Trump : les 5 échecs des nouvelles technologies

Le séisme de l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis est d’autant plus fort que personne n’avait vraiment prévu un tel résultat. Jusqu’à la veille au soir, les sondeurs et prévisionnistes étaient confiants dans la victoire démocrate. Or, la réalité ne s’est pas conformée aux données. Que s’est-il passé et qu’est-ce que cela signifie ? Retour sur les 5 défis que l’élection de Trump a adressé aux nouvelles technologies.

Est-ce la fin des Big Data ?

Comme le souligne Julien Cadot sur Numerama : voici l’heure du procès des modèles prédictifs. Ceux-ci, qu’on pensait devenus si fiables à l’heure du Big Data, se sont révélés incapables de lire le monde. Pire, ils sont depuis accusés d’avoir « masqué la réalité du terrain », comme l’expliquait Jim Rutengerg du New York Times le lendemain de la victoire de Trump. « Les journalistes n’ont pas remis en cause les données des sondages parce qu’elles confirmaient leurs intuitions profondes selon lesquelles Trump ne pourrait jamais être élu ». « Ce soir, la donnée est morte », déclarait même un stratège républicain.

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Image : la courbe des prévisions électorales du New York Times, dont la tendance s’est inversée en quelques heures, à mesure que le dépouillement progressait.

Pour Julien Cadot : « le modèle prédictif a été assommé par la réalité et aucune data, aucune donnée, aucune statistique n’a été capable de l’anticiper. (…) À l’heure où on estime que la technologie permet d’anticiper, de cibler, de saisir réellement ce que les gens pensent ou souhaitent penser grâce à des indices laissés sur le web, les élections américaines sont un rappel en lettres capitales pour le New York Times : les phénomènes humains sont trop complexes et subtils pour être résumés par ces outils. »

Pour Cade Metz de Wired, « les leçons de la victoire de Trump ne sont pas que les données sont mortes, mais qu’elles sont imparfaites. Qu’elles ont toujours été imparfaites et qu’elles le seront toujours. » L’échec de la prédiction n’est pas un échec des données, mais de leur utilisation. Les données, qui s’appuient sur des élections qui n’ont lieu que tous les 4 ans et sur des sondages toujours partiels, sont trop petites et rares, pour être pertinentes. Et il n’y a pas de données suffisamment propres et structurées pour « entraîner » des modèles prédictifs pour les élections.

La plupart des prévisionnistes se sont trompés, soulignaient Steve Lohr et Natasha Singer dans le New York Times. Si les prédictions électorales ont échoué, c’est certainement lié au fait que la précipitation à les exploiter a dépassé la capacité à en reconnaître les limites. Le danger en matière de données réside dans la confiance dans leur analyse sans saisir leurs limites et les hypothèses erronées des modèles et des personnes qui construisent des modèles prédictifs. La science des données ne donne pas des réponses, mais des probabilités, rappelle l’économiste Erik Brynjolfsson. L’échec des sondages est lié à une lacune des sondages, de l’analyse et aussi à la façon dont les chiffres ont été présentés et compris par le public.

Pour la chercheuse danah boyd, « les données elles-mêmes sont devenues un spectacle » (voir la traduction des tribunes qu’elle a livrées suite aux élections, sur le site Vecam). « En couvrant de manière obsessionnelle les sondages comme s’ils étaient des faits, [les médias] sont non seulement statistiquement irresponsables, mais également psychologiquement irresponsables. En utilisant les sondages en permanence, les médias cherchent à créer un produit addictif. Ce faisant, ils mettent les gens en état d’overdose. »

Comme le souligne encore Nicolas Morin sur l’internet-zinc, « la naïve promesse d’algorithmes tout puissants (…) s’est évaporée ». Si le discours sur les sondages s’est technicisé avec les Big Data, cela a eut un effet pervers estime-t-il : la complexité technique a renforcé l’impression de validité de ceux-ci, et leur caractère dynamique donne l’illusion d’une adaptation constante à la réalité. Deux éléments qui renforcent l’autorité des données, alors que nous restons là encore face à des probabilités qui peinent à dire la réalité, et ce d’autant que leur expression a des effets sur le vote lui-même que tout le monde peine à mesurer.

Or, comme l’exprimait le sociologue Dominique Boullier sur Facebook et dans une récente conférence (vidéo), les probabilités ne gouvernent pas le monde. La crise des subprimes de 2008, Fukushima ou Donald Trump, trois événements qui n’avaient pas été prévus, démontrent que l’analyse des données et les probabilités ont pris une place démesurée. Pour lui, nous sommes face à un « positivisme algorithmique » qui ne pourra pas être résolu par plus de données ou de meilleures données. C’est notre confiance aveugle dans les données qui nous conduit à oublier que l’improbable est tout de même possible.

Et le sociologue de rappeler l’histoire classique que contait le philosophe Bertrand Russell : celle de dindes qui étaient nourries chaque matin d’un excellent et abondant grain. Jour après jour, elles pouvaient de mieux en mieux prédire que ce serait également le cas demain. Et alors que les prédictions étaient au beau fixe, elles ne comprirent pas pourquoi, le matin du 24 décembre, on leur trancha le cou !

Malgré ses échecs patents et répétés, nous ne nous débarrasserons pas facilement du positivisme de la prédiction. La croyance qu’il suffit de plus de données pour améliorer les modèles tient encore d’une confiance aveugle dans la croyance plus que dans la raison.

L’échec des technologies de ciblage personnalisé ?

Il n’y a pas que les modèles prédictifs qui ont été remis en cause par l’élection de Trump à la présidence des Etats-Unis. Pour David Karpf, professeur associé à l’université George Washington, les logiciels permettant de gérer le démarchage porte à porte des électeurs, de leur adresser des messages politiques personnalisés par mail ou sur les réseaux sociaux, comme Nation Builder, n’ont pas fait une réelle différence. Certains, comme la sociologue Zeynep Tufekci, s’étaient inquiétés que ces techniques puissent fournir des techniques de propagande personnalisées et presque parfaites. Visiblement, cela n’a pas été le cas. D’autres, comme Eitan Hersh, l’auteur de Hacker l’électorat estimaient au contraire que ces outils étaient capables de produire des campagnes politiques plus efficaces, mais seulement à la marge. Trump, lui, a largement exprimé son mépris pour ce type de données. Il a dépensé bien plus d’argent en marketing pour sa campagne (en tee-shirts et casquettes), qu’en sondages. Alors que les équipes de Clinton ont mis en place d’importantes techniques de communication personnalisées, les équipes de Trump ont fait voler en éclat des décennies de recherches conçues pour influencer et organiser les électeurs. Enfin, peut-être pas tant que cela, comme le soulignait un article de Bloomberg revenant sur son équipe data. Malgré les modèles rudimentaires utilisés, Trump avait une équipe dédiée, menée par Brad Parscale, dont l’action a été plutôt de décourager les électeurs du camp adverse de voter. Malgré la rhétorique de Trump, l’article de Bloomberg montre que ses équipes ont fait des sondages et des simulations, et ont utilisé principalement Facebook pour cultiver ses plus ardents partisans.

John Wagner pour le Washington Post est également revenu sur l’échec des campagnes conduites par les données. La campagne d’Hillary Clinton a été soutenue par un algorithme, Ada, utilisé dans la plupart des décisions stratégiques de la candidate que ce soit pour diffuser des spots ou organiser des meetings. Mais, comme les autres outils de prévision, Ada a visiblement sous-estimé la puissance des électeurs ruraux des Etats de la Rust Belt. Là encore, comme le montrait très bien Yves Eudes pour Le Monde, ces données servent surtout à distribuer des publicités négatives sur l’adversaire, parce que ce sont les messages que les gens retiennent le mieux. Le ciblage personnalisé n’a pas aidé à élever le débat.

L’insoluble problème des bulles de filtres

Au lendemain de l’élection tout le monde s’en est pris aux réseaux sociaux, qui nous confortent dans de fausses perceptions. Si les nouvelles formes de militantisme achèvent de nous éloigner de toute réalité, de nombreux articles s’en sont pris à Facebook accusé d’avoir encouragé la victoire de Trump (voir « Trump a gagné grâce à Facebook » titrait le NYMag ou « Facebook a laissé tomber l’Amérique » titrait Mashable), alors même que tout le temps de la campagne, FB était plutôt accusé d’influencer le vote en faveur de Clinton.

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Facebook a beau jeu de se draper derrière sa neutralité, pour la sociologue Zeynep Tufekci, nous sommes là face à un déni de responsabilité. Si FB avait si peu d’influence, la société ne vaudrait pas autant !, rappelait Nicolas Morin sur Internet-Zinc. « La promesse d’internet, d’une désintermédiation, d’un espace technique permettant à chacun de s’exprimer en faisant sauter les verrous institutionnels, a été trahie : les extrémistes ont déversé des torrents de fumier dans ces tuyaux, et Facebook ne peut pas en nier l’odeur. » Pour lui, nous ne reviendrons pas sur la désintermédiation à l’oeuvre. Dans l’époque post-factuelle, où la vérité est noyée dans des torrents d’inanités, de mensonges, d’attaques, internet est devenu un champ de bataille. Reste que renvoyer les utilisateurs à leurs propres responsabilités, comme l’a fait Mark Zuckerberg lui-même, est un peu facile. En mai dernier, le Wall Street Journal avait mis en ligne un ingénieux outil pour mettre en regard les informations les plus partagées de Facebook, selon que votre profil est conservateur ou libéral. Un outil qui se voulait un moyen de corriger la bulle de filtre de FB.

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En attendant de nous doter de pareils outils, c’est à chacun d’entre nous d’être vigilant. Pour le journaliste du Monde, Michaël Szadkowski, notre bulle de filtre dépend de nous. C’est à chacun d’entre nous de garder de la diversité dans son fil d’information. Or « FB cherche à construire pour chacun un espace qui lui est intellectuellement confortable », éloignant par nature ceux qui pourraient produire de la diversité dans notre flux informationnel. FB a un intérêt fondamental à construire la bulle de filtre de chacun : un objectif d’autant plus important pour FB qu’il est porté par une logique publicitaire. Zuckerberg a beau tenter de minimiser la diffusion d’information partisane ou fausse par sa plateforme, c’est oublier que FB met par nature en avant les informations les plus simples et les plus partisanes… et donc les plus rentables en terme d’audience et d’engagement.

Quand bien même nous serions attentifs à conserver de la diversité dans notre flux d’information, le simple fait de ne pas partager, apprécier ou commenter les flux d’informations qui ne nous correspondent pas va automatiquement nous en éloigner. Garder de la diversité dans un outil construit pour nous en éloigner n’est par nature pas si simple.

La victoire de Trump et l’échec de la Silicon Valley

Pour l’entrepreneur Laurent Haug, le réveil est douloureux. « Pendant des décennies, j’ai été du côté des perturbateurs, attaquant l’établissement avec un nouveau système de valeurs, des idées neuves, de meilleurs outils, et une tribu croissante de barbares autoproclamés cherchant à prendre le pouvoir des mains de leurs titulaires. Peu d’entre nous ont vu venir ce qu’il s’est passé. Pour eux, le numérique était l’imprévu, l’inattendu, l’instantané. (…)

Aujourd’hui, nous sommes ceux qui ont été perturbés. Nous sommes ceux qui n’ont pas vu émerger un nouveau système de valeurs. » Trump vient de remettre « les barbares » à leur place, à l’heure où ils commençaient à se sentir complaisants, estime Laurent Haug en invitant les entrepreneurs à faire leur propre autocritique.

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Pour le journaliste Farhad Manjoo dans le New York Times (en partie repris dans Libé), la Silicon Valley s’est réveillée avec une nouvelle gueule de bois numérique (la précédente était assurément celle qui suivit les révélations d’Edward Snowden). Pour une fois, l’optimisme technologique semble avoir atteint ses limites, dans une Valley majoritairement pro Clinton. Pendant les années d’Obama, la Silicon Valley est venue à se considérer comme le moteur économique et social d’un nouveau siècle numérique, rappelle Manjoo. Mais la victoire de Trump risque de remettre en cause cette relation et ce d’autant que Trump n’a pas été tendre avec l’industrie de la technologie, promettant de lancer des actions antitrusts contre Amazon, appelant à boycotter les produits Apple… parce qu’ils ne sont pas produits aux Etats-Unis, etc. Le monde de la technologie a échoué à reconnaître les angoisses sociales et économiques des Américains, estime Manjoo. La technologie a accru les revenus d’une élite sans produire suffisamment d’emplois. « Nous devons trouver comment connecter plus d’Américains au moteur économique de la technologie », estime un capital-risqueur dépité.

L’investisseur et entrepreneur français Carlos Diaz, lui aussi fait son autocritique, confie-t-il sur Facebook. « Nous sommes tous responsables de l’élection de Donald Trump. (…) Nous autres, progressistes numériques à la mode, nous travaillons sans vraiment travailler et dépensons des millions sans véritablement rendre de compte, persuadés que nous sommes de rendre le monde meilleur. Bullshit. Il m’est difficile de l’admettre, mais c’est pourtant vrai, l’élection de Trump nous a montré que nous ne rendons pas le monde si meilleur que çà. Certes nous fabriquons des technologies de plus en plus sophistiquées, mais nous en sommes les seuls bénéficiaires. Pire, nous sommes peut-être, sans nous en rendre compte, les seuls à les utiliser. (…) Il est temps de le reconnaître et de nous mettre à développer des technologies et des business qui profitent au plus grand nombre. Des algorithmes qui ne nous divisent pas, mais qui au contraire nous rassemblent. Aujourd’hui la démocratie s’est rappelée à nous. Elle nous a rappelé qu’il ne suffit pas d’être intelligent, d’être riche voire même d’avoir raison pour l’emporter, il suffit d’être plus nombreux et rassemblé. »

Plus facile à dire qu’à réaliser.

Des limites du fact-checking au défi attentionnel

Pour Timothy Lee de Vox, Zuckerberg est dans le déni sur la manière dont Facebook nuit à la politique. Dans une rédaction traditionnelle, les décisions éditoriales sont prises par des personnels expérimentés, explique-t-il. Or, chez Facebook, les décisions éditoriales sont plutôt confiées à des juniors. Par exemple, au début de 2016, FB avait une équipe d’une vingtaine de personnes pour gérer les trending news, des informations chaudes et tendances qui s’inscrivent dans la page des utilisateurs de FB. Mais lorsque FB a été accusé de supprimer des histoires conservatrices de son fil d’actualité, l’entreprise a mis tous ses éditeurs dehors, laissant la gestion de ce service à ses algorithmes… algorithmes que cette équipe était chargée de nettoyer. Et les fausses informations se sont alors démultipliées… Pour Lee, le problème n’était pas que FB employait des éditeurs humains pour évaluer les histoires, le problème était que le management de FB ne considérait pas ces fonctions comme des fonctions importantes. Si FB avait mis en place une rédaction expérimentée, il aurait pu mieux combattre le sensationnalisme ou l’inexactitude des informations, explique-t-il. Pour Tim O’Reilly, la question n’est pas de développer des équipes éditoriales que d’améliorer encore et toujours les algorithmes de recommandation de FB. Pour lui, l’enjeu est encore de déterminer ce que peuvent être ces recommandations. Or, favoriser l’engagement des utilisateurs est peut-être positif pour les revenus de FB, mais ne l’est peut-être pas pour la qualité de l’information que ceux-ci partagent.

Pour le New York Times, le développement de la désinformation via les réseaux sociaux (pour autant que les réseaux sociaux et les sites militants aient été les seuls pourvoyeurs de désinformation, ce qui serait oublier le rôle primordial de grands médias nationaux partisans, comme Fox News…) nécessite de passer à une lutte active contre la désinformation et amener la contre-information là même où elle est nécessaire. Le fact-checking, consistant à déminer les propos de Trump, n’a pas eu l’influence escomptée. Elle n’a touché que ceux qui étaient déjà convaincus, comme s’en désole le Washington Post, notamment parce qu’elle s’exprimait sur des sites très éloignés de ceux qui fréquentent des informations qui confortent leurs propres opinions.

Trump a gagné en construisant sa propre réalité, comme l’explique très bien le journaliste Vincent Glad : « Plus il a été écrit que Trump avait tort, et plus il maintenait et amplifiait ses propos, plus s’est imposé aux yeux de ses électeurs la force émancipatrice de ce personnage. » Ainsi, pour Vox, le scandale des e-mails a rendu invisible les propos d’Hillary Clinton dans les médias alors que Trump profitait de ses propres dérapages pour masquer les problèmes que posait sa candidature, comme le montre le graphique des mots associés à chaque candidat dans les médias. Mais, comme l’ont montré les psychologues, lorsque les gens sont confrontés à une grande diversité d’information, ils n’agissent pas de manière rationnelle. Ils sont plutôt influencés par leurs propres préjugés et ils regardent plus les informations qui confirment leurs idées que les autres. Cela créé un écosystème informationnel où la vérité de l’information n’a pas d’importance, où tout ce qui compte, c’est l’information qui correspond à votre propre récit du monde. « On pourrait penser qu’une documentation plus importante conduirait à un meilleur accord culturel sur la « vérité ». En fait, c’est le contraire qui s’est produit. (…) La preuve documentaire semble avoir perdu de son pouvoir. » Nous filtrons ce que nous voyons depuis nos préjugés.

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Image : ce que les Américains ont lu ou entendu à propos de Donald Trump et de Hillary Clinton, via Vox.

Aujourd’hui, si le fact-checking s’est développé, l’effort s’est révélé particulièrement inefficace face à la montée des plus vils arguments. Pour Farhad Manjoo, c’est lié au fait que les mensonges se sont institutionnalisés. Les pages partisanes sur Facebook publient de plus en plus de fausses informations, soulignait une récente étude de BuzzFeed. Pire, le fact-checking renforce le sentiment d’indignation ou d’aliénation des gens, estime Caitlin Dewey du Washington Post, sans parvenir à les convaincre.

Pour le spécialiste des médias, Matthew Jordan, sur The Conversation (et en français dans Courrier International), la couverture des énormités que déversait Trump en ligne a largement contribué à son ascension. Or, selon PolitiFact, 70 % de ses affirmations se sont révélées plutôt fausses, fausses voire archifausses (contre 26 % pour Hillary Clinton). Cela n’a pas empêché les médias de se faire de l’argent en relayant ses propos. « Trump a compris l’un des principes fondamentaux des organisations médiatiques à but lucratif : on peut dire n’importe quoi, même des mensonges, à condition de ne pas être ennuyeux ». Pire, rappelle Jordan, le simple fait de dénoncer ou d’expliquer un mensonge a tendance à le renforcer ! Et les médias en ligne en reprenant en boucle les propos scandaleux du candidat Trump, ont accordé plus d’importance au nombre de clics qu’à la vérité. Pour Jordan « l’ignorance est la rançon de l’expansion d’un système médiatique fondé sur le profit », qui invite à réfléchir à une nouvelle éthique médiatique.

Pour Farhad Manjoo, la grande variété des sources de l’internet promettait d’être un rempart pour continuer d’asseoir l’âge de la rationalité. Il n’en a rien été. Sur Wired, Rowland Manthorpe nous explique même que Trump représente l’avenir, parce qu’il est parvenu à capter l’économie de l’attention. Trump était un candidat « piège à clic », un troll, auquel tout le monde peinait à répondre parce qu’il avait compris que l’attention était plus importante que la vérité. Or, pour les journalistes et les médias, la meilleure réponse aux trolls est de les ignorer, ce qui était impossible avec le candidat républicain. Imposer des standards de rationalité ou contrôler ses affirmations n’a pas produit non plus les résultats escomptés.

Pour Roland Manthorpe, à l’ère de la toute-puissance de l’information, l’économie de l’attention est devenue primordiale. Pour répondre à ce défi, la Silicon Valley se propose d’automatiser notre attention par le truchement de bots et d’assistants… mais qui plus que de nous redonner la main, se proposent de nous infantiliser plus encore. Manthorpe conclut d’ailleurs son article en dressant un parallèle intéressant entre les promesses de l’informatique et celles du démagogue.

L’ordinateur et le démagogue nous promettent tous les deux de « nous enlever la pénible nécessité du choix et du compromis ». L’un comme l’autre nous présentent un monde où les décisions seront prises « pour notre propre bien ». L’hyper-rationalisme comme l’irrationalisme semblent en fait poursuivre les mêmes objectifs. Ceux de nous contraindre à n’avoir plus aucun choix à faire.

Hubert Guillaud

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0 commentaires

    1. Bonsoir Scaringella,

      Votre post n’expliquait rien de tout cela. Je l’ai lu. Il est bcp trop général, voire flou et … (j’en resterai là) pour cela.

      (A titre perso, je pense que le com’ supra ne méritait pas validation. Encore un qui se prend pour une lumière et tient à son quart d’heure de célébrité …)

  1. Je suis partagé avec cette analyse sur les sondages qui auraient « faillis ».

    Les derniers sondages donnaient peu d’écart entre les deux. De mémoire entre 2 et 4% d’écart, ce qui est inférieur à la marge d’erreur.

    D’autre part, en nombre de voix exprimées Clinton est devant Trump.

    De plus, les sondages portent sur les intentions de vote, mais il reste toujours l’aléas du vote réel, car tout le monde ne se déplace pas aux urnes.

    Enfin, les sondages ne sont pas un modèle « prédictif », c’est juste un cliché instantané sur les opinions.

  2. Merci pour ce travail de fond remarquable. Je retiens cette phrase : « Trump a compris l’un des principes fondamentaux des organisations médiatiques à but lucratif : on peut dire n’importe quoi, même des mensonges, à condition de ne pas être ennuyeux ».

    NB : J’ai détecté un problème, en partageant cet article sur Facebook, il ne génère pas la vignette de cet article correctement et renvoi vers votre homepage et je ne vois pas de bouton pour partager directement cet article sur les réseaux sociaux.

  3. Article passionnant, comme d’habitude !
    Mais ne méprenons pas, les probabilités restent des probabilités. L’inférence bayésienne est claire, les relations de cause à effet entre les variables ne sont pas déterministes, mais probabilisées, entrainant des incertitudes non négligeables. La preuve !

  4. Je trouve l’article exagérément négatif.

    Tout d’abord, il est contradictoire de blâmer la petite taille de l’échantillon des personnes sondées, et en même temps de blâmer les « big data ». C’est trop petit ou c’est trop gros ?

    Quant à l’histoirette de Russel, elle pointe du doigt le problème de l’induction en science. Ce problème est bien plus large que les big data et les algorithmes. Si on suit son raisonnement, je ne peux pas être sûr que le soleil se levera demain matin. Au contraire, si on accepte la validité du raisonnement inductif (comme tout le monde ou presque), c’est dans les détails des modèles predictifs qu’il faut se pencher, et je ne pense pas que le problème soit intrinsèque aux methodologies de prédiction employées dans le monde des « big data ».

  5. Il est préférable de ne pas tirer les leçons avant d’avoir toutes les données analysées.
    Les premières études précises des votes donnent des résultats beaucoup plus rationnels que les premières impressions : http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/11/16/les-riches-ont-vote-trump-les-villes-clinton_5031798_3232.html
    L’électorat de Trump, comme celui de Clinton sont plutôt globalement conformes à ce qui était attendu.
    La principale question à se poser est plutôt celle de la validité des modes de scrutin. Et non celle des médias numériques ou non.
    La victoire du premier est due à quelques pourcentages de déplacement dont les conséquences ont été énormes.
    Peut-on jouer l’avenir de la planète sur des instruments aussi démocratiquement grossièrement inopérant ? Il y a là quelque chose de criminel.