ProspecTic 8/12 : Troisième clé, l’énergie

A l’occasion de la parution de « ProspecTic, nouvelles technologies, nouvelles pensées ? » par Jean-Michel Cornu, directeur scientifique de la Fing – un ouvrage pédagogique et de synthèse sur les défis des prochaines révolutions scientifiques (Amazon, Fnac, Place des libraires) -, il nous a semblé intéressant de revenir sur les enjeux que vont nous poser demain nanotechnologies, biotechnologies, information et cognition.

Maintenant que nous avons posé l’avenir des prochaines révolutions technologiques, observons les clefs pour comprendre, et les défis que qu’elles nous adressent.

La voracité énergétique

Multiplier les équipements personnels informatiques, biotechnologiques et nanotechnologiques a une conséquence : notre consommation énergétique déjà très forte risque d’exploser. Ces objets autonomes impliquent souvent l’usage de systèmes plus centralisés et très consommateurs en énergie. Dans le domaine des technologies de l’information, c’est le cas des fermes informatiques, ces centres remplis de serveurs connectés à l’internet. Ainsi, une recherche sur le site Google consomme autant qu’une heure d’éclairage avec une ampoule basse consommation, télécharger un quotidien en ligne via les réseaux mobiles consomme l’équivalent d’une lessive tandis qu’un avatar sur Second Life a besoin d’autant d’énergie qu’un Brésilien. Les plus gros centres de données mondiaux utilisent à eux seuls 14 centrales électriques de 1 000 mégawatts, et d’ici un quart de siècle, selon le professeur Gerhard Fettweis de l’université de Dresde, l’internet pourrait bien consommer autant que le reste du monde aujourd’hui.

Innover pour économiser l’énergie ou la produire

Comme nous l’avons vu dans l’introduction, si la plupart des objets magiques du monde d’Harry Potter dédiés à l’information existent déjà dans les laboratoires, il n’en va pas de même pour ceux qui nécessitent une maîtrise de l’énergie, comme le balai volant. Mais l’innovation dans le domaine de l’énergie se développe, que ce soit pour l’économiser ou pour trouver de nouvelles sources.

Pour enrayer la flambée des besoins en énergie, une solution consiste à créer des fermes de données plus économes. IBM va investir un milliard de dollars dans le projet Big Green dont le but est de réduire la consommation de ses centres d’environ 42 %. La consommation énergétique des ordinateurs et autres objets techniques s’améliore grâce à des composants moins gourmands, par exemple les écrans Oled, et une gestion plus intelligente de l’énergie. Mais avec une consommation qui double tous les cinq ans, cela pourrait ne pas être suffisant. Il faut donc se tourner du côté de l’innovation.

L’automobile pour comprendre les recherches en énergie
Les recherches sur la consommation des voitures nous permettent d’illustrer les différentes pistes énergétiques. L’augmentation très rapide du prix du pétrole et ses réserves limitées ont poussé de nombreuses recherches. Une première piste consiste à réaliser des moteurs à essence moins gourmands. En ajoutant plus d’intelligence – donc de nombreux circuits intégrés, – il est possible de gagner en consommation. Mais quoi qu’il arrive, les réserves en pétrole ne sont pas éternelles et il est essentiel de trouver des sources alternatives.

La voiture électrique est testée un peu partout dans le monde. Ainsi, Carlos Ghosn, le président de Renault, entend lancer un modèle Nissan en 2010 aux États-Unis et au plus tard en 2012 en France. Cependant si une voiture électrique ne rejette aucun CO2, il faut bien l’alimenter en énergie. Remplacer totalement l’essence des voitures en France nécessiterait d’ajouter dans le pays une dizaine de réacteurs nucléaires aux cinquante-huit existants. Il faudrait une dizaine de gigawatts/heure pour faire rouler cinq millions de voitures ayant une puissance moyenne d’utilisation de 50 kW, pendant une moyenne d’une heure par jour (50/24 x 5 000 000). Il y a en France cinquante-huit réacteurs nucléaires qui produisent 63 GWh, soit une moyenne de 1,086 GWh par réacteur.

Il est cependant possible d’utiliser l’électricité de façon innovante. Si nous ne savons pas encore bien stocker l’électricité dans des batteries qui sont lourdes et peu efficaces, nous savons en revanche mieux stocker l’air comprimé. C’est l’idée qui est à l’origine du projet de MDI International dont les voitures prévues pour 2009 se branchent sur une simple prise électrique et contiennent un compresseur pour aspirer et comprimer l’air. Que ce soit pour les voitures électriques ou les voitures à air comprimé, la solution est peut-être dans les hybrides qui disposent de deux moteurs, dont un thermique classique. Ces véhicules offrent de bonnes performances même sur route, avec une consommation d’essence extrêmement réduite, du moins tant qu’il reste du pétrole.

Une autre piste serait de produire de l’hydrogène qui sert pour les piles à combustible. Mais le dihydrogène (H2) n’existe en grande quantité que dans l’eau (H2O) – et il faut consommer de grandes quantités d’énergie pour faire une électrolyse –, dans le sulfure d’hydrogène (H2S) ou bien associé au carbone dans les combustibles fossiles. Jeremy Rifkin croit cependant à une économie de l’hydrogène et surtout à sa production en local, pour éviter le transport et le réseau de distribution nécessaire à une électricité produite de façon centralisée, et pour permettre à chaque être humain de produire et même d’échanger sa propre électricité.

Les innovations énergétiques dans le domaine automobile pourraient se retrouver dans nos appareils électroniques et, à l’inverse, nos appareils électroniques pourraient être alimentés par notre véhicule, le vide-poche devenant peut-être également un chargeur par induction. D’ailleurs, Rick Wagoner, dirigeant de General Motors, ne s’y est pas trompé en intervenant pour la première fois à la conférence d’ouverture du Consumer Electronic Show 2008, le plus grand salon d’électronique, pour y présenter de nouvelles voitures vertes.

De l’énergie locale pour des équipements autonomes

Pour les équipements électroniques autonomes, l’objectif en consommation d’énergie est de permettre un coût accessible, un poids de moins en moins lourd pour une utilisation dans des objets de plus en plus légers, et une autonomie la plus longue possible. Lorsque les ordinateurs portables atteindront une autonomie d’une journée, un seuil important sera franchi, changeant les usages aussi profondément que lorsque ce fut le cas pour les téléphones portables. Les objets intelligents et communicants franchiront ce seuil lorsque la durée de vie de leurs batteries sera équivalente à leur propre durée de vie (en principe deux ans).

Les premières piles à combustible utilisant le dihydrogène ou le méthanol sont commercialisées depuis quelques années. L’effet pile à combustible a été découvert en 1839 par Christian Schönbein. Le premier prototype de 1 kW fut réalisé par Francis T. Bacon, en 1953, mais la commercialisation n’arriva qu’en 2005. En raison de leur poids élevé (3,9 kg), elles ont d’abord été utilisées presque uniquement pour les caméras vidéo professionnelles. Elles sont aujourd’hui moins lourdes mais restent chères à cause du platine nécessaire à la catalyse de la réaction. L’utilisation des nanotechnologies devrait permettre d’en diviser le poids par 3 ou 4 d’ici cinq à dix ans. Cependant, Toshiba compte lancer des piles à combustible pour téléphone portable et baladeur dès fin 2008.

Il existe également de nombreuses recherches pour rendre les appareils plus autonomes. Elles font appel à toutes les technologies possibles (nanotechnologies, biotechnologies, etc.). Ainsi, le micromoteur à combustion développé à l’université Birmingham par le professeur Kyle Jiang offrirait une autonomie de 25 jours pour un ordinateur et de 6 mois pour un téléphone portable. L’université de Trondheim, en Norvège, travaille sur des cellules solaires de troisième génération qui pourraient avoir une efficacité énergétique (1) d’environ 40 %, soit deux à trois fois supérieure à celle générée avec les technologies actuelles.

Une autre approche consiste à utiliser les biotechnologies pour produire de l’électricité. Peter Girguis de l’université de Harvard développe une batterie à bon marché utilisant des ordures, du compost et d’autres déchets qui sont traités par l’activité de microbes anaérobiques. Du compost au vivant, il n’y a qu’un pas. De nombreux travaux cherchent à extraire de l’électricité de la molécule ATP (adénosine triphosphate) qui stocke l’énergie dans les organismes vivants. Ainsi des robots ont pu développer une autonomie en s’alimentant avec du sucre à l’université Californie du Sud, des épinards au MIT ou encore des mouches à l’université Ouest de l’Angleterre UWE.

Jusqu’à une période récente, l’énergie a été le parent pauvre de l’innovation, en particulier pour les batteries adaptées aux systèmes autonomes. La diversité des recherches et les premiers résultats commercialisables pourraient lever un verrou important de l’évolution des technologies dans les communications et la robotique, mais également dans l’informatique ambiante, les nanotechnologies et les biotechnologies.

Jean-Michel Cornu

Extrait de ProspecTic, nouvelles technologies, nouvelles pensées, FYP Editions, 2008.

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1. L’efficacité énergétique est le rapport entre ce que l’on peut récupérer utilement et ce qui a été reçu. Cette notion est souvent confondue avec le rendement qui est le rapport entre l’efficacité réelle et l’efficacité théorique.

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0 commentaires

  1. saluts,
    pour les voitures a air comprime de mdi c’est le meme moteur
    qui marchera a air comprime ou a un autre carburant aux chois
    je trouve que c’est encore mieux que plusieurs moteurs gains de
    place de poids ect ,

  2. « Ainsi, une recherche sur le site Google consomme autant qu’une heure d’éclairage avec une ampoule basse consommation, télécharger un quotidien en ligne via les réseaux mobiles consomme l’équivalent d’une lessive tandis qu’un avatar sur Second Life a besoin d’autant d’énergie qu’un Brésilien. »

    Si ces chiffres sont vrais (je suppose qu’ils le sont), ça fait peur.