Internet et médias : la fracture

Plus de 10 ans après son avènement en tant que média universel et planétaire, l’internet et le web font toujours figures de « mal aimés » des médias traditionnels.

Le constat est simple : les médias, qu’il s’agisse de presse et surtout de télévision semblent vouloir ignorer le net. A de rares exceptions près, la plupart récentes et dues en particulier à l’émergence du phénomène des blogs, les journaux et magazines, écrits ou télévisés, ne parlent que rarement de ce qui se passe sur l’internet. Même les sites de presse quotidienne en ligne, à l’exception notable de Libération, ne proposent que rarement des liens vers d’autres sites web. Pire, la télévision semble avoir presque totalement occulté l’existence de l’internet. En France, il y a près de 10 ans, au moins trois émissions régulières, quotidiennes et hebdomadaires, étaient consacrées au multimédia et au cyberspace. Il n’en existe plus aucune aujourd’hui à l’antenne des grandes chaînes nationales. Et lorsqu’on aborde l’internet sur ces dernières, c’est en général via de courts reportages forcément superficiels et pour en souligner les risques ou le côté inquiétant, à coups de réseaux pédophiles démantelés ou d’apparition de nouveaux virus dévastateurs. Il aura fallu attendre juin 2005 pour voir l’une des principales émissions de reportage de la télévision française consacrer un sujet aux blogs en prime time, au moins deux ans après que d’autres aient constaté l’existence d’un tel phénomène au plan mondial.

Cet état de fait est surprenant, d’abord compte tenu de l’ampleur prise par le net dans les usages et les modes de consommation de l’information d’aujourd’hui. Faut-il rappeler que la France compte plus de 25 millions d’internautes ? Faut-il relever l’affluence enregistrée par le site de la Nasa, un milliard de connexions le 4 juillet dernier, jour de la collision programmée entre Deep Impact et la comète Tempel-1 ?

En tout état de cause, les exemples ne manquent pas et démontrent de façon quasi quotidienne qu’un très grand nombre de gens se tournent vers l’internet pour suivre en détail et en direct les événements majeurs de l’actualité mondiale. Sans parler des geeks, l’internet fait partie intégrante du quotidien, dans la plupart des pays industrialisés. Un extraterrestre qui jugerait de l’importance relative des médias humains à l’aune de ce qu’il voit à la télévision aurait pourtant du mal à l’admettre.

Autre source d’étonnement, les médias traditionnels ont depuis toujours l’habitude de se citer mutuellement, et même de se mêler. N’entend-on pas depuis toujours, à la radio, des « revues de presse » quotidiennes résumant ce qui est publié dans les journaux et magazines ? Ne voit-on pas régulièrement des journalistes de presse écrite ou radio intervenir, en tant qu’intervieweurs ou au titre d’experts, dans des émissions télévisées et autres débats politiques ? N’est-il pas fréquent, lors du journal télévisé, de signaler la parution d’un nouveau magazine imprimé ? Ne lit-on pas souvent, notamment dans la presse quotidienne, des chroniques commentant les programmes télévisés de la veille ? Et faut-il évoquer, de surcroît, la multiplication des émissions télévisées consacrées… à la télévision ?

De tout cela, le net est étrangement absent. A l’inverse, les médias traditionnels demeurent la principale source, jamais tarie, qui nourrit les blogs, les forums, voire les sites institutionnels. Mais rien en retour, ou presque.

A part quelques brèves chroniques sur certains talk-shows ou quelques initiatives limitées à de petites chaînes, tout se passe comme si le net demeurait une chose marginale. Un repère de fans d’informatique parlant un langage abscons. Un lieu étrange et virtuel dans lequel on pénètre peu, et dont on considère par principe qu’il n’intéresse pas le « grand public », à commencer par la ménagère de moins de 50 ans. En somme, une boîte de Pandore que l’on évite d’ouvrir et, surtout, qui n’a pas encore véritablement gagné ses galons de « vrai média ».

En retour, en vertu d’une réaction quasi physiologique, les internautes les plus fervents – ou les plus jeunes – délaissent les médias traditionnels, à commencer par la télévision. A l’inverse de ce qui se passe avec les autres médias (on achète un journal imprimé pour connaître les programmes télévisés, par exemple), le net est endogame. La principale source d’informations sur ce qui se passe sur le net est le net lui-même. Et plus on s’informe via le réseau, plus on ressent un fort décalage en revenant à l’information proposée par ailleurs.

Ce décalage accentue le rejet des médias traditionnels par une partie des citoyens, qui ne se retrouvent plus dans l’information qu’on leur diffuse. Il n’est pas exagéré de parler d’une fracture. L’information que l’on consomme en ligne n’est pas la même que celle des autres médias, ni dans la forme (avec l’avènement du « sur-mesure » rendu possible, plus que jamais, par RSS) ni sur le fond. Les internautes établissent en permanence leur propre hiérarchisation de l’actualité, souvent très éloignée des Unes des quotidiens et encore bien davantage de l’ordre des sujets diffusés par les journaux télévisés. Du reste, depuis longtemps, les dépêches d’agence, jadis un privilège de journaliste, sont accessibles librement sur la plupart des portails. Chacun va y piocher, avec une immédiateté inédite, l’information qui l’intéresse et qui ne sera souvent reprise que bien plus tard par la presse ou la télévision.

De ce processus naît un décalage qui, par bien des aspects, est inquiétant.

On assiste à une sorte de séparation, en partie générationnelle, entre ceux pour qui le journal télévisé et un quotidien régional sont les principales sources d’information, et ceux qui ne consomment plus, presque exclusivement, que ce qui est en ligne. Comme le souligne Pierre Bellanger, PDG de Skyrock, les 2,5 millions d’adolescents qui animent la communauté Skyblog se sont emparés de ce nouveau média, au point de transformer en profondeur la radio qui en a été l’origine, pour en faire un média nouveau, hybride, dont le web et les téléphones mobiles sont les vecteurs les plus dynamiques.

On peut se demander ce qu’il adviendra de tout cela dans quelques années, quand ces millions d’adolescents, qui publient chaque jour quelques 500 000 billets sur leurs blogs, deviendront adultes. Mais il y a fort à parier qu’ils jetteront un regard sévère sur les « vieux médias » qui les auront tant ignorés.

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0 commentaires

  1. Comme les majors de la musique ont ignoré le net et ses implications tant qu’ils l’ont pu, les médias traditionnels – TV en tête – laissent internet se débrouiller seul, en profitant au mieux de leurs dernières années d’hégémonie médiatique… et publicitaire.

    Pourquoi chercher à se brûler les ailes sur le net, quand il suffit d’attendre que le travail soit fait par d’autre… et les racheter !

    Les « grands » médias n’ont que peu d’intérêt à risquer des investissements importants et/ou dangereux pour leur image (TF1 est-il mal vu par les internautes avertis pour sa faible ouverture au net ou pour ses programmes ?).

    Par ailleurs, en France, nous avons la « chance » d’avoir des gros PDG vieux et durables… Patrick Lelay et consors sont-ils aussi chébrans que Chirac et son mulot ? Sûr que Bellanger n’est pas représentatif du patronat français !

  2. Question de culture et de génération … sans aucun doute !
    La télévision est tonitruante et s’accomode facilement des strass et paillettes de la société du spectacle. Le net lui est plus timide et s’accomode encore -assez- mal de la vidéo qui est le mode de lecture privilégié de notre époque. Il se diffuse sur un ordinateur qui est pour beaucoup encore un frein à une utilisation décontractée. Il oblige encore à utiliser un clavier archaïque…. Cela va-t-il changer avec l’arrivée des PC de loisirs dans nos salons ?

    Au fait il n’y a pas que le net a être boudé par les médias traditionnels chaînes de télévision -populaires- en tête, il y a les jeux vidéo. Encore une fois tout un choc des cultures !

  3. Ne peut-on pas également imaginer la cause suivante de la non-réciprocité des références Médias < -> Internet :
    Internet est un média riche (texte, image, vidéo) et peut facilement parler des médias, en insérant des références. Les médias eux sont plus pauvres en support : la TV, basée sur l’image, aura du mal à reprendre des infos du Web (écrites, montrer des pages, …). Idem pour la radio. La presse, elle, le fait un peu mieux, car elle rejoint le Web sur l’écrit, et peut rapporter des images.

  4. Bien sur qu’il y a plus qu’une fracture entre Internet et Medias traditionnels.
    Notament en ce qui concerne la diffusion musicale.
    Mais cela represente t’il un reel danger pour eux à terme ?
    Je ne le pense pas.
    En fait, il leur suffira, aux medias traditionnels, de prendre le train en marche lorsqu’ils ne pourront vraiment plus faire autrement, et ils se retrouveront de nouveau en situation de monopole.
    D’ailleurs, c’est deja plus ou moins ce qui est en train de se passer, je parle bien sur du telechargement en ligne, les grosses multinationales ne cherchent plus uniquement les moyens de l’eradiquer, mais plutot comment s’affranchir de toute cette concurence qui leur fait de l’ombre.
    Les nouvelles plateformes de telechargement legales payantes se retrouvent aujourd’hui comme par hasard en haut des moteurs de recherches, et ce n’est manifestement pas le fruit d’une politique de referencement à long terme qui les y a propulsé.
    Quelques gros capitaux par ci par la et hop, les requetes Googles leurs seront entierement devouees.
    Et a terme, nous verrons la toile uniquement consacrée aux mêmes tetes d’affiches qui se partageront la totalité du gateau.
    Au detriment de ceux et celles qui auront contribué à l’essort de ce nouveau medias bien sur.
    Je pense, malheureusement, qu’ils peuvent tres largement se permettre de prendre le metro en retard, leur aveuglement jusqu’alors ne sera en aucun cas un handicap lorsqu’il leur faudra faire machine arriere.
    Je sais, ma vision est negative, et vous voudrez bien m’en excuser.
    Merci

    Ganya
    Rasta-Square

  5. Bien sur qu’il y a plus qu’une fracture entre Internet et Medias traditionnels.
    Notament en ce qui concerne la diffusion musicale.
    Mais cela represente t’il un reel danger pour eux à terme ?
    Je ne le pense pas.
    En fait, il leur suffira, aux medias traditionnels, de prendre le train en marche lorsqu’ils ne pourront vraiment plus faire autrement, et ils se retrouveront de nouveau en situation de monopole.
    D’ailleurs, c’est deja plus ou moins ce qui est en train de se passer, je parle bien sur du telechargement en ligne, les grosses multinationales ne cherchent plus uniquement les moyens de l’eradiquer, mais plutot comment s’affranchir de toute cette concurence qui leur fait de l’ombre.
    Les nouvelles plateformes de telechargement legales payantes se retrouvent aujourd’hui comme par hasard en haut des moteurs de recherches, et ce n’est manifestement pas le fruit d’une politique de referencement à long terme qui les y a propulsé.
    Quelques gros capitaux par ci par la et hop, les requetes Googles leurs seront entierement devouees.
    Et a terme, nous verrons la toile uniquement consacrée aux mêmes tetes d’affiches qui se partageront la totalité du gateau.
    Au detriment de ceux et celles qui auront contribué à l’essort de ce nouveau medias bien sur.
    Je pense, malheureusement, qu’ils peuvent tres largement se permettre de prendre le metro en retard, leur aveuglement jusqu’alors ne sera en aucun cas un handicap lorsqu’il leur faudra faire machine arriere.
    Je sais, ma vision est negative, et vous voudrez bien m’en excuser.
    Merci

    Ganya
    Rasta-Square

  6. Bien sur qu’il y a plus qu’une fracture entre Internet et Medias traditionnels.
    Notament en ce qui concerne la diffusion musicale.
    Mais cela represente t’il un reel danger pour eux à terme ?
    Je ne le pense pas.
    En fait, il leur suffira, aux medias traditionnels, de prendre le train en marche lorsqu’ils ne pourront vraiment plus faire autrement, et ils se retrouveront de nouveau en situation de monopole.
    D’ailleurs, c’est deja plus ou moins ce qui est en train de se passer, je parle bien sur du telechargement en ligne, les grosses multinationales ne cherchent plus uniquement les moyens de l’eradiquer, mais plutot comment s’affranchir de toute cette concurence qui leur fait de l’ombre.
    Les nouvelles plateformes de telechargement legales payantes se retrouvent aujourd’hui comme par hasard en haut des moteurs de recherches, et ce n’est manifestement pas le fruit d’une politique de referencement à long terme qui les y a propulsé.
    Quelques gros capitaux par ci par la et hop, les requetes Googles leurs seront entierement devouees.
    Et a terme, nous verrons la toile uniquement consacrée aux mêmes tetes d’affiches qui se partageront la totalité du gateau.
    Au detriment de ceux et celles qui auront contribué à l’essort de ce nouveau medias bien sur.
    Je pense, malheureusement, qu’ils peuvent tres largement se permettre de prendre le metro en retard, leur aveuglement jusqu’alors ne sera en aucun cas un handicap lorsqu’il leur faudra faire machine arriere.
    Je sais, ma vision est negative, et vous voudrez bien m’en excuser.
    Merci

    Ganya
    Rasta-Square

  7. Je suis parfaitement d’accord sur le faite qu’il y est une fracture entre l’Internet et les médias classiques, et je pense que c’est tout à fait normal. Il y a une vingtaine d’années, avouons que l’information circulait relativement mal et lentement, aujourd’hui grâce à Internet nos enfants sont plus au courant des événements, certes son usage doit être tout le temps surveillé par les parents, mais du moments que ça leurs donne l’envie découvrir et de chercher, pourquoi pas ! Et c’est d’autant plus normal qu’ils rejettent les médias classiques puisqu’ils ont trouvé en l’Internet ce qu’ils cherchent …une information rapide et diversifiée.

  8. Internet est mondial , un outil qui nous fera economiser le papier,
    pourra proteger arbres et forets.
    les medias classiques devront s’adapter, avec cette mobilité ambulante
    de l image, du son, du texte.
    cette nanotechnologie améliore et facilite le deplacement des nomades
    que sont devenus les humains.
    les nuages n’ont pas de frontières, maintenant a l’ère des satelittes,
    la rupture sera celle entre la terre et les nouvelles destinations interplanetaires, a commencer par la lune et la duree de séjour dans l’espace de plus en plus allongé.
    en temps réel de la lune a la terre nous pourrons communiquer, avec un
    ordinateur ou même un tel portable.
    ce n est pas un hors sujet, mais plus une ouverture de reflexion, les medias
    dans l espace, pourquoi pas des journalistes cosmonautes, astronautes,
    pour la premiere television installéé hors de la terre, il y a de quoi refléchir
    et se préparer a cette mutation des temps modernes. l enthousiame des
    medias pourra créer le besoin de voyager vers l’espace et les nouvelles
    destinations du futur pour les vols commerciaux de demain, a partir de
    10.000$ jusqu a 100.000$ les vols seront complets a l’ année.
    le cordon ombilical des medias traditionels avec les nomades sera toujours
    gardé dans une optique de reconversion du regard vers l au dela proche
    et même lointain. merci a internet d’ eveiller et réveiller les medias par
    une autre forme de rentabilité, autre que la monnaie scripturale, ce sera
    encore un nouvel echanges de services a découvrir a 300.000km près….
    même les marchands d armes et de canons souvent propriétaires de
    grands groupes de medias songeront a deposer les armes de destruction,
    pour des âmes d evolution, d inspiration, d’aspiration,
    d expansion permanente de la creation magique des forces de l esprit, maitre de la matière