Le réconfort de l’oubli – The New Yorker

Dans un long et passionnant article pour le New Yorker, Jeffrey Toobin revient sur le droit à l’oubli imposé à Google par la Cour européenne de justice. Il montre combien cette décision n’aurait pas été possible aux Etats-Unis où la liberté d’expression est première, devant le respect de la vie privée. Pourtant, bien des américains souffrent de l’accès à des informations personnelles. 60 à 100 millions de personnes aux Etats-Unis ont un casier judiciaire et leurs conséquences sont onéreuses pour eux, notamment en raison de l’accès à ces informations en ligne. Aux Etats-Unis, le meilleur moyen pour combattre la liberté d’information repose sur la propriété de l’information et le respect du droit d’auteur, qui est l’action la plus efficace pour faire disparaître des contenus des moteurs qui les référencent. Le droit à l’oubli est-il un moyen de rendre de la dignité aux gens ? “Si Sony ou Disney veulent faire retirer 50 000 vidéos de Youtube, Google les supprime sans poser de questions. Si votre fille est surprise en train d’embrasser quelqu’un vie un téléphone mobile, vous n’avez aucun recours !”

Toobin revient sur l’origine de la loi européenne (notamment sur le rôle de Viktor Mayer-Schönberger) et détaille le travail réalisé par Google pour l’appliquer et les nombreuses controverses qui ont émaillés le tri et la censure effectuée par les juristes et les programmes de Google, nécessairement soumise à interprétation. Pour Jennifer Granick de Stanford, l’application du droit à l’oubli marque le début de la balkanisation du net, où chaque pays souhaite des règles pour que l’internet réponde à ses propres lois. Que se passera-t-il si demain chacun créé son propre droit à l’oubli ? Est-ce que ce sera une manière de démanteler l’ogre de l’information, de le nationaliser, de le balkaniser ? 

Sur cette question qui soulève finalement plus d’interrogation que de solutions, Google organise lui-même le débat, rapporte Libération en revenant sur l’audition d’experts qu’organisait Google à Paris. Le risque est bien sûr l’instrumentalisation du droit à l’oubli, permettant à chacun de réécrire l’histoire. Reste que “plus le sujet du droit à l’oubli est creusé, et plus s’étend le gouffre vertigineux des points cruciaux qui ne sont pas tranchés, des aspects auxquels on n’avait pas pensé, des conséquences dont on n’a pas encore mesuré l’ampleur.” Google est-il légitime pour organiser le débat et édicter des recommandations sur l’application d’une décision de justice dont il est l’objet ? 

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