Refaire société : Quels nouveaux lieux de convivialité ?

Où s’élabore la convivialité ? Comment se construisent les réseaux sociaux ? Sont-ils réellement des espaces de sociabilité ou n’en sont-ils qu’une illusion, voire une déformation ?

Le Forum de la République des idées est largement revenu sur un diagnostic de repli, celui d’un rétrécissement du commun, explique Pauline Peretz de la Vie des Idées. « Pourtant, la disparition des lieux traditionnels de sociabilité s’accompagne aussi de la création de nouveaux lieux de sociabilité que sont les Indignés, les Amap, les monnaies complémentaires, les réseaux sociaux… Autant de lieux qui sont la marque d’un nouveau lien, d’un nouveau ciment entre leurs membres, reliés par un projet commun et pas seulement par l’action politique ». Dans un contexte de crise économique et sociale, la question de convivialité semble encore plus importante. Est-elle une alternative crédible à la croissance, au productivisme comme le proposait Ivan Illitch en 1973 dans De la convivialité qui la définissait comme un programme de lutte contre la bureaucratie et la technocratie ?

La convivialité et l’entraide : solutions contre la maltraitance des sociétés contemporaines

Pour le philosophe Patrick Viveret (Wikipédia), auteur de De la convivialité : dialogues sur la société conviviale à venir, de Pourquoi cela ne va pas plus mal, et, en 2002, du rapport Reconsidérer la richesse qui s’intéressait à trouver d’autres indicateurs de richesse que le Produit intérieur brut, « si on repart d’Illitch, c’est parce qu’il faisait de la convivialité une alternative à la contreproductivité, c’est-à-dire ce moment où une technique ou un outil se met à générer des nuisances plus fortes que les services qu’il rend, comme c’est le cas de l’automobile quand elle génère de la pollution et des bouchons, ou de la médecine quand l’hôpital lui-même provoque des maladies nosocomiales. Nous vivons actuellement un exemple spectaculaire et dramatique de contre productivité de l’outil monétaire : alors qu’il doit nous simplifier la vie, faciliter les échanges, créer de la richesse. Le problème est quand on l’élève au niveau d’une finalité, quand il prend une valeur en tant que telle, un renversement de productivité se produit », souligne le philosophe. « La crise est un élément majeur de contreproductivité ». L’outil monétaire également : en 2008, comme le montrait Bernard Lietaer, les 3 200 milliards de dollars échangés en bourse, seulement 2,7 % correspondaient réellement à des biens et des services.

Dans une perspective de la faillite, constituer des stratégies transformatrices qui placent la question de la convivialité et du bien vivre comme un enjeu de transformation positive est essentiel, estime Patrick Viveret. Le thème de la société du bien vivre est apparu dans les Forums sociaux mondiaux sous l’influence des peuples indigènes, car pour eux, la capacité de reliance à la nature, aux autres et à eux-mêmes est constitutif du bien vivre. Ce qui est intéressant, estime le philosophe, c’est que ces sujets qui ont longtemps été posés de façon personnelle sont devenus désormais des enjeux collectifs sous le thème de la transformation personnelle et sociale.

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Image : « Un autre monde est possible », le slogan altermondialiste, photographié par Nicolas Haeringer.

« Nos systèmes sont malades. Wall Street ne connait que deux sentiments : l’euphorie et la panique. Deux sentiments qui sont caractéristiques de la dépression. » Nos systèmes, comme nous-mêmes, avons besoin d’excitation pour déclencher un sentiment d’intensité, qui produit un déséquilibre qui ne peut être suivit que par un phase dépressive dont on ne se redressera que par une nouvelle phase d’excitation plus forte que la précédente. C’est un mécanisme sans fin.

« La convialité et l’entraide rappellent pourtant qu’il y a une autre façon d’atteindre l’intensité de la vie. Elle ne repose pas sur le couple excitation-dépression, mais sur le couple intensité-sérénité. Un paysage, une relation amoureuse, sa relation à soi-même peuvent nous donner un sentiment d’intensité et une grande sérénité intérieure. Ce couple est au coeur de la joie de vivre personnelle, car notre humanité n’a de sens que si nous la vivons pleinement. La survie biologique ne nous suffit pas. Nous avons besoin à la fois de l’intelligence de l’esprit, du corps et du coeur, comme disent les philosophies orientales. Les forums sociaux, les dialogues en humanités, s’intéressent à la fois à cette triple intelligence et également à comprendre le rôle de cette transformation personnelle et collective. Quand on se réunit sous des arbres, quand avant de débattre on fait des ateliers qui éveillent notre sensibilité, nous arrivons à une qualité d’écoute où les différences et les divergences deviennent un atout pour le groupe. Alors que dans un auditorium, on a tendance à attendre un match de catch. Pourtant, construire du désaccord est une richesse essentielle de la démocratie. Ce qui est toxique, c’est le malentendu, le soupçon, le procès d’intention… »

Il est donc possible de commencer à construire ces sociétés du bien vivre en expérimentant des formes de convivialité qui ne sont pas seulement des lieux protégés face aux lieux où s’expriment la maltraitance de nos sociétés contemporaines, mais également des lieux anticipateurs d’une société du bien vivre. Ces nouveaux lieux de convivialité deviennent des lieux inscrits dans les perspectives transformatrices qui nourrissent la résistance créatrice, la délibération, l’apprentissage et la contagion d’une autre logique que la maltraitance, conclut Patrick Viveret. « Car derrière tout système de domination fondé sur la maltraitance, il y a la peur. Or, l’énergie qui permet de sortir de la logique de la peur, c’est celle de la joie, de l’entraide qui sont nos premières armes de résistance politique. »

Burning Man : hyperbole du capitalisme cognitif

Pour le sociologue Dominique Cardon, auteur de la Démocratie internet (voir notre interview : Pourquoi l’internet n’a-t-il pas changé la politique ?), la sociabilité numérique donne naissance à de nouvelles formes de sociabilité. Et de prendre pour exemple le festival Burning Man (Wikipédia). Ce festival qui se déroule chaque année depuis 1986 dans le désert du Nevada, rassemble désormais chaque année 50 000 personnes. Son public est surtout composé de jeunes de la Silicon Valley qui se rassemblent pendant une semaine pour construire des objets étranges, partager, échanger, vivre ensemble. Ils construisent un commun particulier de ces objets qu’ils brûlent le dernier jour dans un vaste feu de joie, avant de laisser le désert tel qu’ils l’ont trouvé. Cette bohème digitale est devenue un évènement important de la jeunesse branchée et dorée de la Silicon Valley. Les patrons de Google y sont assidus et la petite histoire dit qu’ils auraient recruté Eric Schmidt parce qu’il participait à Burning Man. « La jeunesse du nouveau capitalisme cognitif se retrouve ainsi chaque année pour un énorme Potlatch. Sous les dehors d’une sociabilité très séduisante, Burning Man peut être interprété comme un signe, une hyperbole du nouveau capitalisme cognitif et de ses nouvelles formes de convivialité. »

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Image : Burning Man 2010 par Jonan Design.

Cet évènement nous dit plusieurs choses, estime Dominique Cardon. « Ce carnaval festif plonge bien sûr ses racines dans l’esprit des pionniers de l’internet, né de la contre-culture libertaire des années 70. Ces pionniers ont imaginé le réseau comme une manière d’exil, pour bâtir autrement le lien social. Leur hostilité à l’Etat et aux formes classiques de la représentation politique les a amenés à imaginer un réseau leur permettant une appropriation individuelle et personnelle des technologies et de la technoscience. Pour les pionniers, l’ordinateur personnel permet de se changer soi-même et de changer le lien social pour imaginer de nouvelles formes de vies sociales. »

De nouvelles formes de collectifs et de gouvernance pour décloisonner l’espace relationnel des individus

Cette origine a donné de belles formes de collectifs et des gouvernances originales, comme Wikipédia, l’open source ou les instances de régulation et de normalisation que sont l’IETF et le W3C. « Ces collectifs et ces formes de gouvernance sont caractérisés par une gouvernance plate, très hostile à la représentation. » Ils sont fondés sur un individualisme en quête d’échange, mais où chacun doit rester un être singulier. C’est une manière de faire de la sociabilité avec des individus. La forme utopique de Burning Man est très proche de cela : elle consiste également à faire communauté depuis un agrégat de singularités individuelles, où la créativité est très compétitive. « La classe créative de la Silicon Valley rassemble des gens qui sont tellement en compétition entre eux sur leur ingéniosité qu’ils se régulent très bien entre eux, même par des formes très compétitives. L’hyper-capitalisme invente une société de la compétition jusqu’à être capable de déborder de cette forme pour créer des échanges, du don, de la convivialité ».

Burning Man, malgré le petit milieu social très élitiste dont il est issu, est-il un signal qui fait écho aux transformations actuelles du lien social dans nos sociétés ? Peut-on faire du commun avec des individus ? Peut-on faire du commun avec des singularités ?

La démocratisation actuelle de l’internet, via ses pratiques très banales et ordinaires, met en tension le modèle des pionniers et leurs codes. Pourtant, l’idée qu’on va faire échange, faire de la conversation avec des gens qu’on aimerait connaître, dont on aimerait être reconnu, demeure. « Les liens forts de nos sociétés sont aussi une tyrannie qui nous enferme dans nos espaces sociaux ». « Ce que proposent les réseaux sociaux comme une utopie, mais aussi comme une forme discrète, tranquille, aventureuse, c’est également d’élargir les espaces sociaux avec des gens qui vont nous apprendre quelque chose. Il y a dans la force des coopérations faibles (.pdf) un exercice qui tient de l’élargissement de soi… » Dominique Cardon ne disait pas autre chose dans son éloge des amitiés numériques qu’il livrait au Monde à l’occasion de la parution d’un supplément consacré au Forum Grenoblois :

« La conversation numérique avec les liens faibles décloisonne l’espace relationnel des individus. Elle leur permet d’échapper, même si c’est dans des marges très limitées, aux assignations identitaires et à la tyrannie des liens forts. Elle ouvre la fenêtre sur certaines opportunités sociales et culturelles en périphérie de leur cercle d’affinité.

Il ne fait guère de doute que, comme toute conversation détendue entre proches, la plupart des échanges sur Facebook paraissent souvent futiles, conformistes ou narcissiques. Mais, comme l’a montré le « printemps arabe », il suffit de porter dans la conversation ordinaire des aspirations, des curiosités ou des désirs nouveaux, pour que de liens faibles émergent un mouvement collectif. »

La démocratisation des liens faibles

« Les dominants ont toujours eu des réseaux étendus. Echanger, donner, entrer dans d’autres sociabilités ne leur pose pas de problème. Mais il est intéressant d’analyser autrement les discours d’autorité morale et éducative consistant à dire que les réseaux sociaux sont conformistes et narcissiques. On nous répète que la « vraie » amitié est dans les liens forts… Pourtant, avec les réseaux sociaux, ce qui se joue, c’est que faire du réseau, engager la conversation avec d’autres, qui était l’apanage des classes dominantes, devient aussi possible pour d’autres populations. On assiste à une démocratisation des formes de sociabilité étendues. »

Reste à savoir si cela donne naissance à des formes politiques ou seulement à des formes de distanciation, de rapport critique. L’internet des pionniers détestait l’Etat, on l’a vu. Les conversations sur Facebook ne cessent d’avoir un rapport distant à la politique, de ne pas croire en elle. « Le seul endroit où l’on a confiance, c’est dans le lien social, qui semble permettre de reconstruire la société par le bas, par les échanges ». Et effectivement, de cette immense conversation qui s’est développée en ligne, nait des formes politiques nouvelles, estime le sociologue. Les Forums sociaux mondiaux n’auraient pas existé sans l’internet. De nombreuses formes de contestations politiques intègrent le numérique : les Indignés, le mouvement Occupy, la Tunisie… Partout se constituent des arènes politiques particulières où le numérique est toujours présent.

La politique procédurale du consensus et la gouvernance plate sont-elles les formes politiques d’internet ?

Et Dominique Cardon de s’amuser à y chercher des points communs. Les formes procédurales, sans programme, sans idéologie que défendent les Indignés par exemple, permettant à chacun de pouvoir s’exprimer, ressemblent aux formes établies par Wikipédia ou le W3C. La forme politique typique est composée : « l’organisation du collectif n’est pas fermée pour préserver la diversité qui est le point central du respect des conditions de prises de paroles dans ces assemblées ». « On y trouve également une critique constante de la délégation » : personne ne nous représente. « L’organisation tente de maintenir des formes plates, où chacun est porteur de sa propre parole ». Enfin, dans ces organisations, on ne vote pas. « Il faut aller vers le consensus, même si cela passe par des discussions interminables. La politique est dans la discussion, dans l’art constant d’être attentif aux autres, à leur parole ».

Enfin, ces formes politiques n’ont pas d’ennemis ni de programmes. Elles peinent à transformer leur auto-organisation en décision politique. Pas sûr que cela puisse durer, estime le sociologue, « pour réinstituer un rapport de force dans la société civile, on a souvent besoin d’ennemis ».

« Cette gouvernance horizontale, « plate »… Est-ce cela qui empêche ces lieux d’avoir une influence sur le reste de la société ? », questionne Pauline Peretz.

La gouvernance plate n’est pas très éloignée du socialisme autogestionnaire des années 70, s’amuse Patrick Viveret. « Nous avons beaucoup à apprendre des formes de communications respectueuses et les lieux démocratiques traditionnels devraient se ressourcer dans ces approches. »

Mais en même temps, l’une des limites des Indignés, c’est de déboucher sur un apolitisme sophistiqué, qui empêche de construire des alliances, comme de construire des désaccords. « Les TIC doivent apprendre des TNTS, les « toujours neuves technologies de sagesses » ». L’usage d’un agenda électronique m’est utile si je peux aussi construire avec lui un rapport au temps enrichi, sinon, le risque est d’accélérer notre zapping permanent.

« Effectivement, je pense également que ces mouvements doivent apprendre à passer un seuil. Je ne sais pas s’ils doivent désigner des ennemis… Disons que je préfèrerais qu’ils se désignent des adversaires, car le processus démocratique doit demeurer un art de la conflictualité non violente. » La construction du rapport à l’altérité est un élément fondamental de la construction de la démocratie.

L’ambivalence des nouvelles technologies

« Tout le monde fait allusion au potentiel des Indignés tout en les critiquant et en ne les invitant pas. Que ce soit aux Forums de Libé ou ici, à celui de la République des Idées, on entre via une haie de vigiles bien propre. N’est-ce pas la marque d’une conception aseptisée et sécuritaire du débat ? Où sont les formes nouvelles de celui-ci ? », interpelle, énervé, un participant.

« Le danger des réseaux sociaux, c’est de créer une hypertrophie du mental et des mots (au détriment du corps et du coeur), hypertrophie qui est déjà en train de tuer notre société », clame un autre auditeur.

L’exacerbation de la singularité, qui nous fait passer d’un individualisme d’universalité à un individualisme de singularité, comme l’explique Pierre Rosanvallon, pose la question de comment faire du commun avec des individualités qui veulent demeurer singuliers. « Ne risque-t-on pas de créer surtout de nouvelles exclusions ? », ajoute Pauline Peretz.

« La question politique actuelle consiste effectivement à traiter nos ambivalences. On voudrait pouvoir dessiner un partage clair entre le calcul, le don, la sociabilité et le capitalisme, mais ils sont encastrés les uns dans les autres », rappelle Dominique Cardon. Le capitalisme cognitif, ce Nouvel esprit du capitalisme mis en avant par Luc Boltanski et Eve Chiapello, a incorporé toutes les questions de partage et de créativité qu’il exploite. Les technologies sont devenues des supports pour les pratiques sociales qui témoignent des dynamiques des sociétés. « Même dans les formes les plus communautaires et désintéressées comme le logiciel libre ou Wikipédia, on signe, on se singularise par rapport aux autres. Partout, on sait qui a écrit les lignes de codes, les paragraphes des articles. La virtuosité d’un individu, producteur d’un savoir commun et qui le fait avec un sens de l’engagement pour le collectif qu’on ne peut mettre en doute, produit en même temps sa notoriété ». Nous ne sommes pas gouvernés que par des logiques de calcul, de profit, d’opportunités, estime, confiant le sociologue : nous sommes aussi gouvernées par des logiques de partage. Les unes étant imbriquées dans les autres.

« La critique facile voudrait qu’il n’y ait qu’un lieu où quelque chose d’humain advient : la rencontre physique. Tout ce qui serait à distance, tout ce qui passerait par la technologie ou l’imagination serait « moins humain »… Mais dès que l’on aborde les pratiques numériques, on remet en place ces idées. Les gens sont derrière les écrans ! On a une représentation fausse des pratiques sociales. Relisons l’étude d’Olivier Donnat sur les Pratiques culturelles des Français à l’ère numérique : à l’inverse de la télévision, plus vous êtes devant un écran d’ordinateur, plus vous avez une vie sociale intense. Les bons blogueurs ont des vies sociales denses. »

Au final, estime Dominique Cardon, on obnubile le réel et le virtuel, en oubliant les problématiques d’exclusion sociales. Contrairement aux virtuoses du Burning Man, les gens avec le moins de ressources sociales demeurent enfermés dans la tyrannie du lien fort. Pire, n’est-ce pas leur faire violence quand on parle de bavardage futile et mesquin du populaire sur les réseaux, comme pour leur refuser l’élargissement de leurs réseaux sociaux !

Dans la salle, les interventions continuent d’être critiques. « Soit. Vous faites l’apologie des réseaux sociaux et des technologies. Tout le monde y est égal et tout le monde apporte ses idées… Mais comment dans ce vaste brassage d’opinion pourrait-il en sortir quelque chose, un projet commun, une idée commune ? »

« Le Burning Man est-il vraiment l’expression du don ou avant tout un évènement stratégique permettant de rencontrer d’autres virtuoses. Les participants semblent faire un sacrifice à eux-mêmes, mais ne semblent pas vraiment donner quelque chose à d’autres, puisqu’il brûlent leurs créations. »

« Le consensus est-il la forme ultime du politique, mais que se passe-t-il quand il ne marche pas, comme c’est le cas par exemple, entre Israéliens et Palestiniens ? »

« Les réseaux sociaux, c’est avant tout une concentration d’acteurs privés, qui font de la collecte de données, du profilage avec des objectifs de rentabilités ! », clame un dernier.

« J’assume mon apologie », confesse Dominique Cardon, « même si je pourrais faire le même exposé en condamnant les technologies. Le philosophe Bernard Stiegler parle de pharmacon, pour désigner à la fois le remède et le mal, l’ambivalence que je pointais à l’instant. Oui, les entreprises créent de la valeur sur nos libertés créatives, et cette inscription vient se placer au coeur même du lien social, en créant à la fois des avantages et des troubles. »

« Sur la question du brouhaha des conversations, oui, c’est redondant, ça se diffuse, on ne sait pas faire la totalité de cela. Des systèmes de traçages l’envisagent, mais je pense qu’il faut surtout se poser la question de pourquoi voudrions nous extraire quelque chose de cette totalité. Il faut voir que ce brouhaha fécond a ouvert les subjectivités. Tout le monde désormais peut converser. Le désir de refaire de la totalité est extérieur aux pratiques des individus. » C’est certainement légitime, mais il faut voir que l’origine de cela vient probablement de formes politiques traditionnelles. « Dans sa forme pure, dans sa rêverie, le capharnaüm des conversations, le brouhaha d’internet est fécond. Les internautes savent créer des espaces éphémères, par exemple en ajoutant un hastag à des messages sur Twitter pour dénoncer la mainmise de Jean Sarkozy sur l’Epad. Ils génèrent de la revendication sans avoir l’obsession du gouvernement représentatif, de la centralité ».

« Oui », prolonge Patrick Viveret, « le vrai sens du mot consensus, c’est de construire du sens commun. Et pour cela, il faut passer par la divergence et la différence. La délibération doit être un processus qui fait que la qualité du désaccord de sortie est très supérieure à la qualité du désaccord d’entrée. On ne peut plus avoir une vision purement quantitative de la démocratie. La qualité de la démocratie consiste avant tout à considérer l’altérité comme une ressource. »

Hubert Guillaud

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