherches menées. Trois ou quatre groupes partagent des locaux communs, au sein du bâtiment de quatre étages. Le principe est de mélanger des profils différents pour que de nouvelles idées apparaissent spontanément entre les différentes disciplines. Le laboratoire est ouvert 24h/24 aux étudiants et à l’équipe de recherche. Il n’est d’ailleurs pas inhabituel de constater une activité frénétique après minuit. Au Media Lab, la principale activité consiste à fabriquer des choses nouvelles, et la structure le permet, via des équipements haut de gamme destinés à fabriquer sur place tout ce qu’on peut imaginer.

Une saine rivalité existe entre le Media Lab, qui est situé dans l’école d’architecture, et son équivalent au sein de l’école d’ingénierie : le LCS-AI Lab (devenu le Csail, Computer Science and Intelligence Artificial Laboratory). Le fait d’être à l’intérieur de l’école d’architecture permet au Media Lab d’être centré sur les relations entre technologies et personnes, plutôt que de chercher à réaliser des solutions optimales en matière d’ingénierie. Le Media Lab tire partie de la diversité intellectuelle du MIT. Il propose des programmes communs avec des laboratoires d’ingénierie et l’école de Sloan (l’école de Management du MIT). Cela permet aux travaux menés au Media Lab de bénéficier de l’expérience d’ingénierie ou de l’expérience commerciale de ces départements.

Le financement du Media Lab provient de sponsors industriels et de fonds gouvernementaux. Les sponsors peuvent s’impliquer à différents niveaux, le plus souvent en devenant membre d’un consortium, comme « Digital Life« , « Things That Think » ou  » Information : Organized« , qui sont centrés sur des thèmes de recherche qui intéressent directement les industriels. En plus de réunions régulières, les sponsors peuvent rencontrer les chercheurs seul à seul. Ils ont également accès, sans avoir à payer de royalties ou de licences, à la propriété intellectuelle produite durant la durée de leur soutien. Les gros sponsors ont aussi une équipe de recherche présente dans les locaux, à l’intérieur du Media Lab.

Ce sont tous ces éléments qui contribuent au succès du Media Lab. Comparé à la R&D industrielle, le Media Lab est un endroit où l’on peut prendre des risques, puisque cela correspond à la mission académique du MIT d’explorer de nouvelles idées. Les étudiants et les chercheurs sont en prise directe avec les sponsors et peuvent mettre leur travail en perspective très rapidement. Cette capacité à effectuer des démonstrations à de vastes audiences est affectée d’un surnom, « Demo or Die » (faire une démo ou mourir), par contraste entre l’approche du laboratoire et la communication universitaire traditionnelle, « Publish or Perish » (publier ou périr). Les sponsors peuvent rapidement identifier les tendances innovantes et importantes pour leur secteur d’activité et les transférer à leur département R&D pour les industrialiser.

Le succès du Media Lab peut se mesurer aux résultats de recherche publiés, aux thèses, aux contributions aux standards mondiaux, ou aux dépôts de brevets. En outre, les diplômés du Media Lab entrent dans de prestigieux laboratoires de R&D industriels, ou créent des entreprises qui conçoivent des produits innovants.

Au sein du laboratoire R&D de France Télécom à Boston, Pascal Chesnais dirige l’un des groupes de recherche consacré aux interactions de l’utilisateur augmentées d’un contexte personnel, comme des informations relatives à la localisation. Les activités de recherche sont centrées sur la conception de prototypes d’expériences avancées qui peuvent provenir des autres unités France Télécom – Orange, Wanadoo ou téléphonie fixe. Elles illustrent l’opportunité pour un opérateur d’intégrer ligne fixe, ligne mobile et accès internet.

Avant de rejoindre France Télécom, Pascal Chesnais avait fondé et assurait la direction technique de MessageMachines, une jeune pousse basée à Boston, spécialisée dans les services et applications de messagerie avancées. Avant cela, il avait obtenu son Master et son doctorat (Ph. D.) au Media Lab du MIT, après des recherches dans le domaine de la publication électronique et le streaming vidéo. Deux de ses principaux projets au MIT étaient FishWrap, l’un des tout premiers services d’actualités personnalisées sur le web, et Canard, une plate-forme de messagerie communautaire.

Par Pascal Chesnais, France Télécom R&D

Mon premier contact avec le Media Lab du MIT a eu lieu il y a un peu plus de 20 ans, quand je travaillais moi-même pour un laboratoire de recherche en France. Nicholas Negroponte me montra les plans d’un nouveau bâtiment dessiné par Ieoh Ming Pei, qui devait abriter le Media Laboratory. Il a ouvert ses portes en 1985 et l’année suivante, j’en suis devenu l’un des étudiants. Par la suite, je suis resté dans l’équipe de recherche et j’y ai fait ma thèse de doctorat. Pendant 13 ans, j’ai vu grandir le Media Lab de plusieurs façons. Aujourd’hui, je travaille au laboratoire de R&D de France Télécom à Boston, et je continue à intervenir pour le Media Lab en tant que sponsor. C’est avec cet angle de vue multiple que j’écris cet édito.

Le Media Lab est situé à l’intérieur du campus du MIT. Cet environnement académique permet d’attirer de multiples talents des quatre coins du monde. Le Media Lab bénéficie d’une position unique au MIT car c’est à la fois un centre de recherche interdisciplinaire et un programme d’enseignement. L’interdisciplinarité signifie qu’il peut accueillir des étudiants dont les parcours sont très variés, et il en va de même pour les professeurs, qui viennent des sciences traditionnelles (physique, biologie, chimie), de l’ingénierie (informatique, holographie…), des arts (graphisme, cinéma…) ou des sciences cognitives. Le Media Lab est le seul centre de recherche du MIT qui a un programme diplômant. C’est une des recettes du succès que le regretté Jerome Weisner (ancien président du MIT) et Negroponte ont concocté quand ils ont co-fondé le Media Lab.

Le Media Lab est organisé en une vingtaine de petits groupes de recherche, dirigés par des chercheurs émérites. Chaque groupe contient six ou sept étudiants dont le cursus est financé au MIT. Ces groupes sont également enrichis par la présence d’autres étudiants (maîtrise) qui participent à temps partiel aux recherches menées. Trois ou quatre groupes partagent des locaux communs, au sein du bâtiment de quatre étages. Le principe est de mélanger des profils différents pour que de nouvelles idées apparaissent spontanément entre les différentes disciplines. Le laboratoire est ouvert 24h/24 aux étudiants et à l’équipe de recherche. Il n’est d’ailleurs pas inhabituel de constater une activité frénétique après minuit. Au Media Lab, la principale activité consiste à fabriquer des choses nouvelles, et la structure le permet, via des équipements haut de gamme destinés à fabriquer sur place tout ce qu’on peut imaginer.

Une saine rivalité existe entre le Media Lab, qui est situé dans l’école d’architecture, et son équivalent au sein de l’école d’ingénierie : le LCS-AI Lab (devenu le Csail, Computer Science and Intelligence Artificial Laboratory). Le fait d’être à l’intérieur de l’école d’architecture permet au Media Lab d’être centré sur les relations entre technologies et personnes, plutôt que de chercher à réaliser des solutions optimales en matière d’ingénierie. Le Media Lab tire partie de la diversité intellectuelle du MIT. Il propose des programmes communs avec des laboratoires d’ingénierie et l’école de Sloan (l’école de Management du MIT). Cela permet aux travaux menés au Media Lab de bénéficier de l’expérience d’ingénierie ou de l’expérience commerciale de ces départements.

Le financement du Media Lab provient de sponsors industriels et de fonds gouvernementaux. Les sponsors peuvent s’impliquer à différents niveaux, le plus souvent en devenant membre d’un consortium, comme « Digital Life« , « Things That Think » ou  » Information : Organized« , qui sont centrés sur des thèmes de recherche qui intéressent directement les industriels. En plus de réunions régulières, les sponsors peuvent rencontrer les chercheurs seul à seul. Ils ont également accès, sans avoir à payer de royalties ou de licences, à la propriété intellectuelle produite durant la durée de leur soutien. Les gros sponsors ont aussi une équipe de recherche présente dans les locaux, à l’intérieur du Media Lab.

Ce sont tous ces éléments qui contribuent au succès du Media Lab. Comparé à la R&D industrielle, le Media Lab est un endroit où l’on peut prendre des risques, puisque cela correspond à la mission académique du MIT d’explorer de nouvelles idées. Les étudiants et les chercheurs sont en prise directe avec les sponsors et peuvent mettre leur travail en perspective très rapidement. Cette capacité à effectuer des démonstrations à de vastes audiences est affectée d’un surnom, « Demo or Die » (faire une démo ou mourir), par contraste entre l’approche du laboratoire et la communication universitaire traditionnelle, « Publish or Perish » (publier ou périr). Les sponsors peuvent rapidement identifier les tendances innovantes et importantes pour leur secteur d’activité et les transférer à leur département R&D pour les industrialiser.

Le succès du Media Lab peut se mesurer aux résultats de recherche publiés, aux thèses, aux contributions aux standards mondiaux, ou aux dépôts de brevets. En outre, les diplômés du Media Lab entrent dans de prestigieux laboratoires de R&D industriels, ou créent des entreprises qui conçoivent des produits innovants.

Au sein du laboratoire R&D de France Télécom à Boston, Pascal Chesnais dirige l’un des groupes de recherche consacré aux interactions de l’utilisateur augmentées d’un contexte personnel, comme des informations relatives à la localisation. Les activités de recherche sont centrées sur la conception de prototypes d’expériences avancées qui peuvent provenir des autres unités France Télécom – Orange, Wanadoo ou téléphonie fixe. Elles illustrent l’opportunité pour un opérateur d’intégrer ligne fixe, ligne mobile et accès internet.

Avant de rejoindre France Télécom, Pascal Chesnais avait fondé et assurait la direction technique de MessageMachines, une jeune pousse basée à Boston, spécialisée dans les services et applications de messagerie avancées. Avant cela, il avait obtenu son Master et son doctorat (Ph. D.) au Media Lab du MIT, après des recherches dans le domaine de la publication électronique et le streaming vidéo. Deux de ses principaux projets au MIT étaient FishWrap, l’un des tout premiers services d’actualités personnalisées sur le web, et Canard, une plate-forme de messagerie communautaire.

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