Comment l’internet a facilité l’organisation du changement social, mais pas de sa victoire – TED

Nous avons souvent évoqué les articles de Zeynep Tufekci (@zeynep) (notamment “Pourquoi les manifestations échouent” et “Ce qui arrive à #Ferguson affecte #Ferguson”). Dans le propos qu’elle livrait récemment à TED Global, elle explique que l’internet facilite l’organisation et la mobilisation citoyenne. 

“Un réseau de tweets peut déclencher une campagne mondiale de sensibilisation. Une page Facebook peut devenir la plaque tournante d’une incroyable mobilisation de masse.”

Mais pour quels résultats ? “Les résultats (de ces incroyables mobilisations) ne sont pas vraiment proportionnels à la taille et à l’énergie qu’ils ont déployé”. La technologie est très puissante, souligne-t-elle, permettant à une seule personne d’avoir une action sur les médias du monde entier et de mobiliser des milliers de personnes à travers le monde. 

Pourtant, “3 ans après Occupy et le lancement d’une conversation mondiale sur les inégalités, les politiques qui les ont alimentés, sont toujours en place…" 

Zeynep est retourné interviewer les manifestants de la place Gezi en Turquie, un an après les événements… Ils étaient tous très frustrés. Ils avaient obtenus beaucoup moins qu’ils espéraient. L’internet nous fait oublier la valeur du lent travail de terrain. Le rôle de la logistique dans l’implication des gens, le fait que convaincre ne passe pas seulement par l’émotion, mais par l’engagement, par la prise de risque, par l’auto-organisation, comme l’ont montré les manifestations en faveur des droits civiques des années 50 aux Etats-Unis. Les mouvements d’aujourd’hui manquent de base organisationnelle pour relever les défis qu’ils soulèvent. Un peu comme ces startups qui obtiennent un grand financement sans savoir vraiment quoi en faire… et ils parviennent rarement à déplacer tactiquement les choses, parce qu’ils ne disposent d’une "profondeur” pour avoir à surmonter les changements… 

La magie des mobilisations qui réussissent repose dans cette capacité à travailler ensemble, à réfléchir ensemble collectivement, ce qui ne peut se construire qu’au fil du temps avec beaucoup de travail. 

“Les mouvements sociaux d’aujourd’hui veulent fonctionner de façon informelle. Ils ne veulent plus de leadership institutionnel. Ils veulent rester en dehors de la politique parce qu’ils craignent la corruption et la cooptation. (…) (C’est pour cela) qu’il est difficile pour eux de se maintenir sur le long terme et d’exercer une influence sur le système.”

Ce n’est pas que ces mobilisations ne créent pas de réseaux forts entre les gens. Mais ils doivent aller plus loin : apprendre à penser collectivement, à élaborer des propositions politiques fortes, à créer du consensus, comprendre la politique… “parce que les bonnes intentions, la bravoure, le sacrifice ne suffiront pas”. 

En Nouvelle-Zélande des hacktivistes développent Loomio, une plate-forme pour mettre à l’échelle les décisions participatives. En Turquie 140Journos a tenu des hackathons. En Argentine, DemocracyOS est un logiciel pour développer la participation dans les partis politiques… C’est très bien, mais ça ne suffira pas, conclut Zeynep Tufekci. 

“La réponse ne reposera pas seulement dans un meilleur processus décisionnel en ligne. Pour mettre à jour la démocratie, nous avons besoin d’innover à tous les niveaux de l’organisation politique et sociale.”

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