Fossé numérique 2.0 : développons-nous les nouvelles technologies trop vite ?

Les nouvelles technologies vont-elles trop vite ? Telle est la question que se pose les économistes et professeurs de marketing de Wharton dans un papier titré « The upgraded digital divide« . L’article part du constat que la complexité et la diversité foisonnante des produits technologiques n’a jamais été aussi grande – ce qui serait une bonne chose si cette complexité signifiait également amélioration et simplicité d’usage. Mais les experts de Wharton diagnostiquent plutôt une accumulation technologique, où les nouvelles générations de produits chassent les anciennes, sans que leurs spécificités n’aient été toujours bien identifiées par les consommateurs.

Pour le professeur de marketing Robert J. Meyer, les consommateurs sont confrontés au « paradoxe de l’enchérissement » : ils cèdent aux sirènes des produits de nouvelle génération, mais sont déçus par la complexité des nouvelles options et n’utilisent que les fonctions de base. « Au moment de l’achat, les gens focalisent sur les aspects positifs et imaginent les grands usages qu’ils vont pouvoir faire de toutes ces nouvelles fonctionnalités, mais ils ne prévoient pas toutes les choses qui les feront ne pas les employer, telles que la difficulté à apprendre à s’en servir. » Cette « possibilité d’ajournement infini » semble avoir une conséquence, explique encore le professeur Meyer : selon le type de produit, la valeur symbolique ou technologique qu’ils leur accordent, les consommateurs ne sont pas toujours tentés de se ruer sur les nouvelles générations de produits. Si on désire que sa télévision, son téléphone, ou son ordinateur soit toujours à la page, on préfère que sa machine à laver reste simple et fonctionnelle.

Aujourd’hui, selon le professeur Peter S. Fader, les consommateurs ont vent des nouveaux produits avant d’être prêts à les comprendre. Il met en garde les entreprises qui devraient être plus mesurées dans leur lancements en ciblant mieux les consommateurs qu’elles veulent toucher (les early adopters) sans décourager ceux qui seraient prêts à acheter un produit peut-être moins à la page, mais qui correspondrait mieux aux besoins qu’ils ont à satisfaire. Fader rappelle qu’on introduisant un produit complexe trop rapidement, on introduit surtout de la déception. « Avec les enregistreurs vidéos numériques (DVR) comme TiVo, les designers ont complètement oublié la leçon et ont essayé d’aller sur un marché de masse trop rapidement. Beaucoup de gens ont dit : ‘c’est un outils étonnant’. Mais la grande majorité des acheteurs potentiels a répondu : ‘Hum ! Qui a besoin de ça ?’ Les industriels se tuent eux-mêmes en agissant ainsi. » Et de conclure : « Notre capacité à développer de nouvelles technologies devance la capacité des consommateurs de les apprécier. »

Il existe beaucoup de modèles de voiture et une grande variété de styles et de fonctionnalités pour les différencier. Cependant, toutes les automobiles utilisent les mêmes interfaces basiques : volant, tableau de bord, allumage… Si ce n’était pas le cas, conduire une nouvelle voiture serait un cauchemar. « Nous devons arriver à ce point avec d’autres catégories de produits, mais nous sommes trop tôt dans la courbe », précise Kendall Whitehouse, en charge du secteur des technologies de l’information à Wharton. « En introduisant des produits technologiques aujourd’hui, l’accent se fait sur la différentiation et comment votre produit est unique. Mais si vous vous projettez dans 5 ou 10 ans, vous verrez de nombreuses fonctions devenir semblables. Vous pouvez constater cela avec des produits comme les télécommandes universelles, les appareils photos numériques ou le Mac mini d’Apple. A mesure que nous progresserons vers ce point de basculement, la facilité d’utilisation deviendra la fonction la plus importante. »

De là à dire que la simplicité est l’avenir de l’innovation marketing, il y a un pas que les experts de Wharton ne franchissent pas.

Via Mark Vanderbeeken.

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