Doit-on forcer Google à oublier ? – New York Times

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a débouté Google, mardi 13 mai, dans une affaire de « droit à l’oubli » numérique, en estimant qu’un moteur de recherche sur Internet est responsable du traitement des données personnelles contenues dans les pages qu’il renvoie aux internautes suite à une recherche, rapporte Le Monde. Une décision qui place Google en juge des informations que les internautes lui demanderont de censurer, estime Guillaume Champeau pour Numerama, car le moteur ne devra pas censurer d’information d’intérêt public, estime la CUJE. Mais qui vérifiera l’opportunité des choix de Google ?

Alors que l’Europe semble plutôt se féliciter de cette décision qui va dans le sens d’un droit à l’oubli, qui ne censure pas les pages originelles, mais impose aux moteurs de recherche de déférencer des pages et de se soucier des internautes, le son de cloche n’est pas le même de l’autre côté de l’Atlantique.

Sur son blog, Jonathan Zitrain, le spécialiste de la gouvernance du Net, s’énerve : l’Europe va-t-elle pousser Google à devenir une sorte d’About.me, le service phare permettant de maîtriser sa présence en ligne. Le fait que Google doive supprimer certains résultats de recherche, non pas parce qu’ils sont faux ou enfreinent le droit d’auteur, mais sous prétexte de respect de la vie privée, paraît étrange à Jonathan Zittrain.

Pour lui, le préjudice le plus important risque de ne pas être pour les moteurs de recherche, mais pour le public et sa capacité à trouver l’information publique qu’il cherche. Dans une tribune pour le New York Times intitulée Ne forcez pas Google à oublier, Zittrain enfonce le clou. Si le tribunal européen a raison de vouloir résoudre un problème important – la capacité de l’internet à conserver indéfiniment toute information à votre sujet, qu’elle soit malheureuse ou trompeuse – la solution trouvée n’est pas la bonne. D’abord, parce qu’elle ouvre le droit à chacun d’entraver l’accès aux documents publics. Ensuite parce que les critères auxquels doivent répondre les moteurs est trop vague et risque de générer leur sur-réaction. Le jugement précise pourtant qu’il ne demande pas la suppression des pages qui posent problème (dans les faits, rien n’est oublié), mais que l’action soit sur la liste des résultats. En 2007, rappelle-t-il, Google avait permis aux internautes d’ajouter des commentaires aux articles des résultats de Google News, une fonction ensuite abandonnée. Dommage. Si les moteurs de recherche avaient gardé ce type de fonctionnalités, ils pourraient être en mesure de donner plus d’influences aux utilisateurs sur les informations les concernant, sans pour autant leur donner un pouvoir de censure. (On pourrait ajouter Google Search Wiki, la fonctionnalité qui permettait justement aux internautes de modifier le classement des résultats du moteur, elle aussi abandonnée).

Pour Zittrain, “le désir d’un tel droit à l’oubli n’est que la volonté de ne pas voir notre vie présentée au monde de manière mécanique et sans possibilité d’examen”, une réclamation certainement légitime. Pour Zittrain, les moteurs de recherche doivent désormais mettre en place des ressources pour atténuer ce problème. Car, le risque, s’ils ne le font pas, c’est que les résultats des moteurs dépendent encore plus qu’aujourd’hui de l’endroit où est situé votre clavier plutôt que de ce que vous cherchez. Le risque est que les moteurs soient contraint à un jeu de chat et de la souris entre la censure et la fraude, qui mène à une fragmentation plutôt qu’à une amélioration du web. La crainte de Zittrain est que le jugement européen ouvre les portes à une plus grande personnalisation des résultats de recherche. 

Pas sûr que ce soit le plus grand risque pour ma part, tant les résultats de recherche sont déjà personnalisés. Je suis plutôt de l’avis de Guillaume Champeau… Le plus grand risque étant surtout de laisser les moteurs apprécier de ce qui est légitime et de ce qui ne l’est pas, sans que les utilisateurs aient une grande marge de manoeuvre et sans que les ajustements faits par les moteurs aux demandes de chacun ne soient très transparentes.

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