Quelle est votre nationalité algorithmique ?

Le designer James Bridle (@jamesbridle) à l’occasion de l’exposition The Space organisée par le Web We Want Festival vient de lancer Algorithmic Citizenship, une application pour Chrome permettant de connaître la nationalité que vous attribue les sites que vous visitez et celle des sites eux-mêmes selon les données et les serveurs qu’ils utilisent. L’enjeu est de révéler les structures politiques et juridiques sous-jacentes de l’internet, explique Motherboard.  Le plug-in enregistre chaque site que vous visitez et vous montre d’où proviennent les serveurs que vous utilisez pour vous y connecter. Basé sur votre historique de navigation il vous montre également votre identité selon les pays principaux d’où proviennent les données auxquelles vous accédez. Pour lui, l’enjeu est de montrer combien nos données voyagent et où se localise notre attention culturelle en ligne. 

Pour lui, la citoyenneté algorithmique est une nouvelle forme de citoyenneté où vos allégeances et vos droits sont constamment remis en question, calculés et réécrits. L’attribution de notre citoyenneté à l’ère du numérique dépend des outils que l’on utilise… 

Or selon l’Etat duquel nous relevons, notre citoyenneté – c’est-à-dire notre “droit d’avoir des droits" comme l’explique
Hannah Arendt – n’est pas la même. L’outil développé par James Bridle calcul notre citoyenneté selon l’endroit où nous surfons, ce qui est d’autant plus important que chaque visite génère des données utilisées pour prendre des décisions nous concernant que ce soit afficher la langue la plus adaptée, vous autoriser à regarder une vidéo… 

Quand nous utilisons un VPN, nous modifions notre citoyenneté algorithmique et les sites calculent nos profils comme si nous venions d’un autre endroit. La NSA elle-même pour exclure les citoyens américains de sa surveillance génère des profils de navigation lui permettant d’évaluer votre localisation au-delà de l’adresse IP, afin de pouvoir enregistrer vos données. 

Selon les données qu’on émet, les sites que l’on visite, l’outil de Bridle nous montre que notre nationalité n’est pas toujours celle que l’on croit, qu’elle est mouvante et qu’elle pourrait avoir une influence directe sur les modes de surveillance dont nous sommes l’objet et sur les recours que nous pouvons avoir.

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Pour Bridle, à l’heure des systèmes techniques internationaux et d’un monde pourtant de plus en plus global, la citoyenneté risque de devenir un champ de bataille : comme l’illustrait récemment l’histoire d’un citoyen Américain arrêté à Abu Dhabi pour un propos critique à l’égard de son employeur des Emirats arabes-unis, posté sur Facebook alors qu’il était aux Etats-Unis – un imbroglio qui montre la complexité de l’enchevêtrement des droits qui s’appliquent. Pour Bridle, sur l’internet, “nous ressemblons tous et de plus en plus à des migrants, ces personnes dont la citoyenneté est toujours contestée, provisoire et précaire”.

Pourtant, cette citoyenneté algorithmique est à la fois une menace et une solution. Utilisée contre nous, elle nous rend apatrides et démunis de droits, utilisée au service des citoyens, elle peut nous permettre d’acquérir des droits et une protection renforcée, en étant attentif à la manière même dont on se déplace sur le réseau et dont on transmet des données par devers nous. 

Le principe de l’outil développé par Bridle consiste à la fois de tenter de de deviner où se situe le site sur lequel vous surfez, en prenant en compte les noeuds d’interconnexion qui relaient les contenus auxquels vous accédez pour vous permettre de mieux y accéder. Et de deviner également, depuis votre propre adresse IP, d’où vous surfez, en prenant en compte les relais de votre fournisseur d’accès ou le signal GPS qui vous localise (même si cette dernière fonction n’est hélas pas encore implémentée). “La façon dont les sites web vous voient et la façon dont vous voyez les sites web reflètent la façon dont l’internet vous voit, chaque fois que vous vous connectez à un site”. Comme toujours avec Bridle, nous avons là une parfaite mise en abîme. 

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