Dominique Cardon : Pourquoi l’internet n’a-t-il pas changé la politique ?

La Couverture de La Démocratie internetOn ne présente plus Dominique Cardon, sociologue au laboratoire des usages SENSE d’Orange Labs. Il publie au Seuil, dans la collection « la République des Idées », un petit livre synthétique, stimulant, lucide et informé sur La Démocratie internet. Un ouvrage où il tente de nous expliquer pourquoi le grand soir électronique n’a pas eu lieu.

Pourquoi l’internet n’a-t-il pas changé la politique ? Peut-être parce que la politique sur internet n’est pas là où, par habitude, on va la chercher, suggère-t-il. Voire même parce que les formes représentatives traditionnelles ne sont pas nécessairement solubles dans l’internet. Et que l’internet nourrit peut-être un autre espace démocratique que celui de la compétition pour la représentation politique

InternetActu.net : Depuis l’origine de l’internet, on a beaucoup fantasmé sur la démocratie électronique et son avènement. La capacité d’émancipation des individus via l’internet a été à l’origine d’une « promesse démocratique », fondée sur la vision d’une contrée indépendante basée sur la connaissance et la libre circulation des données, fondée sur l’anonymat, sur la créativité… D’où vient cette pensée que l’internet allait changer la politique ?

Dominique Cardon : Elle vient tout droit de son histoire. C’est pourquoi je consacre un chapitre à faire la généalogie de l’esprit d’internet. Je reprends notamment une interprétation développée par Fred Turner dans un livre formidable De la Contre-culture à la cyberculture qui va bientôt être traduit en France par C&F Editions. Turner montre que les différents milieux qui ont donné naissance à internet avaient les mains dans des problèmes militaires, académiques ou techniques, mais la tête dans la contre-culture des années 70. Or il y avait deux courants différents dans les mouvements de jeunesse californiens : la branche contestatrice voulait changer la politique (elle manifestait contre la guerre au Vietnam, pour le droit des noirs et des femmes) ; l’autre branche pensait qu’on ne pouvait pas changer le système politique sans commencer par se changer soi-même en pratiquant d’autres formes de vie, ce qui donnera lieu à la vague des communautés hippies. Leur idée était de refaire société localement, de façon expérimentale, parce que si des individus aliénés en venaient à prendre le pouvoir, ils ne pourraient jamais installer qu’un autre système aliénant. Pour eux, l’émancipation passait d’abord par un projet personnel de transformation de soi : avec la drogue qui permet d’élargir son champ de conscience, avec les spiritualités Indiennes qui invitent à faire cosmos avec le monde et aussi, souligne Turner, avec les technologies. Car c’est paradoxalement dans l’univers hippie de la contre-culture américaine que la présence des technos a été la plus forte, à l’image des globes géodésiques de Buckminster Fuller qu’ils construisaient sur leurs campements. Contre les gros ordinateurs de la technoscience, ils se sont emparés de l’ordinateur personnel comme d’un cachet de LSD : un adjuvant technologique qui peut aider à se changer et, ce faisant, à changer le monde.

L’appropriation personnelle, le bidouillage, le do-it-yourself a défini un cadre nouveau pour investir les technologies qui étaient si mal aimées à l’époque en raison de leur connivence avec les pouvoirs militaire et marchand. Cette personnalisation des technologies a été fortement investie de valeurs politiques et individualistes. Lorsque les communautés hippies se sont délitées au début des années 70, le nouvel espace qui s’ouvrait avec la mise en réseau des ordinateurs a servi d’utopie de substitution. Pour les pionniers, Steward Brand et ceux de The Well, il s’agissait bien d’un nouvel exil : expérimenter en ligne des formes de vie qui avaient échoué dans le monde réel, se retirer du monde pour en faire un meilleur. Cette culture de l’exil a toujours été déterminante dans l’histoire de l’internet : on ne change pas ou on ne s’attaque pas au système politique central, on le déplace, on fait exemple ailleurs, on expérimente plutôt que de chercher à prendre le pouvoir.

Dominique Cardon par André Gunthert
Image : Dominique Cardon photographié par André Gunthert lors de la 4e école doctorale d’été de l’EHESS et de l’Institut Télécome à Porquerolles en septembre 2009 – avec l’aimable autorisation de l’auteur.

InternetActu : Dans cette construction de « l’esprit internet », vous expliquez qu’il y a une tension entre un internet qui nourrit l’autonomie de l’individu et une vision plus libérale… La confusion entre libéral et libertaire est donc originelle ?

Dominique Cardon : C’est devenu, surtout en France, un lieu commun très réducteur de rabattre l’idée libertaire sur le libéralisme de la libre entreprise au prétexte de la trajectoire de quelques-uns (même si, dans l’histoire de l’internet, il y a aussi quelques beaux spécimens). Car dans une visée libertaire, l’émancipation individuelle se place dans l’horizon d’une autre société possible. La transformation individuelle est toujours associée au renouvellement des formes sociales existantes. Dans la vision libérale, il y a un consentement au monde tel qu’il est. Il faut instaurer un système de règles minimales pour que chacun puisse exprimer ses compétences, ses qualités comme sa rapacité…

Ce qui joint ces deux visions, c’est la valorisation de l’autonomie des individus et le refus des contraintes collectives, notamment la méfiance envers les institutions et l’Etat. Ce qu’aux Etats-Unis on définit comme une position libertarienne. Il est difficilement contestable que l’esprit de l’internet se soit forgé dans ce genre de bain idéologique, notamment parce que libéraux et libertaires revendiquent tous deux l’auto-organisation du réseau. Il a même encouragé des assemblages inédits entre ces deux positions. L’originalité du modèle de Google, est d’hybrider ces deux racines idéologiques : tirer d’immenses profits de l’autonomie créative dont font preuve les internautes lorsqu’ils tissent des liens sur la toile. Google a besoin de l’émancipation expressive de ses quasi-clients ; et ceux-ci sont sous la dépendance de l’utilité fondamentale dont Google a le quasi-monopole.

De façon un peu plus sophistiquée, on pourrait dire que ce qui fait le noyau de cet esprit libertarien est de vouloir s’émanciper de l’Etat et des contraintes régulatrices qu’aiment tant la démocratie représentative, pour occuper un autre terrain, un espace que les individus pourraient définir à leur guise. Cet autre espace, certains le définissent comme « société civile » (« multitude », « tiers secteur » que sais-je encore), d’autres comme « marché ». Mais c’est ne pas comprendre grand-chose à l’internet que de ne pas saisir cette volonté d’auto-organisation, cette méfiance vis-à-vis de la représentation, ce souci du collectif et du partage. Si tout ce qui échappe à l’Etat est marché, alors il est impossible d’imaginer un tiers espace pour les biens communs par exemple. Il me semble qu’il faut suivre Yann Moullier-Boutang sur ce terrain : il y a tellement d’externalités positives dans cet espace que le marché n’y survivrait pas très longtemps s’il n’était constamment borduré par des logiques d’échanges et de symbolisation qui se laissent difficilement enfermées dans le calcul des intérêts. Penser par exemple que l’iPad va calmer les internautes, les remettre dans la position du « lecteur qui paye », c’est ne pas voir que sous le désir d’internet, il y a la conversation.

InternetActu.net : En même temps, vous expliquez que ce sens communautaire est une « fiction »…

Dominique Cardon : Oui l’idée de communauté est, me semble-t-il, la force et la faiblesse de « l’esprit de l’internet ». Ce qu’il y avait de très beau et de très fragile dans l’idéalisation qui s’est construite à l’époque des fondateurs, c’était de revendiquer un monde dans lequel les règles d’interactions, l’autorité, le partage de la création soient le plus constamment ouverts possible… Mais en même temps, les pionniers de l’internet avaient des propriétés sociologiques très homogènes. Ils rêvaient d’une société réconciliée, universelle, abolissant les frontières entre les sexes, les âges et les catégories socio-professionnelles. Alors que, sociologiquement, elle rassemblait une « communauté » américaine, hypermasculine, blanche et très diplômée…

Comme souvent, les élites culturelles universalisent leur propre désir de société et croient que parce qu’ils ont des pratiques ouvertes, elles sont immédiatement accessibles à tous ! C’est ce que Bourdieu appelait l’ethnocentrisme de classe, cette maladie typiquement « intellectuelle » de généraliser aux autres sa propre vision du monde. Cela a nourri beaucoup de discours très « naïfs » sur la participation de tous, la disparition des autorités, la constitution d’un espace public mondial, ou l’idée que les technologies allaient sauver les pays du Sud ou réconcilier les Israéliens et les Palestiniens…

Pour autant, l’esprit communautaire de l’internet a donné des valeurs qu’il faut continuer à défendre absolument. Ce à quoi ce livre voudrait contribuer, c’est à mettre en garde contre la sorte de retournement (pour ne pas parler de retour du refoulé) qui pointe ici ou là lorsque, constatant que l’internet de la massification des usages ne ressemble pas à son idéalisation initiale, certains en viennent à disqualifier les nouveaux entrants. Internet a profondément changé avec l’arrivée de milieux sociaux beaucoup plus divers, beaucoup plus populaire, juvénile, etc. Or, beaucoup d’analyses, conservatrices ou progressistes, ne voient dans cette transformation de la morphologie sociale de l’internet que des individus colonisés par le marché, soumis à des logiques de désubjectivation, narcissiques, calculateurs, vulgaires…

S’est inventé avec l’internet un système de valeurs et des pratiques venus d’un milieu social très particulier. Comment le préserver quand l’univers des utilisateurs se transforme et ne ressemble plus du tout à ce milieu-là ? Comment éviter le sentiment du « C’était mieux avant » tout en évitant de dire que l’internet doit rentrer dans les rails, et que les idéaux des fondateurs doivent être passés par pertes et profits. Il faut trouver le moyen de maintenir les idéaux, tout en s’ouvrant aux pratiques de gens qui n’ont pas incorporé de manière si forte ce type d’idéaux.

Les pratiques d’échanges sur Facebook et Skyblog n’ont pas toutes les vertus qu’on pourrait leur prêter. Elles se déploient sur des plateformes dont il faut surveiller la politique avec vigilance. Mais ce sont des pratiques d’échanges, de sociabilité et de partage. L’une des choses les plus incroyables, en fin de compte, c’est que les idéaux des fondateurs de l’internet aient aussi bien réussi et qu’ils se soient diffusés à des endroits de la société où ils n’étaient pas du tout attendus. Je trouve par exemple qu’on ne s’émerveille jamais assez de ce que Wikipédia, ce miracle d’auto-organisation, a fait à la société de la connaissance.

InternetActu.net : Vous expliquez que l’élargissement de l’accès à l’espace public passe par un abaissement des contraintes pour y accéder, des contraintes qui avaient fondé les formes du discours public. Est-ce en partie pour cette raison que la démocratie « réelle » à du mal à trouver ses marques par rapport à cette « démocratie électronique » ? Peut-on d’ailleurs encore parler de démocratie électronique ?

Dominique Cardon : Le coeur du livre repose sur une analyse de l’élargissement de l’espace public par internet, un élargissement qui peut aussi se lire comme un processus de démocratisation. Mon argument est que pour accueillir de nouveaux locuteurs, il a fallu en même temps enlever les barrières qui bloquaient l’accès à la parole publique et autoriser des manières de prendre la parole plus subjectives, plus personnelles et plus privées. Internet pousse les murs de l’espace public, tout en enlevant le plancher ! L’espace public traditionnel réservait l’accès à la parole aux gens bien éduqués. Pour être sélectionnées par les journalistes, les personnes devaient montrer pattes blanches, mettre une cravate et parler comme dans un livre. Lorsque les professionnels donnaient la parole aux citoyens, il fallait que ceux-ci incarnent l’intérêt général et représentent tous ceux qu’à travers eux les journalistes voulaient faire parler. De façon un peu caricaturale, mais néanmoins absolument décisive, on peut dire qu’internet bouleverse l’architecture oligarchique de l’espace public traditionnel en modifiant une seule règle : avant, on filtrait avant de publier ; désormais, on publie et on filtre ensuite, comme l’explique Clay Shirky dans Here Comes Everybody. Il suffit de procéder à cette inversion pour libérer les subjectivités et faire émerger des formes d’expression moins savantes comme la conversation, le bavardage, l’ironie, qui une fois rendues publics permettent de nouvelles formes de mises en relation, de plaisir, de mobilisation… Internet augmente le nombre de locuteurs dans l’espace public, en abaissant les contraintes traditionnelles qui étaient par exemple de donner son nom, de ne pas être péremptoire, de respecter l’autre dans un débat… On n’entre plus nécessairement dans l’espace public en empruntant les habits du citoyen dévoué à l’intérêt général, mais de façon plus subjective, avec des intérêts locaux, une voix singulière et des propos un peu froissés.

C’est aussi une période d’apprentissage qui s’ouvre. Tout le monde tâtonne dans le brouillard. Ce changement de forme de l’espace public induit des règles du jeu qui sont nouvelles (même si certaines choses restent très stables). Il me semble que l’on commet beaucoup d’erreurs en cherchant à interpréter l’espace public du web avec les catégories de l’espace médiatique traditionnel. C’est comme vouloir jouer aux échecs avec les règles du jeu de dames. Il faut comprendre que si tout est accessible sur le web, tout n’est pas nécessairement aussi « public » que dans l’espace public traditionnel. Ce n’est pas parce que la hiérarchisation préalable de l’information s’est déplacée qu’on a fait disparaître toute hiérarchie. Il n’y a rien de moins plat et hiérarchique qu’internet avec ses métriques de visibilité et d’autorité (l’hyperlien notamment). Simplement, la hiérarchie n’est plus faite ex ante, mais ex post ; elle n’est plus produite par une autorité spécialisée, mais collectivement par les internautes et les algorithmes qui régissent les classements sur internet. On est passé d’un monde binaire où les propos étaient soit public, soit privé, à une économie de la visibilité dans lequel il y une graduation beaucoup plus complexe du caché, du clair-obscur et du très éclairé et où, surtout, la définition de ces nuances est une production sans cesse rejouée par les internautes. Du coup appliquer le modèle binaire de l’’espace public traditionnel sur ce continuum est très délicat. Penser que tout ce qui est sur internet est « public », c’est confondre la définition juridique (ce qui est peut être vu) avec la définition normative (ce qui mérite d’être vu) du caractère public d’une information. Or, sur l’internet, certains propos sont très peu visibles et c’est très bien comme ça. D’autres sont très visibles parce qu’ils ont été collectivement appréciés par les internautes. Beaucoup s’abritent tranquillement dans des espaces conversationnels en clair-obscur. Les règles du jeu ont certes changé, l’espace public s’est élargi, mais dans la zone de haute visibilité de l’internet, on retrouve des classements qui ne sont pas si différents de ceux de l’espace médiatique. Simplement cette hiérarchie est, d’une certaine manière, plus légitime, puisqu’elle est le résultat du classement de beaucoup et non de quelques professionnels qui auraient décidé pour nous.

InternetActu.net : Sur l’internet, la politique emprunte des formes, des langages, habite des espaces différents. Et ces formes et langages, la politique traditionnelle a du mal à les reconnaître, à les comprendre, à les faire siens, à les assimiler… Sont-ils irréconciliables ? Faut-il envisager faire de la politique autrement ? Même les réseaux sociaux politiques lancés en France par la plupart des partis peinent à passer du bavardage aux actions. Ils peinent même à faire leurs, les revendications qui parcourent la société électronique, ailleurs que sur leurs sites… On a l’impression que les dispositifs politiques représentatifs traditionnels ont du mal à trouver des équivalents en ligne…

Dominique Cardon : Internet ne révolutionne pas la représentation politique traditionnelle. D’ailleurs, en raison notamment des racines contre-culturelles dont on parlait tout à l’heure, ça n’a jamais été l’objectif des pionniers ; cela ne pouvait être pour eux qu’une conséquence indirecte. Ce n’est que bien plus tard que l’idée de démocratie électronique, de vote en ligne, de présence des partis sur la toile est venue se greffer, comme un corps presque étranger, sur l’esprit d’internet. Alors ce que font aujourd’hui les partis pour réinventer le dialogue avec les militants et les électeurs, c’est très bien… mais il faut reconnaitre que ce n’est pas l’endroit où l’internet est le plus brillant. Les dispositifs institutionnels de consultation ne réunissent pas grand monde. Les échanges entre militants de partis servent avant tout à la coordination organisationnelle.

L’usage des réseaux sociaux permet, dans des circonstances particulières, comme les campagnes électorales ou les débats sur des thèmes chauds d’actualité, de sortir du périmètre strict de l’organisation partisane et de faire transpirer le militantisme politique vers la société. Mais, la politique représentative se trouve aujourd’hui soumise à deux dynamiques absolument contradictoires quand on la regarde du point de vue des médias de communication.

Manuel Castells montre cela très bien dans son dernier livre, Communication Power. D’une part, on assiste à un pouvoir accru des médias de masse pour produire une hyper-personnalisation des hommes politiques. Les logiques d’images, les à-côtés people, l’affaiblissement des programmes, contribuent à placer l’élection sous l’empire de stratégies de communication et de marketing qui se jouent principalement à la télévision. C’est ce que Castells qualifie de « politique du scandale » au sens où la seule manière de s’opposer est de scandaliser la personnalité centrale de l’autre camp, puisqu’il n’y a plus de programme à contredire.

Parallèlement, une autre dynamique se joue, sur internet notamment, avec le développement des outils de mass self-communication, blogs, réseaux sociaux qui épousent étroitement les transformations contemporaines du rapport au politique (plus de distance, crise de la représentation, préférence pour le concret et le local). Ces outils accueillent le mouvement de libération des subjectivités qui permet à quiconque de s’exprimer sur tous les tons possibles sur les enjeux publics. Mais ces mouvements conversationnels sont éclatés, diffus, fractionnés, périphériques ou spécialisés. L’idée d’un public unifié, celui des grandes audiences, de la « masse » des médias de masse, n’a pas grand sens quand ce qui se joue c’est une politique de l’intervention, du détournement, du déplacement critique ou de l’ironie. C’est une logique qui entre en contradiction avec les transformations de la politique représentative sous l’effet de la communication télévisée. D’une certaine manière, la campagne Obama est un des rares exemples d’articulation entre ces deux dynamiques. L’hyperpersonnalisation d’une figure charismatique a mis en conversation la société américaine ; et les réseaux sociaux ont capturé ces conversations pour les amplifier. Il y a une boucle entre la sanctification télévisuelle et la densité des effets générées dans les réseaux sociaux. Reste que cela fait des soutiens pendant les campagnes, mais ça ne marche pas beaucoup plus loin. Il n’a jamais été question que les Américains proposent, décident ou participent au programme politique du candidat.

InternetActu.net : Internet n’est-il donc que le dernier refuge des « résistants » ?

Dominque Cardon : Non, internet fait autre chose de beaucoup plus important à la démocratie. En créant des ponts entre nos conversations et l’espace médiatique, il encourage les capacités d’auto-organisation, de sensibilisation, de mobilisation « par le bas » de publics concernés. Cette ouverture permet de donner de la visibilité à des formes de résistance qui ne sont pas prise en charge dans l’espace politique traditionnel. Parfois, elles peuvent avoir des effets agissants sur les décisions de politiques publiques, quand elles réussissent, quand les réseaux sont suffisamment mobilisés… à l’image du Réseau éducation sans frontières. Mais en fin de compte, c’est notre focalisation obsessionnelle sur la centralité de la politique représentative qui nous conduit à négliger l’importance démocratique qu’à ce nouveau partage de la parole.

L’argument central de La Démocratie internet, c’est qu’internet accélère le déplacement du centre de gravité de la démocratie de l’espace médiatico-institutionnel vers la société en conversation. Avec internet, la société a pris quelque pas d’avance sur la politique institutionnelle. En libérant l’expression des individus, et le droit de porter, sans contraintes ni censures, leur propos dans un espace public, internet nourrit ce qui est la source la plus essentielle de l’exercice de la souveraineté populaire. Les fondements de la représentation politique ne tiennent pas aux procédures électives permettant d’organiser la compétition politique, mais à l’existence d’un espace le plus riche et le plus autonome possible dans lequel les citoyens peuvent exercer leur liberté de penser, de dire et de faire.

Comme l’a montré Bernard Manin, la représentation élective a toujours été considérée comme un pis-aller. Il fallait aliéner la souveraineté du peuple en la confiant à un corps de représentants que l’on professionnalise pour faire face aux intermittences politiques des individus, à la taille des populations, aux impératifs de la décision politique. Internet, parmi beaucoup d’autres choses, redonne à la société des individus en conversation un poids, une capacité d’action, d’auto-organisation, de résistance et de critique qui avait été étouffée par la domination complice des médias professionnels et des professionnels de la politique.

Alors bien évidemment, tout ceci est plus un horizon, une potentialité, qu’une réalité. Dans la pratique, on constate une interdépendance très forte entre le travail des professionnels de l’information et les internautes, les mécanismes de sélection sociale et culturelle continuent à jouer pleinement chez les internautes, les rapports de force et les logiques commerciales sont omniprésents, etc. Mais cela n’empêche pas la fiction agissante d’une libération des capacités d’expression d’activer des ressorts démocratiques essentiels, même si très imparfaits.

InternetActu.net : Vous dites que les inégalités sociales et culturelles se distribuent désormais à l’intérieur des pratiques en ligne. La fracture n’est plus entre ceux qui ont un accès et ceux qui ne l’ont pas, mais dans les usages que les gens font d’internet… Internet creuse la fracture civique, disait Thierry Vedel. Va-t-on vers une atomisation des discours ? Et comment redonner du sens commun entre quelqu’un qui râle après son maire sur Facebook et des collectifs dont les formes de résistance ne reposent pas sur la conversation… ?

Dominique Cardon : Même si on a abaissé les contraintes pesant sur les prises de paroles, leurs effets dans le réseau vont être très différents en fonction des ressources sociales et culturelles des personnes. La plupart du temps, internet ne fait que reproduire des formes d’inégalités déjà présentes dans la vie sociale, auquel il peut apporter un petit correctif, seulement pour ceux qui savent faire montre d’habiletés, d’une sorte d’audace sociale pour élargir l’espace des connexions auxquelles ils sont destinés. Mais cela créé surtout beaucoup d’inégalités, liées à la difficulté à mobiliser les ressources nécessaires pour faire connexion avec d’autres. La timidité par exemple, devient sur l’internet une pathologie excluante.

Quand on étudie, par exemple, la carte de la blogosphère politique française que réalise Linkfluence (.pdf), on se rend compte qu’on recréé des formes de hiérarchies en fonction du capital politique détenu par les différents acteurs. Mais que, par ailleurs, ceux qui s’en tirent le mieux en multipliant les liens réciproques avec des univers de sensibilités différentes sont ceux qui savent entrer dans le jeu, jouer avec ses règles, débattre dans les arguments de leurs opposants. Les autres n’entrent pas dans le jeu et reste entre eux. Il y a quelques univers hype où l’on fait des connexions hétérogènes et surtout de nombreux petits espaces qui ne sortent pas de leur entre soi et qui n’ont pas les ressources sociales et politiques pour le faire. L’espace social est très fragmenté en ligne, mais il ne l’est pas moins que dans la vie réelle.

InternetActu.net : L’idéal participatif d’internet a disparu… au profit d’une grande diversité de participation, qu’elle recouvre des formes populaires ou cultivées : mais comment en faire synthèse, en faire société ? L’action collective est devenue un regroupement au cas par cas, de manière élective. Elle semble fragile et inorganisée. Et pourtant, parfois, elle traverse et embrase cet espace public, à l’image des idées d’Etienne Chouard lors du référendum européen…

Le problème est que les discussions ont lieu à côté des institutions voire contre elles. Peuvent-elles en rester à offrir les outils du débat comme vous le leur conseillez ?

Dominique Cardon : En faisant une jointure entre l’espace public au sens traditionnel et l’espace des conversations, on articule le centre et les périphéries. Je ne suis pas sur que le désir des périphéries soit de devenir majoritaire, ni même que cela soit souhaitable. Cependant, nous sommes dans un moment charnière où, plutôt que d’opposer en chiens de faïence les professionnels de l’information et de la politique, d’une part, et les internautes, amateurs et citoyens, de l’autre, nous devons explorer les interdépendances qui sont en train de se constituer entre ces deux mondes. A bien y regarder, les liens sont très nombreux. Le monde du journalisme avec Médiapart, Rue 89, OWNI ou l’univers émergent du data journalism sont en train de montrer que de ce mélange peut naître des formes éditoriales, des contenus et des ressorts critiques nouveaux. Les mobilisations politiques sur le web associent étroitement des individus et des organisations. Il faut, je crois, faire attention aux interprétations « spontanéistes » des émergences politiques sur le web. Derrière le succès du texte d’Etienne Chouard dans la campagne pour le non au référendum sur le Traité constitutionnel, il y a la mobilisation d’un nombre considérable d’organisations (Attac, Copernic) et de listes et de sites web pour relayer, mobiliser et engager le débat. Tous les projets actuels sur l’open data sont eux aussi à la recherche des bonnes articulations entre pouvoirs publics et les internautes.

Simplement ce qui est en jeu dans ces articulations, c’est le respect de l’autonomie des internautes. Veiller sur leur conversation avec des outils de sondages ou de marketing, leur imposer le thème et le cadre d’un débat participatif institutionnel, les enrôler dans un espace militant que l’on ferme à l’extérieur, marquer symboliquement la coupure entre les professionnels et les amateurs, crowdsourcer de façon parfaitement asymétrique, etc., ne sont sans doute pas les meilleures solutions. Ce qui, à tâtons, est en train de s’apprendre est une mise en relation plus modeste, plus tolérante à la diversité, à la critique et aux effets de déplacement qui sont inévitables quand se crée un débat ouvert mobilisant l’intérêt d’acteurs hétérogènes. Dans ces conditions, même si la logique d’internet est plutôt d’ouvrir une multiplicité d’espaces de débat et de mobilisation contradictoire et protéiformes, il n’y a pas de raison que n’apparaissent pas aussi des formes d’engagement plus collectif et plus centraux.

Clay Shirky est bien plus optimiste que moi sur cette idée. Pour lui, le Surplus cognitif, notre temps disponible, nous donne la possibilité d’exprimer nos sentiments à l’égard de la société, et permet d’imaginer des formes de bénévolat et d’engagement plus fortes et plus riches. L’internet nous donne la possibilité de faire ces engagements avec des coûts d’entrée qui sont faibles. Mais en même temps, on manque d’exemples de mobilisation réussie et massive, lorsque l’on sort de quelques exemples phares comme la chute d’Aznar, les élections iraniennes ou les mobilisations altermondialistes. Sans doute, faut-il chercher des effets plus souterrains et moins événementiel dans un processus d’empowerement qui donne aux citoyens le sentiment que leur capacité de dire et d’agir est potentiellement plus forte.

InternetActu.net : Sur internet, la visibilité est fonction de nouveaux critères, liés aux algorithmes, au fonctionnement des outils. Mais c’était également le cas avant : la presse comme la manifestation étaient des outils qui donnaient de la visibilité à ceux qui les maitrisaient. Les nouveaux critères de la visibilité (l’organisation sociale du jugement porté par les internautes) sont-ils foncièrement différents des anciens ?

Dominique Cardon : Nous devons être beaucoup plus attentifs au fonctionnement des algorithmes du web. On a beaucoup glosé sur le « Publie d’abord » sans prêter beaucoup d’attention à la deuxième partie de la maxime : « filtre ensuite ». C’est un défaut de la plupart des débats sur Internet. On s’intéresse à la démocratisation de l’expressivité, sans faire le lien avec les formes d’autorégulation qui lui est toujours attaché. Si les contempteurs de Wikipédia pouvaient au moins une fois aller regarder ce qu’est une page de discussion d’article sur l’encyclopédie en ligne, ils nous casseraient moins les oreilles !

Dans cette grande fiction (qui est aussi fausse que vraie) de la prise du pouvoir des internautes sur la hiérarchie de l’information, quelle responsabilité avons-nous vis-à-vis des classements que nous produisons et que les plateformes nous font produire ? Cela reste trop souvent un point obscur. Les algorithmes d’internet permettent-ils d’enrichir les choix et la diversité des informations ? Ou bien, comme le disait Habermas en montrant comment la presse commerciale du XIXe siècle avait appauvri la variété de l’espace de débat du XVIIIe, internet « reféodalise »-t-il les formes de l’espace public ?

Il faut être attentif au fait que les internautes produisent, par leurs clics, leurs liens, leur retweet, la visibilité des informations sur internet. Désormais, il y a une responsabilité des médias, mais aussi des internautes dans la qualité de notre espace public. C’est pourquoi nous avons besoin d’être beaucoup plus réflexif. On peut dénoncer le copinage journalistique ou politique et le pratiquer ouvertement sur les sites sociaux comme Twitter. Ou bien, aller chercher n’importe quelle information dans les bas-fonds du web pour lui donner une visibilité qu’elle ne mérite pas…

Parallèlement, le fonctionnement des algorithmes du web devrait faire l’objet d’une vigilance critique et d’une incessante pédagogie. Car, ils occupent une place de plus en plus centrale dans l’architecture de l’information. Selon qu’ils privilégient le mérite (le PageRank), l’audience (les pages vues), la réciprocité communautaire (les mesures de favoris ou d’amis sur les réseaux de partages de contenus) ou la vitesse (les retweet), ils donnent un sens très différent à nos navigations sur la toile. Or actuellement, la perception du fonctionnement des algorithmes, les manipulations dont ils font l’objet, la compétition qui oppose différents types de classements ne font pas partie de la literacy ordinaire des internautes. Et sans doute, cette vigilance est-elle indispensable si nous ne voulons pas que l’espace public de l’internet soit normalisé.

Propos recueillis par Hubert Guillaud, le 24 septembre 2010.

L’actualité de Dominique Cardon est riche. Outre La Démocratie internet, il signe également, avec Fabien Granjon, Médiactivistes, aux Presses de Sciences Po, consacré aux enjeux de luttes autour de la production d’information.

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  1. Si Internet n’a pas changé le monde politique, c’est uniquement parce qu’il n’exerce son influence que par de la communication du débat d’idées dans la sphère politique, et que le pouvoir réel (d’agir, d’être sourd, de manipuler) demeure aux mains des élus et des grands acteurs économiques.

  2. « Si des individus aliénés en venaient à prendre le pouvoir, ils ne pourraient jamais installer qu’un autre système aliénant. Pour eux, l’émancipation passait d’abord par un projet personnel de transformation de soi : avec la drogue qui permet d’élargir son champ de conscience, avec les spiritualités Indiennes qui invitent à faire cosmos avec le monde et aussi, souligne Turner, avec les technologies. »

    C’est bien là tout le problème : les libertaires ne font jamais finalement que fixer « d’autres normes » que celles mises en place par les conservateurs ! Ils refusent que libertaire devienne synonyme de « solipsiste » ! Résultat des courses : les solipsites devenant de fait « inclassables », ils ont beaucoup de peine à trouver leur place dans la société, notamment dans le milieu « politique » (ce terme étant à prendre au sens « très large » de tout ce qui à trait à « l’expression de l’opinion ») ! Ainsi on refuse que « des aliénés prennent le pouvoir au risque qu’ils mettent en place un autre système aliénant » ! Sans réaliser que « la dictature du tout-permis étant tout l’inverse d’une dictature », il est plutôt à parier que tout le monde la supporterait très bien voire « nagerait dans le bonheur » !

    Donc à quand l’avènement d’un libertarisme d’un nouveau genre : celui du « solipsisme » ?!

  3. Excellent… Interview très impressionnante.
    Il faut que je me replonge dans Manuel Castells et bien sur « la démocratie internet » de Dominique Cardon.

  4. Alors là, on touche le fond. Le fond du fond. Vous aimez bien sur InternetActu nous pondre des articles qui se veulent instruits, mais qui sont plutôt cuistres.

    Internet n’a pas changé la politique !?!
    Ah c’est bien un gars de chez Orange pour dire ça tiens. Son book et co-écrit par Albanel ?

    Quelle connerie.

    Désolé, mais il faut vraiment avoir de la merde dans les yeux pour dire une connerie pareille !

    Déjà Internet s’est réellement démocratisé ces 5 dernières années (voire 10 pour être large). Donc tous ceux qui nous lancent de grandes théories comme dans cet article, ou sur ce site sont juste à ne pas prendre au sérieux.

    Et en cinq ans, avec tout ce qu’Internet a fait évoluer en politique, vous trouvez le moyen de dire qu’il n’a rien changé à ce niveau ! Non mais c’est pas vrai ! Tiens, on se croirait dans un pays sarkoziste où les gars inventent leur réalité. C’est juste complétement hallucinant de lire des conneries pareilles.

    Alors certes, le processus n’est pas achevé, mais de là à le nier, ça ressemble plus à de la propagande pour minimiser ce qu’il se passe, et ainsi tenter de tuer dans l’oeuf ce processus, plutôt qu’à une réelle description de la réalité.

    Bref, je préfère m’arrêter là. Pleins de gens se débattent pour préserver et promouvoir l’outil Internet, et tout ce qu’on trouve en face, des inconscients qui vous flinguent tout.

    Au point où on en est, je pense qu’il est préférable de carrément tuer Internet. On va l’achever ce sera mieux. Et on dira des années 2000 à 2010, qu’il existait un réseau dénommé Internet, mais qu’il n’a su produire que de la merde. Emballé c’est pesé.

    Bon, bin on va aller militer pour la suppression de la neutralité du net à présent, ainsi que pour l’ACTA et compagnie.

    Avec la stricte interdiction de faire de la politique sur le nouveau réseau. Puisqu’apparemment qu’on en fasse ou pas, ça change rien, donc autant ne pas surcharger le réseau, hein.

    N’importe quoi.

  5. @Geeklitant: quand il est écrit « n’a pas changé la politique » il me semble qu’il faut comprendre « la politique traditionnelle » ou « représentative traditionnelle », votre post très remonté a l’air de plutôt révéler une lecture en diagonale parsemée de contre-sens.
    Car nul part il n’est dit que le processus [de démocratisation] est nié, au contraire, il est justement dit qu’il n’est pas achevé, et que, bien que démocratisé, au sens où tout le monde peut apparemment s’exprimer, des hiérarchies se reforment, et qu’il faut les comprendre, et qu’il faut discuter des algorithmes du web qui aident à les fabriquer (type Google Search, c’est-à-dire création d’autorité par agrégation des votes des autres pages). Il est dit aussi que le réseau produit du bon contenu, cf. le passage sur Wikipedia, etc etc. Bref, bonne (re)lecture!

  6. Il n’y a pas plus anti-démocratique que l’organisation Wikipédia, si les contributeurs en connaissaient un peu plus sur le fonctionnement interne autoritariste à la limite du mafieux ils déchanteraient et iraient contribuer ailleurs en masse. Oui mais le mensonge est bien entretenu par les administrateurs élus à vie qui organisent des scrutins ultra confidentiels : résultat 80 votants sur 15000 contributeurs ça parle tout seul. Lire http://wikipedia.un.mythe.over-blog.com/ ou http://www.wikibuster.org et se demander si Wikipédia n’est pas juste un avatar post-communiste (?)

  7. Un commentaire non pas sur l’entretien mais sur le livre de D.Cardon lui-même. En tant que maîtresse de conférences à l’Université, qui a assuré depuis 15 ans moults cours pour former des centaines d’étudiants en communication sur internet, mobile à travers des études de terrain et des analyses de corpus des pratiques et de contenus, je peux vous dire que ce livre me pose un problème car il n’est issu d’aucun travail de recherche en tant que tel. Ce sont des hypothèses déjà bien connues depuis 10 ans et aspirées par D.C qui se les réapproprie en faisant dire un peu ce qu’il veut à des auteurs le plus souvent anglo-saxons (Benkler, boyd, Van Hippel…) que pas grand monde ira lire dans le texte au final. On pourrait dire bon c’est un ouvrage de synthèse et que c’est toujours utile. Et moi-même sur des domaines un peu loin de ma spécialité, j’apprécie des ouvrages de synthèse didactiques et bien renseignés. Mais dans ce genre de livre, il faut être vraiment être « charitable » avec les auteurs dont on synthétise les idées si l’on veut apporter des réelles connaissances fiables aux lecteurs. Sinon ce n’est pas un bon travail de synthèse utile à tous. Or, il y a une grande approximation dans les citations dans le livre de Dominique Cardon. Ceci est tout à fait notable quant à mon propre travail car j’ai le grand honneur d’être cité – à ma grande surprise je dois dire – pour un article théorique sur les identités et les communautés sur internet et l dans le corps du texte, D.C laisse croire qu’il s’agit d’un article sur le remix dont je ferais l’hypothèse de leur dépolitisation…N’importe quoi!!! Bref il me fait dire ce qu’il veut au sujet d’un article qui ne traite pas même de cet objet. En conclusion, en tant que prof, cela va être un peu compliqué de mettre cet article en bibliographie de cours car trop approximatif et peu généreux avec les auteurs qu’il aspire. On risque de se retrouver encore à lire des énormités dans les travaux des étudiants tout simplement à cause de cet ouvrage. La crise cardiaque assurée pour une vieille prof comme moi:) Alors attention à la pseudo-science est train de gagner du terrain!

  8. @ Wikiobservateur :

    Etes-vous sûr que ce que vous affirmez de Wikipédia, on ne puisse en dire autant de Facebook, Twitter, Linkedin et autre……….et en première place le grand « Google » (que n’entend–t’en pas dire sur Google !) ? A l’évidence pas besoin « d’introspecter » bien loin pour voir « tous les grands groupes multinationaux » ont leur petite magouille à porter devant le confessionnal ! Alors que faut-il faire ? Renoncer à nous exprimer et à nous informer (c’est à dire à l’un des « droits fondamentaux de tout humain » s’il n’est pas « le premier droit » !) ? Créer son propre petit réseau social et sa petite encyclopédie numérique indépendants ? Perspective assez alléchante mais hormis le fait que vous ne serez pas lu de grand monde si vous n’êtes pas connu, sachons rappeler que le « dot it yourself » sur le net a un COUT, que tout le monde (à commencer par le pauvre bougre) ne peut pas se permettre !
    Alors sachons faire preuve nous-même d’un minimum d’honnêteté, en sachant reconnaître ce que nous apportent ces multinationales que l’on cite comme mafieuse : un service « tout compris » d’expression (aucun travail de « mise en page » à réaliser sur nos pages Facebook : un questionnaire à remplir, on clique et « on trouve notre page toute faite » !), « libre » (la censure ne concerne normalement que la fameuse liste des propos « interdits par la loi » et il faut que ceux-ci soient « flagrants » !) et entièrement gratuit ! Une documentation « complète » : on trouve « toutes les informations recherchées » sur Google, avec presque systématiquement la présence de Wikipédia ! Réservons nos plaintes pour le jour où elles seront « vraiment justifiées », c’est à dire que nos aurons subit un grave préjudice à titre « personnel » ! Sachons « nous déculpabiliser » en posant le principe suivant : leurs magouilles auxquelles « nous ne participons pas directement » après tout « ne sont que leurs affaires et leurs propres risques encourus » !

  9. Votre comparaison de Wikipédia avec les multinationales comme Facebook en dit long, mais que vend et que veut Wikipédia ? L’humanisme, il faut arrêter de se moquer du monde, alors est-ce de la politique ? Facebook est invasif mais il ne me dit pas ce que je dois savoir sur 1 million de sujets. Wikipédia prétend qu’on peut écrire des articles en miettes par autant d’auteurs qu’il s’en présentera. Il prétend qu’on peut faire collaborer des experts et des amateurs qui ne connaissent rien au sujet. Il prétend qu’il est possible d’écrire des articles « neutres ». Tout ça est aberrant, le résultat c’est des quantités d’articles sans contenu, une médiocre productivité de 700 « articles de qualité » en une décennie de travail, c’est des experts qui fuient Wikipédia, des contributeurs écoeurés par les méthodes mafieuses des administrateurs dont certains n’ont que 17 ans. Cette organisation grotesque fait illusion mais pour combien de temps encore ? Wikipédia n’est pas viable sans d’énormes mensonges qu’il sera de plus en plus difficile d’entretenir et ensuite ça sera probablement une mort lente au fur et à mesure que les contributeurs voteront… avec leurs pieds.

  10. « Wikipédia prétend qu’on peut écrire des articles en miettes par autant d’auteurs qu’il s’en présentera. Il prétend qu’on peut faire collaborer des experts et des amateurs qui ne connaissent rien au sujet. »

    Mais Facebook « n’interdit pas de le faire » non plus ! Et heureusement, car chacun fait « ce qu’il veut » en tant qu’humain ! Du moment qu’il ne dérange personne et à ce titre une fois de plus « normalement » tout détenteur d’un support sur le Web (sauf à prendre sur lui la responsabilité de se risquer à de graves ennuis……..) refuse les outrances. L’arrivée du Net est « le meilleur salut pour la liberté d’expression » ! Après l’autoédition et l’édition à compte d’auteur (pas à la porté financière de tout le monde !) la toile est « la plus offensive des oppositions à la censure de l’édition traditionnelle » !

    « Des administrateurs dont certains n’ont que 17 ans. »

    Oh, et bien sur ce point « Facebook bat largement Wikipédia » : à partir de « 13 ans » on peut y ouvrir un compte et éditer ! Et c’est plutôt une bonne chose : elle est révolue l’époque où il fallait arriver à 60 ans pour enfin être reconnu « posséder un cerveau » !

  11. @tetatutelle: Quelle confusion dans votre post, on peut ignorer Facebook mais pas Wikipédia qui est numéro un de toutes les recherches sur Google ou presque et Facebook ne permet pas à ma connaissance à des adolescents de 17 ans de censurer des experts anonymement ! Je crois que vous n’avez pas bien saisi que lorsque Wikipédia sera installé définitivement (dans leurs rêves) ils commenceront à dicter leur loi à tout le monde, à commencer par les institutionnels qui souhaiteront promouvoir leurs fonds. Vous semblez ignorer que les pires idéologies du 20ème siècle se sont toutes présentées comme les promoteurs d’un ordre nouveau pour l’humanité. Mais vous avez raison l’Internet que vous ne devriez pas confondre avec Wikipédia (c’est la meilleure dans le genre appropriation) permet de s’exprimer sans moyens financiers importants et de dénoncer cette nouvelle sorte de totalitarisme, on ne s’en prive pas et quand le public sera au courant des pratiques des « administrateurs bénévoles » (censure, orientation des articles, exclusion de leurs contradicteurs), on verra si Wikipédia conserve sa réputation de projet humaniste.

  12. « Vous semblez ignorer que les pires idéologies du 20ème siècle se sont toutes présentées comme les promoteurs d’un ordre nouveau pour l’humanité. »

    Ah non justement « pas du tout » puisque je suis « libérale authentique » (tendance de « gauche » mais la gauche libérale à l’évidence n’a rien à voir avec le marxisme et au contraire le dénonce) !

    Et bien excusez-moi mais je ne rend absolument pas compte que Wikipédia cherche à incarner et promouvoir « un ordre nouveau pour l’humanité », mais ça m’a sans doute échappé…………J’avoue être satisfaite jusqu’à présent des infos que j’ai pu y trouver. Et je n’ai pas entendu non plus de plaintes « d’enseignants » puisqu’il est bien reconnu que Wikipédia s’avère être « la nouvelle encyclopédia universalis des élèves et étudiants » ! Mais à l’évidence ce n’est là qu’un point de vue de « lectrice » car « je n’ai encore jamais contribué » ! Sans doute qu’en tant que contributrice, mon point de vue serait nuancé ou différent, si vous le dites………

  13. @tetatuelle, il vous suffit de tenter l’expérience, essayez de contribuer sur un sujet où vous détectez une orientation que vous pensez devoir être infléchie, et vous constaterez que certains wikipédien surveillent littéralement cet article, ils chercheront à vous intimider en vous expliquant que vous ne comprenez pas Wikipédia, quand vous invoquerez les règles ils diront que les pages de règlement que vous indiquez ne sont que des recommandations, ils vous menaceront bientôt, le ton montera sans doute devant leur mauvaise foi, ça vous sera repproché mais pas à vos contradicteurs, ensuite un administarteur apparaitra comme par magie (appelé par vos contradicteurs qui ont des « amis »), vous entrerez dans leur processus d’élimination de contributeur dont la fin ne fait aucun doute, plus tard si vous en parlez dans un forum on vous répondra que « Wikipédia ce n’est pas si mal à ce qu’on peut en voir », oui quand on ne connait rien au sujet et qu’on ne peut pas vérifier les orientations. Lire par exemple ce rapport : http://www.wikibuster.org/index.php?title=Ob%C3%A9rations#Mainmise_sur_l.27article_Instinctoth.C3.A9rapie

  14. « Vous entrerez dans leur processus d’élimination de contributeur »

    Ah là, c’est mal me connaître ! J’ai formé depuis bien longtemps (on peut dire « dès l’âge de raison ») un voeu de « justice et d’honnêteté » que personne ne me forcera à abandonner ! Eliminer quelqu’un « parce qu’il cherche à en faire autant envers moi », le « oeil pour oeil dent pour dent », hors de question pour moi : au contraire dans ce cas je montre « le bon exemple » !

    Sans doute avez-vous raison sur cette « manière malhonnête de procéder » de Wikipédia que vous citez, je ne mets pas en doute votre parole (je prendrai ultérieurement connaissance de votre document).

    Par contre, sur « la dimension d’éloignement que vous insinuez entre Wikipédia et Facebook », là c’est moi qui me demande si « vous connaissez Facebook »…………Car là vous avez tort ! Quand vous dites que Wikipédia apparaît en première ligne sur presque toutes les pages de recherche Google, Facebook y apparaît « de plus en plus » en première « page », sur les 4ème ou 5ème ligne ! Le seul moyen d’éviter cela est de « paramètrer votre compte en conséquence », mais alors ça veut dire dans ce cas « qu’aucune de vos connaissances ne pourra jamais vous découvrir sur Facebook », sauf à faire une démarche par mail en leur direction (c’est « ce que j’ai fait moi-même », non contre Facebook mais parce que j’ai des ennemis sur ma localité par lesquels il est hors de question que je me laisse trouver………) ! De plus, Facebook a « lié contrat avec Wikipédia » depuis la création de ces fameuses « pages communautaires » qui justement sont « l’exacte reproduction des pages encyclopédiques de Wikipédia » ! Donc Wikipédia a l’air de « ne pas déranger Facebook » ! Moi non plus, je « buzz volontairement des pages Wikipédia » puisque jusqu’à présent je suis satisfaite des informations qu’elle donne. Si un jour un « mécontentement général » vient à s’élever contre Wikipédia, sans doute Facebook recevra-t’il aussi parallèlement ces doléances et choisira-t’il peut-être alors un « autre partenaire communautaire » ?…………

  15. En effet je ne connais pas très bien Facebook et je ne vois aucun intérêt à aller y étaler des infos personnelles. Si les gens savaient à quel point il est facile de les utiliser pour leur nuire ils se feraient très peur. En ce moment j’aurais même tendance à faire effacer le maximum de mes traces sur le web, laissées à une époque où j’ignorais le danger.

  16. Peut-être vous-même pouvez vous permettre ce genre de « repli frileux ». Ne vous connaissant pas, je ne sais de quoi vous faites partie, quelles sont vos activités (professionelles mais aussi « hors profession »). Pour ma part j’adhère à un parti politique (lui-même à intégrer dans une large « constellation » de même bord) qui pour ses échanges entre membres et sympatisans utilise « presqu’exclusivement Facebook » ! Et de plus en plus de « groupes » sérieux se mettent à adopter ce fonctionnement (les seules exceptions étant peut-être les clubs de retraités dont la majorité des membres « ne savent pas utiliser Internet » !……..). D’autres articles tel celui-ci confirment le fait que les réseaux sociaux, et « surtout Facebook », prennent le pas sur l’e-mail !. Alors dans ce cas, que faites-vous ? Vous choisissez de « vous exclure du débat ou de l’activité » ? Pensant peut-être que le groupe vous accordera une « exception », acceptera de vous ré-adresser gentiment par mail, « rien qu’à vous », tout ce qui aura été mis en ligne sur Facebook ? Les choses ne se passent pas ainsi ! Pour s’intégrer dans un groupe il faut faire au moins le 90 % des choses « comme tout le monde » (c’est tout simplement valable pour le Net comme pour le reste) !

    Et sur Facebook normalement une fois de plus si vous choisissez des paramètres suffisamment « restrictifs » pour que seules celles de vos connaissances à qui vous « consentez » à donner accès à votre compte puissent y accéder, normalement vous êtes protégé. Et si vous vous apercevez un jour que l’un de vos « amis » à qui vous faites confiance se montre inquisiteur et cancanier à votre égard, vous pouvez l’ôter de votre liste d’amis ou encore le « bloquer » ou même le signaler en spam (il risque alors dans ce cas de voir son propre compte « fermer par Facebook lui-même » !).

  17. Je n’ai aucun besoin d’appartenir à un « groupe » ou un « club » quelconque, moi j’aime ce qui est sur la table et au grand jour, les clans et les partis me font fuir. Et vous voyez je communique avec vous alors que je ne vous connais pas, ça m’intéresse plus que de tourner en rond avec des gens dont je saurais tout d’avance puisqu’ils seraient supposés estampillés par le « réseau ». Faire comme tout le monde quel intérêt et quelle obligation ? Je crois plus aux francs-tireurs qu’aux suiveurs et le monstre Wikipédia est en réalité un ballon de baudruche que nous somme quelques uns sur Wikibuster à vouloir remettre à sa place, c’est à dire une grosse base d’informations dans le domaine de la culture populaire qui n’a rien à voir avec une encyclopédie.

  18. Le milieu libéral ne ressemble heureusement pas au reste de l’échiquier politique « collectiviste », il accepte davantage les « francs-tireurs », c’est en grande partie pour cette raison que je l’ai rejoint (quand je disais « faire comme tout le monde », je ne parlais bien sûr pas de « pensée » mais « d’organisation matérielle ») ! Et c’est aussi « pour cela qu’il utilise presqu’exclusivement Facebook », outil à l’évidence « conçu pour la libre parole ». Par expérience de partis antérieurs, je peux comparer le « facebooking » avec les sites privés (des partis) et les intranets type « groupes Yahoo » : les « modérateurs » (qu’on peut presqu’appeler censeurs !…….) ont à l’évidence une plus grande tendance au zèle de leur fonction sur ces derniers. La modération sur Facebook est mal vue, celui-ci ayant la réputation générale maintenant bien connue d’outil de « défoulement » !

  19. @tetatuelle : D’un côté vous semblez tenir à la confidentialité des échanges à l’intérieur de votre groupe et de l’autre vous tolérez que Facebook consulte la totalité de vos contributions et la moindre de vos actions sur leur site, cela dans un but commercial mais vous ne saurez JAMAIS s’ils se limitent à ça. De même Google vous offre un service de courrier électronique en échange d’une scrutation systématique de votre correspondance, je suis sidéré que les gens acceptent cela aussi facilement, y-compris des personnes comme vous censées être informées des moyens de contrôle que la politique peut utiliser sur les citoyens.

  20. D’abord je ne dispose « d’aucun service de courrier électronique sur Google » ! Je n’en ai pas voulu car n’en voyant pas l’utilité………..Le large service « d’information » que me fournit cet outil (via l’espace de « recherche » Google) me suffit amplement. J’ai pris une adresse mail chez Yahoo il y a très longtemps et en suis satisfaite (jamais d’indisponibilité du service), je ne vois donc pas l’utilité d’en changer……….

    « vous ne saurez JAMAIS »

    ça c’est vous qui le dites, vous n’en « savez » rien ! Sans vouloir imposer de quelconques convictions je me permettrai juste de citer ce petit passage biblique disant que : « il n’est rien de caché qui ne sera porté à la lumière ». En langage courant cela signifie que « le mal ou les malhonnêtetés que l’on se permet derrière le dos des gens finiront toujours par se savoir un jour ou l’autre », même si cela peut prendre des années ! Personnellement « j’y crois » ! Donc ne vous inquiétez pas, s’il s’avère un jour manifeste à ne serait-ce que « trois ou quatre personnes » (il n’en faut pas plus !) que Facebook a « outrepassé sa mission commerciale » pour se permettre de divulguer à n’importe qui des informations sur la vie privée des gens ayant entraîné de « graves préjudices » dans leur vie personnelle, alors « la protestation générale » se fera et les choses changeront (ils seront alors « bien obligés » de changer leurs méthodes) ! Parce que n’oubliez pas quand même que le grand principe de « présomption d’innocence » ne nous autorise pas à attaquer une structure pour « des broutilles », sans quoi cela frôle le « procès d’intention » ! Une indiscrétion ne pose véritablement problème que si elle créée un « grave préjudice » à la victime c’est à dire si elle « change le cours de son existence dans le sens d’un moindre bonheur » (ex tout simple entre deux individus : ragoter contre un adultère (réel ou imaginaire……) d’un voisin ne s’avère véritablement un tort contre lui que s’il en vient à « gâcher son ménage »).

    Et je dirai enfin que (même si on peut le regretter), sauf à « renoncer à sa liberté d’expression ABSOLUE » (qui n’est ni une option ni un luxe mais un droit naturel FONDAMENTAL de l’Humain !) il n’y a malheureusement « d’autre alternative que d’en accepter une certaine contrepartie » ! En effet connaissez-vous un seul individu qui soit prêt à vous fournir un service complet, totalement gratuit et totalement libre (excepté un dépassement intolérable de limite) « sans aucune contrepartie » ? Personnellement je n’en connais aucun…………Et s’il en existe une petite minorité ces gens-là passent pour des esclaves (des « cons » comme on les appelle familièrement !). Et bien c’est idem pour Facebook : il vous donne gratuitement la fabuleuse chance de pouvoir exprimer « tout ce que vous avez sur le coeur », avec qui vous voulez et un service technique « complet » et d’assez grande qualité (même s’il reste sans conteste des améliorations à y apporter) : la contrepartie est d’accepter la délivrance de certaines de vos informations à des entreprises à des fins commerciales ». Tout simplement !

  21. Cet article m’a intéressé. Je souscrit fermement à la nécessité de prendre la mesure de nos actes. Pour notre comportement individuel j’invite chacun à regarder avec bienveillance son humanisme sous la loupe de notre besoin de pouvoir sur ce monde ou plus umblement la lutte pour se sentir avoir une place et une utilité dans notre société. Je veux dire que sans vigilance sur la mesure et les conséquences de nos actes, les bas fonds de l’humanite ne sont pas loin.