Internet n’est pas un territoire, c’est une somme de consciences collectives – Okhin.fr

Sur son blog, Okhin (@okhin), hacker anarchiste, membre de Telecomix, le “groupe d’activistes du net, engagés en faveur de la liberté d’expression”, publie le texte de la conférence donnée lors de Pas Sage en Seine 2014 (voir aussi la vidéo). Et ce texte est un passionnant appel au réveil des développeurs. 

“En tant que système d’échange d’information, Internet fonctionne parfaitement. Il ne garantis pas la confidentialité des échanges, ni la sécurité des machines ou des personne, mais il garanti que l’échange et, l’accès à l’information est possible.”

(…) “Ce qui est cassé ce n’est pas Internet. Ce qui est cassé c’est nous. Les barbus auto proclamés gourous des internets, cyber hactivistes, hackers, sysadmin et autre. Ce qui est cassé ce sont nos égos, nos réactions de sociopathes nihilistes face à un problème politique et social. Ce qui est cassé c’est notre absence de réaction politique (…)”

Pour Okhin, nous n’avons pas besoin de logiciels de chiffrements et de principes sécurisés. La protection de la vie privée ne peut se résoudre techniquement, en demandant aux gens de sécuriser leurs communications pour répondre aux atteintes à la démocratie et à la vie privée de la surveillance de masse effectuée par les nations et les grandes entreprises de l’internet. 

“Si nous voulons reconstruire un réseau qui garantisse la sécurité et la confidentialité des communications, cela veux dire que nous ne pouvons communiquer qu’avec des nœuds approuvés par le réseau. Cela implique – entre autre – que tout nouvel arrivant doit prouver qu’il est de confiance.

Fini l’arrivée sur le réseau Internet par la simple attribution d’une adresse IP. Il va falloir prouver que l’on est "trustable”. Il va falloir prouver au reste du réseau que l’on est bien comme il faut. Que la machine utilisée est sûre, respecte la dernière norme du protocole, et dispose de matériel ne compromettant pas l’intégrité du réseau.

Vous imaginez une société basée sur cette norme ? Seules les personnes pensant comme il faut, n’ayant pas d’idée dangereuse, ne compromettant pas le consensus, ne remettant pas en question l’ordre établi, seraient autorisées à faire partie de la société, les autres seraient contraintes à un exil, à un isolement forcé ?

En gros, vouloir un réseau de communications entièrement fiable et sécurisé, empêchant toute interception de communication, et dans lequel il y a des garanties que le message est bien délivré à son seul destinataire, reviens à créer des réseaux soit déconnectés les uns des autres, soit inutilisables par des personnes non encore connectées au réseau, ou ne pouvant pas se permettre une connexion. Cela reviens à créer une élite qui seule décide de qui accède au réseau et comment.“

L’espionnage massif de la population n’est pas un problème technique.

"Les manifestants et activistes du monde entier utilisent des outils non sûr pour communiquer, mais ils communiquent et s’organisent quand même – peu importe qu’ils aillent en taule. Le problème ce n’est pas tellement de les protéger, ils prennent de toutes façon des risques monstrueux.

Le problème c’est de combattre les mèmes de la sécurité, de la peur, de l’espionnage. Et ce n’est pas avec plus de sécurité qu’on y arrivera. IL suffit de voir les différents ratage de la surveillance. Si on attrape pas telle personne en dépit des caméras de surveillance, c’est qu’il n’y en a pas suffisamment, il faut en rajouter, ce n’est pas parce que le système est inefficace.”

Le problème est politque, rappelle Okhin et ne se réglera que par une ou plusieurs solution politique. “Il faut arrêter de défendre nos droits sur internet, il faut défendre nos droits tout court”. Et d’en appeler aux hackers d’aller vers les militants. 

“Nous n’avons pas pour but d’être le centre de support des activistes. Et ils n’en ont pas besoin. En revanche nous savons tous qu’internet est fondamental pour la liberté d’expression, de communication et d’organisation. Nous savons tous que cet outil social peut transcender les frontières, les différences de classe, de langue, d’origine, de religion et autres pour construire de belle choses.

Et c’est notre devoir à nous, utilisacteurs d’internet, hacker ou pas, barbus ou pas, hipster, geeks, nerds ou pas de défendre cet outil. Et c’est notre devoir à nous en tant qu’être humains de défendre nos droits, et cela ne peut se faire qu’en défendant les droits de tout le monde. Avec tout le monde.”

Le risque sinon est d’entrer en guerre contre des états et des entreprises paranoïaques qui ont des moyens que les hackers n’auront jamais. C’est les entreprises de sécurité qui profitent le plus des révélations d’Edward Snowden. Et les hackers sont devenus ceux qui parlent le plus de sécurité. “Il faut de la sécurité pour avoir une vie privée disons nous. Il faut plus de sécurité pour se protéger de l’espionnage massif des états. Il faut plus de sécurité pour se protéger des botnets chinois. Il faut plus de sécurité… Toujours plus de sécurité… Tout en sachant que cette sécurité est impossible à atteindre.” Le risque est de faire le lit de la peur, des Etats et des entreprises qui ne cherchent qu’à vendre toujours de sécurité et de peur.

“Utiliser les mèmes de la sécurité et de la guerre au sein de notre communauté, c’est devenir paranoïaque. C’est refuser que quiconque, peu importe son bagage technique, ses origines culturelles, ses connaissances du monde, puisse venir nous parler si elle n’a pas été validée par une chaine de confiance reconnue. 

(…) "Croire qu’il y aura un éveil massif de la population et que tout le monde sera capable d’utiliser un terminal afin de chiffrer des mails à grand coup de ‘gpg –armor -e -r 0x00513947’ c’est se mettre le doigt dans l’œil. Profond. Cette prise de conscience massive n’arrivera pas. Et vous savez pourquoi ? Parce que nous sommes suffisant. Parce que nous pensons que nos combats sont plus important que les autres. Parce que nous pensons qu’il est plus important de pouvoir chiffrer ses mails en toute confiance que de défendre les droits des femmes, des minorités, des queers. Que nous pensons que l’espionnage massif de la NSA est plus important que le changement climatique et que toutes celles et ceux qui ne sont pas d’accord avec nous ne sont que des fous dangereux inconscients qui remettent en question nos libertés.”

(…) Ce qu’il nous faut c’est arrêter de nous comporter en sociopathe. Nous nous plaignons tellement des gens qui ne reverse pas au Libre, mais nous que reversons nous aux autres ?

(…) Si nous voulons changer le monde – et en tant que partie du monde nous nous devons de le faire – ce n’est pas avec de nouveaux logiciels ou protocoles que nous le ferons. 

C’est en appliquant à nos structures sociales, nos communautés, les mêmes principes que ceux qui permettent à internet de fonctionner. Gratuité d’accès, facilité d’accès, ouverture à tous, confiance par défaut. Donc de s’ouvrir.“

(…) Internet n’est pas un territoire, c’est une somme de conscience collective.”

(…) Il est peut-être temps d’arrêter de se comporter en nerds sociopathes, et de commencer à se comporter en activistes. Parce que les activistes de terrain ne nous attendrons pas. Ils refont déjà le monde, avec ou sans crypto de la mort. Avec ou sans sécurité. C’est quelque chose que vous ne pouvez pas empêcher, que ce soit au Bahrein, en Espagne, aux États Unis ou en Ukraine, des activistes sont arrêtés et torturés, peu importe qu’ils aient ou non utilisés des outils de chiffrement fort.

Ce qui est sûr en revanche c’est que le territoire dans lequel vous vivez, est défendu par des personnes que vous feriez bien de rencontrer. Parce qu’elle changent le monde et ne vous attendrons pas. Si vous ne voulez pas vous retrouvez limité à un rôle de barbu grincheux, de geek associal, de nerd nihiliste, de hipster branchouille, il serait peut-être temps de s’y mettre, d’inclure tout celleux qui veulent venir, et d’aller voir les autres.“

Stimulant !

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