La Wi-Generation : WiMedia (WUSB), Wi-Fi, WiMax (WDSL), Wi-Mobile

Par Jean-Michel Cornu [1]

Avant le monde était simple, les réseaux informatiques s’occupaient des réseaux locaux (LAN) et les réseaux télécom avaient en charge les réseaux distants (WAN). Progressivement sont apparus d’autres niveaux et les deux cultures ont du apprendre à échanger plus entre elles, bien que les solutions proposées soient encore très différentes.

On décompose en général les réseaux en 4 niveaux : personnels (PAN), locaux (LAN), métropolitains (MAN) ou distants (WAN). Cela se traduit par des standards pour chacun des quatre niveaux :

  • Dans le monde des réseaux sans fil de télécommunications : HiperPAN, HiperLAN, HiperMAN et la mobilité 3G ;
  • Dans le monde des réseaux sans fil informatiques (majoritairement standardisés par IEEE) : IEEE 802.15 (Bluetooth, UWB, Zigbee), IEEE 802.11 (Wi-Fi), IEEE 802.16 (WiMAX) et IEEE 802.16e/802.20 (Wi-Mobile)

Le comité 802 de l’IEEE est sous les feux de la rampe (voir Ethernet et Internet). En particulier le groupe 802.11 qui a en charge les réseaux sans fil. Les Américains considèrent que pour des raisons de prix les réseaux de type IEEE ont gagné face aux réseaux mobiles télécom (un peu comme Ethernet a pris le pas sur ATM).

  • Ordre de grandeur des points d’accès : Wi-Fi : 100 €, WiMAX : 1 000 €, UMTS : bien plus que 10 000 €

D’un autre coté, les technologies télécom dites de 3e génération (telle que l’UMTS) sont déjà « complètes ». Si elles s’implantent rapidement, elles ont encore une chance. Jusqu’à présent, seul le monde des télécom permettait la mobilité (la connexion en déplacement et le passage de cellule à cellule appelé handover). Le monde sans fil de IEEE orienté jusqu’à présent plus vers le nomadisme, s’ouvre peu à peu au handover et à la mobilité.

Nous allons présenter ci-dessous la réorganisation des différents réseaux sans fil IEEE suivant les 4 niveaux PAN, LAN, MAN et WAN. Certains noms indiqués pourront encore évoluer. Le lecteur pourra également se reporter pour plus de détail à la fiche d’expertise sur les différents réseaux sans fils.

Pour les réseaux personnels : WUSB – supprimer les câbles à la maison

L’univers des réseaux personnels sans fil semblait assez confus avec Bluetooth, UWB ou encore Zigbee. Dans les prochains mois, les noms des standards techniques devraient se cacher derrière des noms commerciaux plus accessibles (un peu comme Wi-Fi qui se base sur le standard IEEE 802.11).

Ainsi, le WUSB proposé par la WiMedia Alliance a pour vocation de remplacer les connexions avec des câbles USB par des connexions sans fil. De la même façon que l’USB a été associé au « plug and play », les réseaux personnels sans fil doivent pouvoir détecter les équipements disponibles dans l’entourage (la cellule est appelée ici « piconet ») et s’y connecter en moins de 1seconde (il faut 30 secondes en Wi-Fi). Le débit brut devrait être de 480 Mb/s, identique à celui de l’USB 2, avec un débit utile de l’ordre de 200 Mb/s. La technologie consomme peu d’énergie (par exemple la puissance consommée en mAh à 3,3 V est 39 fois plus faible que Bluetooth). Le WUSB est aussi sécurisé (chiffrement AES de IEEE 802.11i) et permet de gérer la qualité de service (la bande passante est distribuée en fonction des profils et donc des débits demandés). Enfin, l’objectif est que le prix soit suffisamment bas pour permettre qu’il soit intégré sur des cartes mère ou des clés pour remplacer l’USB2.

Parmi les usages prévus, on peut compter la distribution audio/vidéo : par exemple le home theater avec 3 ou 4 flux vidéos transmis sur une portée de 10 ou 15 m ; le transport du son très haute qualité…

Le WUSB (la version sans fil de l’USB) s’appuie sur le standard IEEE 802.15.3 également connu sous le nom d’UWB (Ultra Wide Band), auquel ont été ajoutés des profils applicatifs et des plates-formes tierces telle que UPnP (Universal Plug and Play) pour la découverte de service. L’UWB utilise une bande très large de fréquence (entre 3,1 et 10,6 GHz) à très faible puissance pour ne pas gêner les autres communications utilisant ces différentes fréquences. Cette méthode permet en théorie d’obtenir un débit de 1 Gb/s sans monopoliser des bandes de fréquences déjà utilisées par ailleurs. Les autres émissions extérieures peuvent cependant perturber la transmission UWB, mais l’expérience montre que l’on a toujours au moins 50 % du débit disponible. C’est pour cela que l’on a réduit le débit de l’UWB de 1 Gb/s à 480 Mb/s (IEEE 802.15.3a).

Zigbee, l’autre réseau personnel : Objectif, consommer le moins possible

Zigbee a pour vocation de transmettre des commandes à des objets communicants (par exemple, des capteurs, des équipements ménagers et très rapidement des jouets). L’objectif est d’établir un standard dans un marché très fragmenté.

Il propose donc une approche différente pour les réseaux sans fil. Il ne s’agit plus d’obtenir un haut débit mais d’avoir une consommation la plus faible possible (la pile doit durer toute la vie de l’équipement…) pour intégrer cette technologie dans les objets et leur permettre de communiquer entre eux. On parle de « M to M » (Machine à Machine). De ce point de vue, il se rapproche d’une autre technologie développée de manière indépendante : les RFID, dont l’industrialisation doit permettre d’atteindre un prix tellement bas que l’on puisse intégrer des puces à l’étiquette jetable d’un produit.

La technologie utilisée permet d’atteindre une grande densité de nœuds par réseau. Le niveau de sécurité est potentiellement très important (avec une boite à outil de sécurité). Zigbee est assez différent des autres technologies sans fil et sa compatibilité avec les autres réseaux Wi-xx reste encore incomplète. Il utilise un protocole spécifique au-dessus des couches physiques et MAC ; non compatible avec l’internet. Le réseau utilise deux fréquences : le 2,4 GHz qui permet un débit de 250 Kb/s (IEEE 802.15.4) ainsi que 868 MHz en Europe ou 915 MHz aux Etats-Unis pour un débit de 20 Kb/s (IEEE 802.15.4a). Il s’agit d’un réseau en étoile avec un maximum de 255 nœuds, mais le pair à pair entre les nœuds est également possible.

Pour les réseaux locaux : Wi-Fi

En 2004, 90 % des machines portables vendues intègrent du Wi-Fi, avec un débit effectif qui se situe entre 15 et 20 Mb/s pour les standards IEEE 822.11a et IEEE 802.11g. Le groupe IEEE 802.11 dispose de nombreux sous-groupes de travail.

La sécurité peut être aujourd’hui considérée comme satisfaisante avec l’arrivée en juin 2004 du standard IEEE 802.11i (voir l’article « zoom sur la sécurité des réseaux sans fil ») mais celui-ci n’est pas compatible avec le parc existant. Il faudra donc pour obtenir un réseau local sans fil sécurisé, migrer l’ensemble des équipements ou bien mettre en place une sécurité à deux vitesses au sein du même réseau, au risque d’offrir une porte ouverte aux intrusions…

La qualité de service pour sa part reste encore un problème . Le standard IEEE 802.11e s’y attaque, mais demeure moins efficace que le standard DiffServ utilisé sur l’internet.

Porter le débit à 100 Mb/s effectifs (IEEE 802.11n). Pour obtenir ce débit, cette technologie marie les deux bandes de fréquences utilisées actuellement par le Wi-Fi : le 2,4 et le 5 GHz (plus précisément les bandes 2,4-2,4835 GHz, 5,15-5,35 GHz et 5,725-5,825 GHz – sauf en France pour celle du haut). Pour permettre d’augmenter encore le débit, le 802.11n utilise une technologie particulière appelée Mimo (Multiple In Multiple Out). Chaque antenne se compose d’un grand nombre de sous-antennes qui émettent chacune selon des angles différents, de façon très directive. Chacune des sous-antennes peut alors transmettre plus de débit avec une plus grande portée . De cette façon, le débit peut être porté à 100 Mb/s tout en augmentant la taille des cellules jusqu’à 1 Km. Lorsque le signal rencontre des murs, une partie seulement du signal est transmise et une autre est réfléchie. Un équipement peut donc recevoir le signal de plusieurs sous-antennes, selon des angles différents. Cette redondance est mise à profit pour fiabiliser le réseau. Une autre solution consiste à avoir une antenne directive mobile à la façon des radars.
Les réseaux 802.11n intégreront dès le départ la sécurité (802.11i – WPA2), le handover pour permettre de passer d’une cellule à l’autre sans perdre la connexion (IEEE 802.11f) et la qualité de service (IEEE 802.11e). Les premiers produits au standard IEEE 802.11n pourraient voir le jour fin 2005 ou début 2006.

Les réseaux mesh (IEEE 802.11s) permettent de relier entre eux les points d’accès sans fil, non plus par des câbles, mais par voie hertzienne. Par exemple, une cellule est couverte par un point d’accès IEEE 802.11g avec une antenne omnidirectionnelle pour communiquer avec les équipements utilisateurs situés dans la cellule, et une ou plusieurs antennes directionnelles au standard IEEE 802.11a pour communiquer avec les autres points d’accès. Cette solution permet d’étendre facilement un réseau. La question est de savoir comment router l’information pour l’acheminer à la bonne cellule. Le groupe de travail IEEE 802.11s étudie également les réseaux ad-hoc qui n’utilisent plus de points d’accès fixes, mais routent les données de proche en proche directement à travers les équipements disponibles.

De très nombreux nouveaux groupes de travail se créent au sein de l’IEEE 802.11 pour ajouter des fonctionnalités aux réseaux Wi-Fi. Tous n’auront pas un succès commercial et il est difficile de savoir ce qu’intégreront les réseaux locaux sans fil de demain.

Pour les réseaux métropolitains : WDSL de la WiMAX Alliance

« WDSL » sera peut-être bientôt le nom commercial des technologies basées sur le standard IEEE 802.16 et aujourd’hui labellisées sous le nom de WiMAX. En fait, la WiMAX Alliance a pour objectif de « certifier les équipements respectant le standard IEEE 802.16 ou compatibles », ce qui laisse également la porte ouverte à d’autres technologies telles qu’HiperMAN (Voir également la fiche d’expertise WiMAX).

Comme son nom l’indique, WDSL vise à concurrencer les connexions filaires xDSL et le câble de télévision (CATV) par des réseaux sans fil. La technologie utilise des antennes de diffusion classiques, mais aussi des antennes qui ne couvrent qu’un angle de 90° (dans ce cas il en faut 4 si l’on veut couvrir tout l’espace situé autour du pointd’émission), ainsi que des antennes point à point (dans ce cas, on prévoit plutôt des fréquences au-dessus de la dizaine de GHz).
Les expériences de terrain portent pour l’instant principalement sur du point à multi-points : par rapport aux caractéristiques théoriques (70 Mb/s sur 50 Km) on observe dans les faits plutôt un débit de 10 à 15 Mb/s sur une portée de 10 Km.

Avec l’arrivée du nouveau standard IEEE 802.16 -2004, le WDSL devrait se développer rapidement. Intel prévoit une puce nommée Rosedale pour la prise en charge du WiMAX (sur le même modèle que Centrino pour Wi-Fi). Elle sera disponible dès 2005 pour être intégré dans des boîtiers externes de type modem. On devrait retrouver des puces Rosedale en 2006 dans les ordinateurs puis en 2007 dans les ordinateurs de poche et les téléphones portables.

Il existe plusieurs fréquences possibles pour la technologie WiMAX (3,5 GHz, mais aussi 2,5 GHz et 5,86 GHz, cette dernière étant une bande de fréquence sans licence). Cette technologie couvrant des zones étendues, il est important de disposer du plus grand nombre possible de bandes de fréquences pour permettre au plus grand nombre d’avoir accès. Le groupe IEEE 802.22 travaille également à récupérer la bande passante située entre les canaux de télévision (dans la bande des 54-698 GHz), aujourd’hui peu utilisée, dans le but de créer des réseaux métropolitains (MAN) à très haut débit.

Pour la mobilité : Wi-Mobile

Mi-novembre 2004, les deux groupes de l’IEEE qui traitaient de mobilité dans les réseaux sans fil ont fusionné. L’objectif est de développer le Wi-Mobile qui permettra d’ajouter la mobilité aux réseaux sans fil métropolitains (WMAN). Le standard associé, IEEE 802.16e, est attendu pour fin 2005 ou début 2006.

Les spécifications ne sont pas encore figées mais le Wi-Mobile devrait offrir au moins 1 Mb/s par utilisateur (et non plus partagé comme sur les réseaux sans fil non mobiles) sur des cellules de plus de 1 km, tout en permettant des déplacements à des vitesses supérieures à 250 Km/h. Le réseau sera sécurisé (peut être par carte à puce comme les réseaux mobiles classiques) et gèrera la qualité de service pour, par exemple, faciliter le transport du son et de l’image. Le groupe souhaite pouvoir utiliser des fréquences inférieures à 3,5 Ghz, bien plus faciles à mettre en œuvre (peut être en réutilisant certaines fréquences non exploitées par l’UMTS ?)

Wi-Mobile devrait permettre de mettre en place des réseaux mobiles à un coût 10 fois moindre que les réseaux de troisième génération (tels que l’UMTS ou le cdma2000 EV-DO). L’objectif, pour certains, est de prendre le marché de la 3G en dix ans. Il est cependant difficile de prévoir qui de la 3G ou de Wi-Mobile triomphera, ce dernier arrivant un peu tard.

La vision du Wi-Mobile est celle de « l’Internet Ambiant » : chaque personne ou objet doit pouvoir se connecter où il le veut quand il le veut, qu’il se déplace ou non.

Passer d’un réseau à l’autre : le handover

Disposer de 4 types de réseaux (PAN, LAN MAN et WAN) est bien, être capable de passer de façon transparente d’un réseau à l’autre est mieux. C’est l’objectif du groupe de travail IEEE 802.21 : intégrer W-USB, Wi-Fi, WiMAX et Wi-Mobile pour réaliser un réseau « sans couture » (seamless). En définitive, toutes ces normes sont vues comme une norme unique par l’IEEE.

Le handover permet de passer de façon transparente d’une cellule à une autre (à ne pas confondre avec le roaming qui est un accord commercial permettant d’utiliser le réseau d’un autre opérateur). On distingue :

  • Le handover horizontal : passer d’une cellule à une autre utilisant la même technologie ;
  • Le handover vertical : passer d’un type de réseau à l’autre (de Wi-Fi, à la 3G, au satellite…) ;
  • Et maintenant le handover diagonal : entre W-USB, Wi-Fi, WDSL et Wi-Mobile qui utilisent des technologies sous-jacentes communes.

Jean-Michel Cornu

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1. L’auteur tient à remercier Guy Pujolle (Lip6) et Jean-Marc Dolivramento (Bouygues Telecom) pour leur relecture attentive et leurs corrections judicieuses. Ce document est un résumé des présentations sur le thème des réseaux sans fil faites lors du 18e congrès DNAC les 30 novembre et 1er décembre 2004 sur le thème « Contrôle, maîtrise et autonomie des réseaux » et de la présentation de Guy Pujolle (Lip6) à l’occasion du tutoriel qui s’est déroulé la veille : « Stratégies à moyen et long termes dans le monde des réseaux et des télécoms ».

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0 commentaires

  1. L’UMTS permet au mieux un peu moins de 500 kb/s. Une évolution de l’UMTS, appelée HSDPA, permettra 1 Mb/s. Cette évolution devrait monter en charge sur le marché dès 2006. Mais je pense qu’elle arrivera trop tard… L’Histoire récente des télécoms prouve que c’est désormais le couple IP-Ethernet, issu du monde informatique, qui mène le bal face aux réseaux d’opérateurs (ATM, ISDN, UMTS).

  2. Bonjour,

    Cet excellent article parle du Zigbee.

    Il y a t’il un rapport avec les petits blanc accrochés aux descentes de chenaux visible partout dans Paris. (transceiver 868mhz)

    Et si oui, pour quoi, pour qui, comment ??

    merci

  3. cherche des documents sur wimax pour miaider moi de mon memoire de fin d’etude

  4. Il y des bétises sur ZigBee dans ce papier
    Le standard IEEE original est le 802.15.4-2003 et il inclus déja les versions 250 Kbs (2,4 GHz) et 20 kbs (868 MHz)
    Le futur IEEE 802.15.4a défini de nouveaux systeme radio apportant des débit variables de 100 kbit à 26 Mbits et surtout la possibilité de géo-localiser les noeud du réseaux avec une précision meilleure que 1m, meme à l’intérieur des batimes. Le standard s’appuie sur l’UWB impulsionel pour cela.

  5. Depuis la date de parution de l’article (2005), le standard Zigbee a évolué. En particulier la partie radio a beaucoup changée pour permettre d’utiliser l’UWB.

    Cela est surprenant car au départ Zigbee a été pensé comme un réseau de commande entre les objets (ce qui nécessite peu de débit mais surtout une consommation électrique très faible pour permettre d’incorporer aux objets des batteries qui tiennent leur durée de vie). Avec 26 Mbps on est dans un autre champ d’usage. La localisation qui a également été ajoutée depuis, par contre, prend du sens dans un réseau d’objet.