Peut-on à la fois combattre l’isolement numérique des populations les plus pauvres du monde, gagner de l’argent et innover en matière technologique ? C’est le pari que tentent de relever plusieurs projets et entreprises. Avec quel succès ? Cela reste à voir.
Dans les villages situés autour de Ratanakiri (Cambodge), Los Santos (Costa Rica) et Kigali (Rwanda), le postier numérique passe une fois par jour. L’école, le dispensaire ou la mairie sont équipés de PC en accès public. A chaque passage, le postier relève les courriels, délivre ceux qu’il a reçus, enregistre quelques requêtes à transmettre sur le web – et repart continuer sa tournée. Les PC et le camion, le bus ou la motocyclette du « motoman » sont équipés d’antennes Wi-Fi qui leur permettent d’échanger d’information. Chaque soir, ils retournent à leur port d’attache, généralement équipé d’un accès internet satellitaire, pour établir en différé les connexions internet de leurs utilisateurs. Le système technique, dénommé Daknet, développé par la société américaine First Mile Solutions, est désormais rodé et peut être installé par des entrepreneurs locaux désireux d’en tirer un profit – partagé avec l’opérateur créé par First Mile Solutions, United Village Inc. Outre la connexion Wi-Fi, il comprend notamment un système de messagerie vocale en différé, qui permet de parler « au téléphone » et en différé à des amis distants, même si le village n’est pas raccordé, et à un coût très inférieur à celui d’une conversation téléphonique. Dans certains cas, le véhicule du « postier » est équipé d’une antenne satellite et autorise, à chaque passage, de brèves sessions interactives sur le web.
Petite inquiétude, cependant : tous les projets présentés ressemblent encore à démonstrations. La première expérimentation de Daknet, en Inde, semble interrompue et on n’en trouve plus trace sur le web. Le site web de Ratanakiri ressemble plus à une plaquette touristique qu’à la démonstration d’un projet de développement durable. Et si le nom du projet de Los Santos (Los-Santos.net) évoque un nom de domaine, celui-ci est pour l’instant réservé, mais non opérationnel…
Plus proche de la recherche, le projet ict4b (Information and Communication Technology for Billions, littéralement : « Technologies de l’information et de la communication pour des milliards (d’individus) ») se fixe pour objectif de « créer une infrastructure matérielle et logicielle explicitement conçue en fonction des réalités physiques, politiques et économiques des pays en développement ».
Cette infrastructure reposerait en particulier sur plusieurs fondements innovants – et sans doute réutilisables ailleurs, tels que :
- Des réseaux sans-fil, fondés sur un usage « extrême » de la technologie Wi-Fi, en étendant la portée des antennes jusqu’à 80 km et en organisant le réseau de manière à ce qu’en cas de panne, les données échangées demeurent stockées sur des noeuds intermédiaires et ne soient jamais perdues ;
- Une puce de reconnaissance vocale, peu coûteuse et peu consommatrice en énergie, qui peut permettre à des utilisateurs illettrés de piloter un ordinateur ou un assistant personnel et de dialoguer avec une application en ligne ;
- Des petits écrans plats de 3 à 5 pouces, produits en rouleaux par des imprimantes à jet d’encre.
Lancé par Intel avec le soutien de la National Science Foundation, porté par une équipe de l’Université de Californie à Berkeley, soutenu par de grands acteurs tels que le Pnud, HP ou Microsoft, le projet ict4b semble toutefois avoir du mal à trouver ses marques, du moins si l’on en juge par l’état du site web principal et de sa présence sur les moteurs de recherche.
(via The Feature)
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Les grandes expériences annoncées avec entrain, tambours et trompettes par de grandes organisations (ict4b en étant l’exemple le plus typique) et publicisées sans discernement par les médias sont comme de grands arbres stériles qui cachent dans l’ombre de leur immense frondaison marketing de frêles pousses potentiellement bien plus fertiles.
Voir par exemple le travail mené par l’organisation américaine Jhai Foundation au Laos, en particulier dans le domaine de l’accès aux technologies et, surtout, de leur appropriation par la population locale.