Chris Pirillo et Jean-Yves Stervinou : « RSS contribue à mieux faire circuler ces informations et permet de diffuser rapidement les opinions de chacun »

Nous avons demandé à deux spécialistes de RSS (Really Simple Syndication), fervents évangélistes de cette technologie (l’un aux Etats-Unis, l’autre en France), leur avis sur l’avenir de ce format. Chris Pirillo et Jean-Yves Stervinou prédisent une nouvelle étape dans la diffusion et la consommation d’information en ligne. Suite et fin de notre visite guidée pour tout comprendre des promesses de la syndication de contenu.

Chris Pirillo (http://chris.pirillo.com) est l’un des pionniers du contenu en ligne. En 1996, il crée Lockergnome (http://lockergnome.com), un magazine électronique dédié à l’informatique. La publication est aujourd’hui un acteur majeur du paysage internet : proposant une dizaine de newsletters (et de flux RSS correspondants), elle dispose de 250 000 abonnés, et accueille un million de visiteurs par mois. Un colloque annuel, consacré à la technologie et ses usages, est également organisé (http://www.gnomedex.com). A noter que l’une des rubriques de Lockergnome est consacré à RSS : http://rss.lockergnome.com.
Pirillo, qui se définit lui-même comme un « évangeliste de la technologie », anime également « Brain Trust » (http://www.pirillo.com), un réseau de mise en relation d’entrepreneurs internet, et a publié plusieurs ouvrage consacrés à l’internet. Volontiers iconoclaste, il « loue » également son corps aux internautes, qui peuvent y faire figurer le message de leur choix, le temps d’une photo numérique… (http://www.rentmychest.com)

Jean-Yves Stervinou (http://www.stervinou.com), consultant, est le traducteur en français de la syntaxe RSS 2.0. Il a également adapté en français l’un des premiers logiciels de blogging, Radio Userland, devenu « Le Weblog » (http://www.leweblog.com). Il intervient comme chef de projet pour Ublog, l’une des principales communautés de blogs francophones, hébergeant 5 000 blogs à ce jour (http://www.u-blog.net/site).

 
Internet Actu nouvelle génération : Avez-vous le sentiment que RSS est en train de changer la manière dont les gens utilisent l’internet ?

Chris Pirillo : Oui, bien que nous soyons encore en train de sortir de l’antre des « early adopters ». Les logiciels deviennent matures et les éditeurs commencent à comprendre qu’ils peuvent utiliser ce standard pour envoyer leur contenu dans l’infosphère.
De la même façon que les messageries instantanées ont changé notre manière de communiquer en ligne, les agrégateurs de news sont en train de modifier notre façon de collecter et d’organiser l’information numérique.
La valeur de RSS peut sembler difficile à appréhender, mais il en était de même avec le web, le chat, Napster, etc.

Jean-Yves Stervinou : Avec RSS les gens maîtrisent mieux leur consommation d’informations publiées sur le Web.
L’apparition de multiples sources RSS offre une manière plus efficace de consommer un grand volume d’informations en un temps record.
Encore mieux, chaque personne peut devenir une source d’information grâce aux outils de création de Weblogs qui intègrent le RSS depuis longtemps.
J’encourage tout le monde à installer un agrégateur de nouvelles pour voir une application concrète de RSS.

Iang : Pensez-vous que le trafic web va être significativement affecté par RSS (l’utilisation de lecteurs RSS ayant pour effet de diminuer le nombre de visites) ?

Chris Pirillo : Finalement, le visiteur veut recevoir et lire l’information selon le mode qu’il a choisi. Cela peut être via l’email, via le web, ou via RSS. Chacun de ces modes peut être supporté par la publicité, et l’a été, avec succès.
Maintenant, que préférez-vous : charger la totalité d’une page web qui n’a pas été mise à jour depuis votre dernière visite, ou envoyer une requête bien plus petite au serveur pour savoir si le fichier RSS a été modifié ?
L’impact en terme de trafic ne sera que le reflet de ce que les visiteurs d’un site veulent effectivement voir. On ne clique que sur ce à quoi on veut accéder…

Jean-Yves Stervinou : Oui, mais affecté à la hausse. Un agrégateur de nouvelles fonctionne de concert avec le Web, il ne le remplace pas. Par exemple si vous publiez une source RSS ne contenant que les titres de vos articles, vous offrez un moyen aux gens de revenir vers votre site Web plus souvent.
Ceux qui s’abonnent à votre source RSS sont fidèles car ils ont fait le choix de vous ajouter à leur agrégateur de nouvelles, sans les désagréments d’une newsletter par email.
RSS est une technologie très simple, vous pouvez mettre en place une source RSS rapidement et tester son impact sur la consultation de votre site Web sans prendre de risque.

Iang : En France, la plupart des gros sites d’information ne proposent pas de flux RSS. Que pourriez-vous leur dire pour les convaincre de le faire ?

Chris Pirillo : Je dirais simplement que… quelqu’un pourrait les mettre KO. Que cela vous plaise ou non, l’idée de RSS va faire son chemin et perdurer. Comment les publications papier ont-elle été convaincues de porter leur contenu sur le web quand il est apparu ?
Cette fois-ci c’est encore plus simple, et des gens comme moi effectuent un travail de fond pour assurer la compréhension et l’adoption massive de la technologie par le grand public.

Jean-Yves Stervinou : Une source RSS fidélise les lecteurs. Ils consultent leurs sites favoris bien plus souvent car un agrégateur de nouvelles leur permet de consommer un très grand nombre de sites.
Les gros sites d’information n’ont pas à s’inquiéter s’ils se contentent de mettre les titres et résumés des articles dans leurs sources RSS.
Les lecteurs doivent toujours aller sur le site Web pour lire l’article, et les publicités affichées sur le site.
Les éditeurs doivent donc saisir l’opportunité de tester sans grand investissement une source RSS sur une zone de leur site.
RSS est si simple à mettre en oeuvre que ça ne sert à rien de tergiverser pendant des mois, essayez et analysez l’impact.

Iang : Pensez-vous que RSS puisse constituer une alternative aux newsletters email ?

Chris Pirillo : Oui, complètement. Avec RSS, il n’y a plus de « listes noires », c’est l’utilisateur qui contrôle son abonnement, et l’éditeur se contente de choisir ce qui est envoyé et quand.
Ou, pour le dire autrement : combien de pourriels recevez-vous ? Et combien de flux RSS pourris recevez-vous ? C’est une question piège, parce que, par essence, un flux RSS pourri ne peut pas exister.

Jean-Yves Stervinou : Avec les sources RSS, vous pouvez surveiller les actualités d’un volume de sites beaucoup plus important. Ceci sans le stress associé aujourd’hui aux emails. Tout le monde a sa boite email surchargée par le spam, les emails professionnels et personnels. Les newsletters email sont donc de plus en plus vécues comme une agression : elles arrivent à un rythme régulier que le lecteur ne maitrise pas facilement.
Avec RSS et un agrégateur de nouvelles, vous gardez la maîtrise de vos abonnements. Si vous êtes abonnés à plusieurs newsletters email, je vous encourage à regarder lesquelles vous lisez effectivement et selon quelle fréquence. RSS permet de lire beaucoup plus d’actualités en un temps donné, et au moment de votre choix.

Iang : Croyez-vous que dans un futur proche, une grande proportion des flux RSS contiendront des publicités, et si c’est le cas, ne peut-on pas craindre que l’intérêt de RSS ne soit un peu « tué » par la publicité ?

Chris Pirillo : Cette crainte s’appliquerait-elle au web ou à l’email ? Est-ce que l’arrivée massive de la publicité et du sponsoring a tué ces médias ? Si l’éditeur offense ses abonnés avec un mauvais ratio « signal/bruit », ils vont probablement arrêter de visiter son site web et de lire sa newsletter, de la même façon qu’ils supprimeront leur flux RSS de leur agrégateur de news. Il n’y a aucune « nouvelle crainte » à avoir en la matière.

Jean-Yves Stervinou : En mettant seulement les titres et les résumés des articles dans les sources RSS, les lecteurs verront la publicité en lisant l’article complet dans son contexte sur le site Web.
RSS ne remplace pas le Web, il donne de nouveaux outils pour faire connaître ses contenus, sans forcément distribuer le contenu lui même dans la source RSS. Là encore, un site Web qui tire des revenus de la publicité peut tester deux sources RSS : une sans publicité, une avec, et analyser l’impact.

Iang : RSS est-il le futur du web ?

Chris Pirillo : RSS (et ses descendants éventuels) est le futur de la publication et de l’agrégation de contenu. Cela aide les gens à retourner sur des sites web quand il y a quelque chose de nouveau à y voir, et cela renvoie les newsletters email à l’âge de pierre en terme de puissance, de simplicité d’utilisation, et de contrôle (des deux côtés).
Je n’irai pas jusqu’à dire que c’est une solution universelle pour tous les aspects de l’internet, mais je soutiens, définitivement, que RSS tiendra sa place sur le podium…

Jean-Yves Stervinou : Le Web recèle une quantité gigantesque d’informations. RSS contribue à mieux faire circuler ces informations, et il permet de diffuser rapidement les opinions de chacun.
Grâce à RSS, chacun peut en effet à la fois publier sa propre source d’informations et s’abonner à d’autres sources.
J’encourage tout le monde à découvrir les sites qui offrent dès à présent des sources RSS : Weblogs, sites d’actualités, sites d’entreprises, sites gouvernementaux. Les blogueurs ont adopté rapidement le format RSS et des entreprises comme Microsoft ou Yahoo l’utilisent également. Chez Ublog, chaque Weblog a sa source RSS, mais nous allons par exemple utiliser RSS pour que les gens puissent importer et exporter facilement leur Weblog.
Les applications de RSS vont se multiplier grâce à sa simplicité. RSS c’est dès aujourd’hui, pas uniquement dans le futur :-)

 
Propos recueillis par Cyril Fievet

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