Les limites des objets pour le changement social – Forbes

Michael Zakaras d’Ashoka, une ONG spécialisée dans l’innovation sociale, livre pour Forbes une intéressante tribune sur les limites de l’innovation sociale.  

Les objets, des téléphones mobiles, aux aliments protéinés pour lutter contre la malnutrition, sont de plus en plus utilisés pour le changement social. “Le paysage de l’innovation sociale est devenu tellement dominé par les objets, que nous avons perdu de vue leurs lacunes”. Les objets reposent sur une promesse très simple. “Si on fourni 10 000 moustiquaires à des familles en Tanzanie, cela va avoir un impact instantané. Si nous pouvons en livrer 12 000 l’année suivante, c’est un progrès. Cette histoire est facile à raconter. Facile à mesurer. En d’autres termes, elle est un rêve pour les ONG." 

"Le problème est que la solution rapide promise par les produits masque souvent la complexité du changement social. Ils offrent un soulagement temporaire à des symptômes de problèmes plus profonds plutôt que des solutions permanentes. Ils nous donnent l’illusion du progrès social, sans avoir à affronter la complexité qui maintient le statu quo." 

Zakaras évoque ainsi le problème des caméras de corps des policiers américains (voir notre article : "Les caméras pour policiers sont-elles une solution ?”). Il y rappelle, comme nous le faisions, l’absence de preuve que les caméras de corps aident les citoyens, et surtout que cette conversation sur leur utilité rend plus difficile celle sur l’inégalité raciale et le racisme de la police américaine. 

Comme le disait Mark Twain : “Pour un homme avec un marteau, tout ressemble à un clou”.

Notre solutionnisme déforme notre façon de diagnostiquer les problèmes sociaux. Soit il nous empêche de voir le problème, soit il le simplifie jusqu’à ce qu’on y réponde par des solutions adaptées. Zakaras évoque ainsi la réforme de l’éducation à Los Angeles où le district a dépensé des milliards de dollars pour équiper les élèves d’iPad, alors que les études pointent toute l’importance de la qualité d’enseignement plutôt que sur celle de la technologie (Cf. “Dans la salle de classe du futur, les résultats ne progressent pas”). Les entrepreneurs sociaux sont sympathiques, leurs business modèles sont créatifs, “mais ils ont tendance à simplifier à l’excès de gros problèmes”. Leurs idées souffrent de “gradualisme”, c’est-à-dire qu’elles abordent les problèmes sociaux par les bords, plutôt que de s’attaquer à ce qui creuse les inégalités, ce qui érode les libertés civiles, consolide le pouvoir politique ou favorise la durabilité… Pour Zakaras cela ne signifie pas que la technologie et les objets doivent être mis de côtés, mais nous devrions reconnaître leurs limites dans les changements structurels à long terme.  

Quand on cherche à résoudre un problème social, il vaut mieux supposer que le problème est beaucoup plus compliqué. C’est une leçon d’humilité qui devrait conduire les innovateurs sociaux à être plus patients et à privilégier l’investissement dans le changement systémique plutôt que dans le gadget, le temps long sur le jeu court. 

Un propos à rapprocher de celui de Michael Hobbs sur les limites de la philanthropie que nous évoquions récemment

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