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Echange ou distribution : au coeur du débat

Pour éviter que les hauts débits ne fondent leur croissance sur la destruction de valeur dans les industries de contenus, il faut taxer les débits remontants : c’est, comme nous l’écrivions il y a quelques semaines, l’analyse que font les auteurs de l’étude Contango sur « Les enjeux économiques de la distribution de contenus ». Une nouvelle note (1) décrit par le menu les bénéfices et les conditions de mise en oeuvre de la mesure recommandée par l’étude. Elle présente l’avantage de nous mener au coeur du débat.

Rappelons le raisonnement sur lequel se fonde l’étude. En facilitant la distribution de copies parfaites, la numérisation et le développement des réseaux détruit l’économie de la création. Cette destruction fait partie des facteurs qui attirent les consommateurs vers le haut débit, dont elle subventionne en quelque sorte la croissance. Les mesures techniques (DRM) et judiciaires (poursuite des utilisateurs) comportant des inconvénients notables, la réponse la plus efficace et la plus économiquement vertueuse consiste à tarifer les communications montantes, les données émises par les utilisateurs de l’internet.

Il ne s’agit pas, insistent les auteurs, d’une taxe, mais d’un prix qui serait perçu par les fournisseurs d’accès. L’objectif est de contraindre – par la loi – le système de prix à envoyer les bons signaux au marché, à décourager l’échange et encourager la distribution payante en ligne.

Nous signalions dans l’édito du 27 janvier les principales faiblesses de cette étude : surestimation massive du « transfert d’utilité » des contenus vers l’accès, sous-estimation des facteurs endogènes de la baisse des ventes de musique (fin d’un cycle de croissance du secteur, concurrence d’autres médias, insatisfaction des consommateurs… voir « P2P et musique : quelques approches alternatives« ).

Mais le coeur du débat est ailleurs : pourquoi, au juste, veut-on développer l’internet ? Pourquoi tous les pays, des plus pauvres aux plus riches, en font-ils un objectif politique majeur ? Est-ce vraiment parce que nous avons besoin d’un nouveau réseau de distribution de contenus et de services ? Ou bien s’agit-il de doter la « société de la connaissance » d’une infrastructure destinée à faciliter l’échange, la circulation, la coopération, la création et l’innovation ?

Le choix de l’équipe Contango est clair. Présentant son travail le 1er mars, le directeur de l’étude Olivier Bomsel déclarait :  » La distribution doit être favorisée par rapport à l’échange. L’objectif est de protéger la propriété de la destruction. Il convient de ne pas transformer les biens privés en biens publics (…) C’est une décision d’ordre public et industriel. »

En suivant les auteurs, on présentera également le choix en termes économiques : quelles « externalités » des réseaux considère-t-on comme les plus importantes, d’un point de vue quantitatif et philosophique : le développement de la communication et des échanges (y compris économiques), ou la bonne santé de l’économie actuelle de la création culturelle ?

Le débat est bien posé – c’est le mérite de l’étude. En revanche, la vision des auteurs paraît singulièrement unilatérale. A les lire, l’innovation et la création légitimes ne peuvent provenir que des entreprises culturelles et des grands acteurs installés des télécoms. Que l’évolution des techniques et l’innovation de service associée puisse remettre en question les frontières et modèles traditionnels (2), ne semble pas entrer dans leur cadre d’analyse. Que l’innovation sur l’internet soit presque toujours venue d’ailleurs, d’en-dessous du radar des grands acteurs, ne les trouble pas.

Globalement, pour l’étude – qui traduit sans doute un sentiment largement répandu dans certains secteurs – il ne peut guère y avoir de très bonnes raisons pour les utilisateurs d’émettre des données sur les réseaux. Tout juste la note concède-t-elle des  » exemptions dérogatoires  » en faveur de la communication privée, avant de préciser qu’elles s’appliquent uniquement  » si [les fournisseurs d’accès] s’engagent à contrôler la licéité des échanges  » (s’agit-il alors de communication privée ?) et si ces services sont clairement recensés dans un catalogue qui ne saurait être offert que par les fournisseurs d’accès. Quid, alors, des services indépendants de webmail, de téléphonie, de visiophonie, de messagerie instantanée ?…

Proposons donc une première liste (à compléter dans le forum lié à cet article !) d’usages « remontants » assez incontestables et qui ne relèvent pas de la communication privée : la télé-santé et le maintien à domicile ; les webcams et la télésurveillance ; le télé-enseignement ; la démocratie électronique participative ; les sites web hébergés sur des machines privées (et demain, associés à toutes sortes d’objets) ; les échanges professionnels entre PME ou indépendants abonnés à des accès grand public ; le travail coopératif ; les oeuvres que leurs auteurs ne souhaitent délibérément pas protéger ; les services d’impression de photos numériques ; les jeux en réseau…

En résumé, taxer le débit montant est une proposition centrée sur les problèmes du jour que rencontrent les industries culturelles (et qu’il ne s’agit aucunement de nier), dont le coût social et économique sera sans commune mesure avec ses avantages supposés.

Mais au fond, là n’est pas la question. Ce dont il s’agit dans cette proposition – qui présente l’intérêt d’exposer au grand jour un débat qui n’est pas neuf – est simplement de défaire tout ce qui fait de l’internet un réseau différent de ceux qui l’ont précédé, tout ce qui explique son incroyable développement depuis 20 ans, tout ce qui en fait le formidable support d’innovation qu’il est aujourd’hui. Pourquoi pas ? Le débat n’est pas illégitime, même si l’on pouvait penser l’avoir dépassé. Souhaitons néanmoins que l’appel des auteurs à une « décision rapide » n’incite pas des législateurs pressés (dans tous les sens du terme) à prendre des mesures qu’ils regretteraient bien vite (3).

(1) Olivier Bomsel et Gilles Le Blanc, « Distribution de contenus sur Internet – Analyse économique des remèdes au contournement des droits de propriété intellectuelle » (.pdf)
Site de l’étude Contango

(2) Par exemple, la tarification téléphonique à l’appel, ou les différences entre communications fixes et mobiles – les auteurs développent la thèse un peu étrange selon laquelle le renchérissement de l’internet fixe serait nécessaire au développement de l’Umts…

(3) Le récent rapport du Committee for Economic Development, organisme américain, développe longuement ce risque :  » Les législateurs et les acteurs doivent réaliser que des lois et des règles conçues dans l’urgence pourraient avoir des conséquences inattendues et ralentir le rythme d’innovation et de croissance économique (…) La priorité doit être donnée à la recherche et l’expérimentation de nouveaux modèles d’affaires pour les entreprises de contenu . »

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