Google+ : bienvenue dans la Matrice

La lecture de la semaine est un post du blog techno publié sur le site du Guardian, par Charles Arthur (@charlesarthur), journaliste. Son titre : « Google+ n’est pas un réseau social, c’est Matrix ».

« Presque tout le monde (moi inclus, dit Charles Arthur) a mal compris ce qu’était Google+. A cause de ressemblances superficielles avec des réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter – on peut devenir « ami » avec des gens comme Facebook, on peut « suivre » des gens qui ne vous suivent pas, comme dans Twitter -, on a pensé que Google+ était un réseau social, et on l’a jugé sur ses bases, en concluant qu’il ne fonctionnait pas vraiment : un faible engagement et peu d’impact sur le monde extérieur. Si Google+ était un réseau social, force serait de constater qu’avec ses 500 millions de membres – soit près de la moitié de Facebook ce qui est colossal – ce serait un échec : on entend rarement parler de ce qui se passe sur Google+, et on reçoit peu de lien nous invitant à aller y voir.
La raison de ce constat est simple, pour Charles Arthur : Google+ n’est pas un réseau social. Google+, c’est la Matrice. Oui, la Matrice de Matrix, celle qui sait tout ce que vous pensez et fabrique ce que vous voyez et vivez.

Image tirée du film Matrix

Réfléchissez à ceci : si vous créez un compte Gmail, vous aurez automatiquement un compte Google+. Et même si vous n’en faites rien, le compte Google+ vous pistera dès que vous vous enregistrerez dans votre compte Google. Sur Google Maps, c’est Google+ qu’on vous propose pour enregistrer un lieu (ou le partager), et pour d’autres fonctionnalités, on vous demandera de passer par voter compte Google+. Vous pouvez évidemment utiliser Youtube sans votre compte Google+, mais si vous voulez agir sur Youtube, en commentant par exemple, il faudra vous enregistrer. Même chose pour Google Drive, Google Shopping, etc. Google+ veut que vous vous enregistriez, pour pouvoir tout voir, et tout enregistrer.

La raison pour laquelle Google+ n’est pas un réseau social, c’est que le fait d’avoir des amis ou de suivre des gens n’est qu’une excroissance accidentelle de son but véritable : être une paroi invisible entre vous et le web, une paroi qui voit ce que vous faites, l’enregistre et le stocke pour un usage futur.

C’est là que la Matrice entre en jeu. La prochaine fois que vous chercherez quelque chose, ou consulterez une carte, ou naviguerez sur Youtube, vous verrez ce que Google considère comme les résultats les plus pertinents (et bien sûr les publicités les plus pertinentes). Si vous fréquentez les sites climato-sceptiques, une recherche sur le « changement climatique » fera remonter dans les premières positions les sites qui contestent le changement climatique. Quoique vous cherchiez d’ordre politique, sexuel ou philosophique, si Google+ le voit, il le renverra un jour vers vous. C’est le phénomène aujourd’hui classique de la « bulle de filtre ».

Bien sûr, poursuit Charles Arthur, dans le monde post-Google+, les résultats les plus pertinents sont de plus en plus ceux qui pointent vers des contenus qui sont la propriété de Google. L’idée de la Matrice, c’est qu’il y a de moins en moins de choses à l’extérieur de la Matrice. Alors, évidemment, des gens ont remarqué cela. On a vu des mouvements de développeurs se mobiliser pour éviter ces biais introduits par Google dans la recherche et la Commission européenne a menacé Google d’une action en justice s’il ne changeait pas ses procédés.

Pour mieux comprendre, Charles Arthur invite à passer par les métaphores. Pour décrire Google+, le blogueur Ben Thompson a parlé de « piège à mouche ». Mais, selon le journaliste du Guardian, la meilleure métaphore est celle utilisée par Horace Dediu, celle de la pêche, voici comment Horace Dediu la déploie : « Google veut gagner de l’argent en possédant un gigantesque flux constitué de données, de trafic, de requêtes et d’informations indexés. Google a besoin que ce bassin soit immense pour générer le plus de revenus possible. Il faut donc imaginer ce volume comme une rivière, ou mieux comme un bassin de rivière, un gigantesque bassin de la taille d’un continent. Le business de Google est d’attraper un poisson à l’embouchure de cette rivière, juste avant qu’il ne la quitte pour entrer dans l’océan. C’est le moyen le plus efficace parce que c’est là où le courant est le plus fort et où construire un filet est possible ».

Pour filer la métaphore, reprend Arthur Charles, on pourrait dire que Google+ place des radio-émetteurs sur tous les poissons. Il est alors plus facile de savoir où ils vont.

Maintenant que vous savez tout cela, la question est : est-ce que vous êtes à l’aise avec cette idée ? Personnellement, dit le journaliste, j’ai toujours trouvé étonnant le choix de rester à l’intérieur de la Matrice.

Alors, pilule bleue ou pilule rouge ? ».

Xavier de la Porte

Xavier de la Porte (@xporte), producteur de l’émission Place de la Toile sur France Culture, réalise chaque semaine une intéressante lecture d’un article de l’actualité dans le cadre de son émission.

L’émission du 8 juin 2013 avait pour thème notre rapport magique à la technologie en compagnie de Vincenzo Susca, maître de conférences en sociologie de l’imaginaire à l’Université Paul Valéry de Montpellier. Il dirige la revue Les cahiers européens de l’imaginaire qui a consacré son numéro 3 à la « technomagie ».

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0 commentaires

  1. Bonjour, en effet on dirait que certaines choses de la vie réelle, notamment Google, commencent à tout savoir sur nous. Et avec les lunettes encore pire. Je ne sais pas si c’est bon ou mauvais, je n’ai pas vraiment d’avis encore, mais c’est certains qu’aujourd’hui nous sommes « suivis » 🙂

  2. Les différences avec facebook est plus minime que ce que je ressens au travers de la lecture du billet enfin je pense. Certes en ce moment le résultat des recherches tentent de nous piéger dans la matrice Google, seulement Google est de plus en plus puissant, gagne de plus en plus d’argent il peut donc nous considerer non pas comme un individu, mais une tendance ou au moins nous rassembler par grand groupes de consommateurs. A l’inverse Facebook n’a pas encore de moteur de recherche, mais il semble y travailler, à l’inverse de Google je dirais qu’ils perdent de l’argent chaque jour il me semble plus « dangeureux », car les limites lorsque l’on est mal sont plus facile à franchir que lorsque l’on est en pleine santé.
    En tous les cas nous confions de plus en plus de notre vie aux autres, nous nous adapterons et finalement c’est rigolo d’entendre dire que la société nouvelle est individualiste alors que l’individu partage et fréquente avec plus de monde que jamais (forum, facebook, blog, gg+, mail, sms) et les fiestas ,gueuletons n’ont pas pour autant disparus de notre vie et que dire du nombre d’assos qui oeuvrent, il est impossible de toutes les cités tant il y en a.

  3. L’article est intéressant et je trouve que vrai que le réseau se fait assez discret ces derniers temps. En tous cas, vous m’avez inspiré ! 🙂 [n’hésitez pas à consulter mon article sur le sujet]

  4. Je suis régulièrement sollicité par Google+ pour m’inscrire et au passage être obligé de réunir mes comptes Picasa, gmail, … ce que je me refuse à faire. J’essaie de maintenir un peu d’étanchéité entre mes diverses activités sur le web…

  5. Le problème c’est qu’Internet devient toujours plus du Minitel et de moins en moins de l’Internet. Tout est centralisé, car c’est plus simple pour l’utilisateur. C’est ça qu’on paiera un jour. Même les services mails sont trop centralisés à mes yeux.