Vers des applications d’intelligence artificielle accessibles à tous ?

Chez l’opérateur de télécommunications américain AT&T, Mazin Gilbert, responsable des technologies avancées, veut rendre les technologies d’intelligence artificielle accessibles à tous et d’abord à ceux qui ne les maîtrisent pas. Pour accomplir cet objectif de « démocratisation de l’IA », il a lancé une plateforme accessible aux employés d’AT&T leur permettant d’utiliser des outils d’intelligence artificielle très simplement, simplement en y insérant des fichiers de données sous la forme de simples tableurs. Pour Mazin Gilbert, le manque de spécialistes de l’IA nécessite de trouver de nouvelles solutions, notamment en permettant à des utilisateurs d’y avoir recours.

Cette démocratisation de l’IA nécessite que chacun puisse développer ses propres outils et que demain, ces applications soient accessibles à chacun : employés, clients, entreprises partenaires, etc. Pour lui, les tableurs ont largement contribué à démocratiser l’analyse de données, et l’accès à des applications d’intelligence artificielle va permettre de pousser cette analyse un cran plus loin. Pour l’instant, la plateforme d’AT&T propose des « widgets » sur le modèle IFTTT (que nous évoquions dans notre dossier sur le renouveau des interfaces pour la médiation), qui peuvent être assemblées pour créer des applications dédiées.

Le Machine Learning as a service

Alors qu’AT&T réfléchit à commercialiser cette plateforme pour la rendre accessible à d’autres entreprises, James Wilson (@hjameswilson) et Paul Daugherty (@pauldaugh) d’Accenture, auteurs du livre Human + machine : reimagining work in the age of AI pour la Harvard Business Review nous rappellent que d’autres outils de ce style existent, comme DataRobot (vidéo) qui permet de construire des modèles prédictifs depuis n’importe quelles données. Ou Petuum, qui via une interface visuelle, permet également de créer rapidement des applications d’analyse et d’apprentissage sans avoir à écrire la moindre ligne de code.

Bien évidement, rappellent les deux auteurs qui en profitent pour glisser un peu de promotion pour Accenture Insights, l’outil de même type d’Accenture, les Gafams ne sont pas en reste.

Avec AutoML (pour Automatic Machine Learning), Google construit un système d’apprentissage automatique capable de développer des applications de machine learning. Avec son moteur de Machine Learning et ses interfaces de programmation dédiées pour la reconnaissance de l’image, la reconnaissance vocale, l’analyse de texte, la traduction l’interconnexion et le dernier né, AutoML, Google ambitionne de proposer une gamme de produits permettant à chacun de faire du Machine Learning, à nouveau par l’intermédiaire d’interfaces permettant de déposer simplement des fichiers pour entraîner et développer des applications. Après avoir ouvert ses logiciels d’IA, Google les propose sur le Cloud, sous forme d’interfaces de programmation, de AIaS (Artificial Intelligence as service). Comme le souligne FastCompany, l’accessibilité de programmes d’IA sous forme de services dans le Cloud semble l’ingrédient clef de l’intégration de l’IA. Après l’ouverture des logiciels, la nouvelle étape consiste assurément à développer des services à la demande.

Salesforce, avec myEinstein, propose une suite d’outils pour que leurs clients construisent leurs propres chatbots et leurs propres modèles de prédiction de ventes. Quant à Uber, sa plateforme Michelangelo, a permis à l’entreprise de déployer UberEats, une application qui prédit le temps de préparation d’un repas et de sa livraison. Pour James Wilson et Paul Daugherty, l’avantage compétitif de l’IA pourrait bientôt passer des entreprises proposant la technologie à celles qui ont des idées innovantes pour l’exploiter. De là à avancer, comme ils le font, que plutôt que de perdre leur emploi, l’IA pourrait permettre demain aux non-techniciens de développer leurs talents, il y a un pas que les consultants d’Accenture franchissent peut-être avec un peu trop d’enthousiasme. Pas sûr que cela s’applique aux mêmes personnes ou que la hauteur des besoins soit à la hauteur des enjeux en terme d’emplois.

Comme le soulignait une grande enquête du New York Times signée Cade Metz en novembre dernier, la recherche sur des systèmes d’intelligence artificielle capable de construire des machines intelligentes est en plein boom. AutoML, cette « machine algorithmique capable de construire des machines algorithmiques », est un outil qui vise à pallier le déficit de compétences en matière d’IA, afin de générer des outils d’IA simples d’utilisation. Amazon et son MXNet, Microsoft et son CNTK sont aussi de la partie. Et d’autres que les Américains ne sont pas en reste, à l’image du chinois Malong Technologies… Comme le souligne le New York Times, construire des solutions de Machine learning n’est pas encore aussi simple que de construire un site web : passer de l’entraînement des données qui peut être assez simple effectivement, à leur intégration dans un service, nécessite malgré tout encore beaucoup de compétences. Mais cette tendance appelée « meta-apprentissage » (meta-learning ou learning to learn) est visiblement en plein développement.

L’IA comme service, mais pour quoi faire ?

Reste que pour l’instant, il est difficile pour le néophyte de voir concrètement ce que ces outils transforment. Les exemples d’utilisation que valorise Google reposent sur l’amélioration de la classification d’images pour des magasins en ligne, permettant d’améliorer la catégorisation de produits. Autre exemple, évoqué encore sur le blog de Google, l’application agricole Connecterra (vidéo), un collier de surveillance d’activité pour les vaches – qui utilise, lui, la version logicielle des outils de Google, TensorFlow – permet d’analyser et interpréter le comportement des vaches afin d’améliorer la surveillance sanitaire et leur productivité.

ClarifAI, un système de reconnaissance d’image, développe des outils pour permettre aux sites de catégoriser des images, permettant ainsi à Trivago ou Buzzfeed de créer des descriptions automatiques d’images et des modèles de recherche personnalisés. Watson Analytics d’IBM permet également de générer de l’analyse de données et étaye les relations trouvées dans les données pour proposer des visualisations et des analyses. Chez AT&T, les agents du support client peuvent par exemple utiliser un module qui leur permet d’analyser les sentiments d’un client en déposant leurs e-mails ou le texte récolté lors de tchats.

Si tenter de faire la recension des outils de Machine Learning qui se présentent comme accessibles est en passe de devenir une gageure, comprendre ce qu’ils transforment ou permettent l’est tout autant. Pour l’instant, comme le soulignent les responsables de Google AI, l’enjeu demeure technique : personnaliser et améliorer les modèles, améliorer l’exécution et la production des systèmes. Bref, optimiser les modèles d’affaires.

Hubert Guillaud

MAJ : voir également les outils de Facebook en matière d’IA à destination des développeurs.

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  1. Une étude fait le point sur la démocratisation de l’IA, et conclut que ce n’est pas le cas. La fracture des traitements s’accroit expliquent les auteurs, Nur Ahmed et Muntasir Wahed, qui parlent de « Compute divide ». Du fait d’un accès inégal aux capacités de traitements, Gafam et universités d’élites (le top 10) concentrent de plus en plus la recherche en IA au détriment des universités de niveaux inférieurs et des autres entreprises !