L’économie de l’infantilisation – Medium

L’essayiste Umair Haque (@umairhsur Medium s’énerve avec raison. La Silicon Valley nous promet de changer le monde, et que nous propose-t-elle ? Une économie de l’infantilisation ! Des assistants pour tout ! Assistants virtuels, systèmes de recommandation, applications de conciergerie… Toutes les services de la Valley nous proposent rien d’autre que des nounous, une économie de l’assistanat – développée par des entreprises souvent très libérales qui refusent l’assistanat pour elles-mêmes ou pour la société, ce qui n’est pas une contradiction mineure me semble-t-il. Pourtant, ce ne sont pas les problèmes épineux qui manquent : changement climatique, stagnation économique, fracture sociale… 

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Le problème estime Haque, c’est que cette économie de l’infantilisation va nous rendre demain certainement moins capable de changer le monde. Car les utilisateurs vont être la main d’oeuvre de ces applications. Vous êtes désormais le coursier de “AssRabbit” et vous ne prendrez jamais plus de galon en travaillant pour eux puisque vous serez votre propre entrepreneur sans possibilité d’évoluer. Kafka a écrit sur des gens piégés par les impossibles exigences de la modernité coincés dans des situations sans issues. S’il écrivait aujourd’hui, il décrirait ce monde de gens pris au pièges de l’infantilisation dont la précarisation empêchera de s’extraire. Pour Haque, nous voici entrer dans le temps de la neoservitude. Les machines sont nos nouveaux maîtres. Et malgré tous les défauts, le maître, avant, était humain. “La machine, elle, n’a pas d’émotion, pas de conscience et ne cherche aucune rédemption. Elle n’est que le calcul parfait”.

“La vérité est que, comme tous les murs, les murs de l’économie de l’infantilisation produisent une forme d’apartheid. Dans les récits de Kafka, les gens ne sont jamais autorisés à grandir. Gregoire Samsa est transformé en insecte, plutôt qu’un homme. Mais l’économie de l’infantilisation nous empêche même cela. Nous ne pouvons même plus nous transformer en insecte. Nous devenons rien du tout. Rien d’autre que d’éternels bébés, assistés par une gigantesque nounou machinique.”

La culture Geek a toujours eu du mal à grandir. Comme si elle en était resté à l’adolescence. Elle s’amuse des chats mais peine à s’intéresser à Orwell, Dickens, Michel Ange ou Picasso. Pour Haque, il y a certainement un lien entre la culture geek et cette économie de l’infantilisation. Pourtant, rappelle Haque : nous ne trouverons pas l’amour que nous cherchons en l’achetant. Nous ne trouverons pas le respect dont nous avons si faim en le commandant sur notre smartphone. L’amour des autres, comme de soi doit se gagner. Comment ? En grandissant ! En admettant sa fragilité, ses défauts, ses faiblesses et en travaillant à les réduire. Si nous sommes tout le temps infantilisés, nous ne pourrons nous aimer. “La gigantesque nounou machinique ne sauvera pas le monde. Nous ne pourrons pas demander à TaskRabbit de sauver le monde ou de réparer le changement climatique… Nous ne pourrons pas demander à Uber de nous conduire vers un monde meilleur.” Il serait temps de sortir de notre immaturité ! 

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