Retour sur les enjeux 2005 : RFID

« RFID est une technologie à part. Potentiellement, elle peut servir à tout, et peut même devenir parfaitement pervasive et omniprésente, à un point jamais atteint par une autre technologie sans fil auparavant. »
Enjeux 2005

Le « potentiellement » demeure d’actualité en 2005 – nous n’avions heureusement pas prétendu le contraire. Il convient toutefois de bien séparer les applications de cette technologie, dans l’étiquettage des produits et la distribution d’un côté, dans de multiples autres domaines de l’autre.

Au plan industriel, les puces d’identification à radio-fréquence se répandent, le marché croît (de 39 %, à 504 millions de dollars, si l’on en croît Gartner), mais pas de manière explosive. Après Wal-Mart et le Département de la Défense américain en 2004, aucune très grande organisation ne s’est engagée de manière volontariste en 2005. Au fond, 2005 marque une première consolidation, disons, intellectuelle : les entreprises ont surtout appris à mieux évaluer le rapport coût-avantage de RFID. Le coût des puces et des lecteurs demeure en effet significatif quand il s’agit de tracer individuellement des produits. L’interopérabilité, tant au niveau technique qu’à celui des codes d’identification, demeure imparfaite. Enfin, dans les entreprises qui avaient déjà adopté à grande échelle des dispositifs de traçage, basculer vers RFID représente un investissement lourd en informatique, en logistique et en organisation. Cela conduit Gartner à prédire que « les étiquettes RFID ne remplaceront pas les codes-barre » et qu’à court terme en tout cas, RFID sera principalement exploité dans de nouvelles applications, qu’en substitution à des dispositifs existants. Les secteurs de la santé, la pharmacie et la logistique seraient les premiers concernés, notamment pour la gestion d’équipements et le suivi de véhicules ainsi que de palettes.

Pour autant, RFID continue d’étendre son emprise. Au Japon, la carte sans contact Felica fait désormais office de billet de train et de spectacle, de porte-monnaie, etc. Les robots domestiques japonais apprennent à lire celles qui équipent les maisons pour se repérer sans recourir à des logiciels encore très imparfaits de reconnaissance de forme. Même aux Etats-Unis, là où est pourtant né le débat le plus critique à l’encontre de RFID en matière de respect de la vie privée, on voit des entreprises se spécialiser dans la commercialisation de serrures électroniques, permettant d’ouvrir la porte de son domicile avec un téléphone mobile équipé d’une puce ad hoc. Et, à compter d’octobre 2006, tous les passeports des citoyens états-uniens seront équipés d’une puce RFID.

Même si les réticences vis-à-vis de RFID demeurent vives, elles s’expriment d’une manière moins spectaculaire qu’en 2004. Dans plusieurs communications à la Cnil, Philippe Lemoine a tenté de résumer les « quatre pièges qui concourent à minorer le risque que présente cette technologie en matière de protection des données personnelles et de la vie privée : l’insignifiance [apparente] des données, la priorité donnée aux objets [en apparence toujours vis-à-vis des personnes], la logique de mondialisation [normalisation technologique basée sur un concept américain de « privacy » sans prise en compte des principes européens de protection de la vie privée] et enfin le risque de « non vigilance » individuelle [présence et activation invisibles]. »

C’est sans doute une bonne manière d’aborder la recherche d’un équilibre, mais force est de constater que RFID se répand, se généralise et fait partie du quotidien de nombreux citoyens, qui ne semblent pas en être dérangés outre mesure, ni se passionner pour le sujet.

(par Cyril Fiévet et Daniel Kaplan)

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