Qu’est-ce que « l’homme+ » ? – France Culture

La Grande Table (@lagrandetable), l’excellent émission de Caroline Broué sur France Culture, recevait il y a peu le chirurgien, romancier et expert en intelligence artificielle, Laurent Alexandre (Wikipédia, @dr_l_alexandre) pour parler transhumanisme. Le spécialiste y explique très bien le glissement à venir, le “continuum” de la réparation de l’homme à son augmentation. Il souligne combien le transhumanisme va se réaliser, sans débat. 

“Les transhumanistes  sont en train de gagner sans livrer bataille. Le coeur artificiel, 100 % des Français trouvent que c’est formidable.Pourtant, c’est bien fabriquer un homme cyborg !" 

Le transhumanisme s’occupe avant tout de l’augmentation de l’espérance de vie par les technologies. "Le coeur artificiel participe du mouvement vers un homme transhumain qui ne serait plus seulement biologique”. 

“On a de plus en plus de technologies très transgressives qui sont acceptées massivement par la société. En réalité la société devient massivement transhumaniste sans en connaître le mot.”

Il rejette le techno-autoritarisme sous lequel on désigne souvent le mouvement transhumaniste. D’abord, parce que les gens sont près à tout accepter pour “moins souffrir, moins vieillir et moins mourir”. Nous sommes tous près à accepter une dernière chimiothérapie pour vivre quelques semaines de plus, provoque-t-il. Le transhumanisme, n’est pas un fascisme technologique : l’opinion est déjà conquise. Elle ne souhaite pas la discussion. “Y’a-t-il eut une seule discussion en France de savoir si mettre un coeur électronique était une bonne chose ou une transgression inacceptable”, même si elle sauve plein de vie ?

Le transhumanisme est égalitaire souligne-t-il encore. C’est l’augmentation, le séquençage et des implants pour tous. “Nous sommes face à des technologies dont le coût va s’effondrer. Le coût du séquençage en 2025 coûtera "le prix d’un pain au chocolat”“. Certes ces technologies sont pour l’instant coûteuses et peuvent ne pas être distribuées à toute la société, mais à terme elles seront égalitairement réparties prophétise-t-il. Le problème n’est pas tant le coût, qu’une question sociale : que fait-on quand on est 2000 fois moins intelligent qu’un automate dans 50 ans ? Quel choix de société ferons-nous ? La marginalisation ou l’augmentation ? Nick Bostrom a montré qu’on pourrait considérablement augmenter le QI d’un pays par la sélection embryonnaire. Est-ce cela que nous souhaitons ?   

La discussion qui a lieu durant l’émission montre bien la difficulté à distinguer le "progrès” de la transgression de notre humanité. Cette transgression doit être discutée, estime pourtant Laurent Alexandre. Elle ne peut pas être entérinée par le progrès technologique, sans questionnements. 

Les machines seront-elles un jour plus morales que l’homme ? 

“Que va-t-on faire des hommes dans un univers où l’intelligence numérique sera supérieure à l’intelligence biologique ? (…) Que fait-on des gens moyennement intelligents en 2050 ?" 

Faut-il interdire ou limiter l’intelligence artificielle avant qu’elle devienne mortifère pour la société et comment ? Seul Google a créé un comité d’éthique pour savoir jusqu’où il devait développer sa propre intelligence artificielle, souligne le spécialiste. 

Mais le plus intéressant moment de la discussion est certainement à la fin de l’émission. Quand Laurent Alexandre évoque l’eugénisme en cours dans notre société et le malaise que sa remarque génère. Rappelant que nos sociétés sont déjà eugénistes, comme il le soulignait déjà dans cet entretien à Usbek & Rica. 97 % des enfants trisomiques sont avortés en Europe. Nous sommes déjà entré dans un eugénisme non pas d’Etat, mais libéral.  

"Si on élimine définitivement la trisomie 21, qu’est-ce qui nous enpêchera d’éliminer ensuite les embryons ayant un QI de 70, 80 ou même
100 ?”

Quelles limites mettre au progrès technique ? Jusqu’où faut-il ne pas aller ? Sans réponse à cette question, le risque, effectivement, est que nous allions toujours trop loin. 

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