Comment le Wi-Fi nous rend vulnérables

Le Wi-Fi a mal vieilli, explique la journaliste Ava Kofman (@eyywa) pour Real Life. Si nous sommes de plus en plus conscients de la surveillance dont nous sommes l’objet quand nous naviguons sur le web ou que nous utilisons nos smartphones, nous avons tendance à oublier que c’est également le cas lorsque nous utilisons une connexion Wi-Fi pour nous connecter. Il faut dire que quand le protocole Wi-Fi a été adopté, en 1997, nul n’imaginait que toutes nos connexions et tous nos objets l’utiliseraient.

Les failles et limites du protocole sont nombreuses et documentées. Nombre d’artistes les ont illustrées, comme le Wifi Data Safari de Brannon Drosey et Nick Briz ou Astro Noise de Surya Mattu qui montrent les transmissions non chiffrées qui transitent par les ondes. Ou encore le Wi-Fi Whisperer de Kyle McDonald, un petit robot qui murmure les activités qu’il écoute à voix basse tout comme Snoopi de Jiashan Wu. On pourrait ajouter à cette liste, le dispositif Hommes en gris de Danja Vasiliev et Julian Oliver…

Nous laissons tous des traces quand nous nous déplaçons : nos ordinateurs envoient en permanence leur identité aux réseaux Wi-Fi environnants pour trouver un réseau auquel il s’est déjà connecté. En échange, il est donc possible d’obtenir l’identité unique de l’ordinateur, du smartphone ou du dispositif qui cherche à se connecter, et surtout la liste des réseaux Wi-Fi auxquels il s’est déjà connecté. En structurant les requêtes, il est donc facile de demander l’historique de connexion et d’en déduire les lieux d’où le dispositif se connecte le plus souvent ! Autant d’informations extrêmement personnelles dont le marketing raffole ! Les noms des réseaux Wi-Fi que vos appareils gardent en mémoire indiquent ainsi très facilement quels endroits vous fréquentez (hôtels, universités, entreprises, conférences…) ce qui peut en dire long sur qui vous êtes et ce que vous préférez, surtout quand on dispose d’une liste des réseaux Wi-Fi existants pour réattribuer leurs noms à des emplacements, à l’image des 500 millions de réseaux sans fil collectés par Wigle.net (qui ne sont qu’une partie de ceux que collectent en permanence votre ordinateur ou votre téléphone).

L’Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l’information rappelait les risques liés au protocole Wi-Fi notamment que la collecte des réseaux Wi-Fi enregistrés sur nos appareils pouvait être utilisée pour relier des personnes entre elles en comparant les noms des points d’accès qu’ils utilisent ou encore de suivre les déplacements d’un appareil, comme un GPS, selon les requêtes qu’il envoie pour se connecter à un réseau et la force du signal qu’il émet.

Pour les artistes Dorsey et Briz, « les gens ne savent pas comment fonctionne la technologie, c’est pourquoi personne ne songe à exiger un meilleur moyen de se connecter ». En l’absence de pression publique, il y a peu d’incitations à proposer de meilleurs protocoles de connexion ! La commodité l’emporte toujours sur la vie privée. « Déjà qu’il est difficile de convaincre les gens de boycotter les géants de la technologie, il est encore plus difficile d’imaginer un soulèvement contre le Wi-Fi ! »

Des solutions s’esquissent. Des experts travaillent à reconcevoir un protocole sans fil qui soit « privacy by design », notamment en proposant de générer des adresses aléatoires pour nos dispositifs numériques… D’autres proposent des techniques d’obfuscation – comme Shenanigans.io imaginé par l’artiste David Rueter – pour ajouter du bruit aux requêtes auxquels répondent nos terminaux en générant de fausses adresses de réseaux auxquels ils se seraient connectés.

En attendant, la seule solution qu’il nous reste est de couper notre Wi-Fi quand nous ne sommes pas connectés à un réseau connu. Il existe pour cela quelques applications, comme Smart Wi-Fi Toggle. Reste à se demander pourquoi ces fonctionnalités ne sont toujours pas activées par défaut pour gérer votre connexion sans fil…

À lire aussi sur internetactu.net