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L’édition électronique scientifique

Nous sommes heureux de vous présenter le troisième numéro « hors série » d’Internet Actu nouvelle génération.

Après vous avoir emmenés au coeur des pages persos (http://www.fing.org/index.php?num=4859,2) avec Valérie Beaudouin de France Télécom R&D, nous avons souhaité nous attarder sur l’édition électronique scientifique. La question pourrait paraître ne concerner qu’une frange de la société de l’information. Pourtant, l’exigence à la fois technique, économique et scientifique à laquelle doit répondre cette édition électronique, peut certainement éclairer bien d’autres pratiques.

Pour traiter ce sujet, nous avons invité Marin Dacos, le fondateur de Revues.org, une fédération de revues scientifiques électroniques qui depuis 1999 trace une voie originale dans le paysage complexe des revues, où l’on trouve à la fois éditeurs commerciaux, initiatives universitaires et plus, encore tentatives éparses et isolées de mises en ligne de contenus scientifiques. Nous avons souhaité accompagner son interview d’un dossier pour l’introduire et expliquer, rapidement, l’historique, les enjeux et l’état de l’art de l’édition électronique scientifique.

Bonne lecture.

Pour notre part, nous prenons quelques vacances méritées et vous donnons rendez-vous au jeudi 26 août.

Hubert Guillaud et la rédaction d’Internet Actu nouvelle génération

Des modèles sans repères

L’atout des NAN (Neighborhood Area Networks ou réseaux de voisinage sans fil), n’est pas que technique, comme nous l’expliquent Cyril Fiévet et Jean-Michel Cornu dans notre dossier de cette semaine. La promesse des réseaux Mesh et ad hoc ne consiste pas seulement à diminuer les coûts d’infrastructure ou à faciliter la mise en réseau, sans fil et sans couture. Il réside plutôt dans la manière dont ces réseaux contribuent à restructurer les échanges sur un modèle distribué plutôt que centralisé.

Sacrée gageure pour une technologie que de proposer un modèle d’échange qui soit aussi éloigné, voire opposé au modèle dominant, qui ne soit pas pyramidal, qui ne s’organise autour d’aucun repère – ou plutôt, autour de tellement de repères qu’aucun n’apparaît plus remarquable qu’un autre. La décentralisation à l’extrême que promettent les réseaux de voisinage annonce non seulement de nouvelles plates-formes techniques et applicatives, mais plus encore de nouvelles plates-formes d’usages où chacun est un point d’accès, un maillon de la grille, un élément du réseau.

Bien sûr, les technologies ne changent pas le monde. Ce n’est pas demain que disparaîtront les réseaux et projets centralisés. Ceux-ci peuvent avoir de nombreuses raisons d’être, pour autant qu’ils soient vraiment adaptés aux buts et aux intérêts qu’ils servent. D’ailleurs, en attendant qu’on s’acclimate à ces nouveaux modes d’organisation, les projets centralisés sont bien rassurants. Ils épousent nos modes de pensées, la façon dont nous structurons la plupart de nos rapports aux autres et aux choses. Ils épousent notre mode d’organisation cognitif qui nous pousse à catégoriser, ranger, arborer. Ils ne demandent ni effort de participation, ni effort d’imagination pour se les approprier. Ils s’utilisent, souvent bien d’ailleurs.

Les technologies distribuées, les usages fédérés, les applications décentralisées sont encore loin de s’utiliser avec autant de facilité. Ils nécessitent bien souvent de sortir des sentiers battus, de faire des efforts pour penser les choses « autrement » : il n’y a plus de point d’eau, de service unique autour duquel tout le monde vient s’abreuver. Bien sûr, ils nous interrogent avec force sur les systèmes d’identification et de gestion de droits car ils nécessitent de gérer une très large gamme d’autorisation et d’interdiction. Ils requièrent de faire une place aux différences, aux individualités, aux passerelles. Ils nous obligent à prendre en compte l’altérité et à nous adapter. Et puis surtout, ils permettent à chacun de donner de la voix. Ca n’organise pas pour autant le débat, mais ça permet peut-être d’entendre tout le monde.

Hubert Guillaud

Le Bien commun à la croisée des enjeux sociétaux, économiques et technologiques

Deux jours de travaux de l’Université de printemps de la Fing permettent d’enrichir notre compréhension du sujet que nous nous étions assigné ; mais certainement pas de l’épuiser. Revenons, pour commencer, sur cet exercice collectif (dont chacun peut consulter les traces en vidéo et les premières productions textuelles). La première difficulté, stimulante, en est la nécessité de confronter les spécialités, de se prêter aux approches les plus abstraites, voire les plus érudites, comme aux illustrations les plus concrètes, de manier des notions juridiques, des théories économiques, tout en parlant de politiques publiques, d’appropriation sociale, d’investissements en recherche et développement ou en infrastructures, mais aussi de consortiums de standards, de communautés de développement libre, de copublication sur wiki, et sans que rien de tout cela puisse être mis à l’écart. Ce travail de déspécialisation, d’universalité, est au cœur de notre sujet : un exercice d’intégrité, c’est-à-dire d’entièreté, s’impose, si l’on considère qu’aucun des champs abordés n’est dissociable des autres, et que la segmentation de ces domaines en dilue le sens. Ainsi les questions de vocabulaire sont-elles particulièrement présentes dans ces travaux, à commencer par la différence établie entre « le » Bien (commun, public, collectif), horizon convergent des sociétés humaines, et « les » biens (publics, publics mondiaux, privés, collectifs), partageables, vendables, ou « impayables », inaliénables.

Concrètement, au-delà des idées générales, voire généreuses, que peuvent retenir de ces travaux les acteurs économiques, technologiques et collectifs ? Au-delà de l’échange d’idées, nous sommes confrontés à quelques questions urgentes, et qui viennent précisément du terrain, des praticiens : celle de la dynamique économique, celle de l’innovation technologique, celle de l’appropriation sociale, celle de la gouvernance du réseau. Les innovateurs, par exemple, ne travaillent pas seulement pour repousser les limites de la technique, ni pour faire du neuf, mais du « meilleur », et pour cela ils ont besoin d’avoir un meilleur accès à la recherche, à l’investissement et au marché. Des passerelles, un langage commun, un terreau fertile, c’est de cela qu’il s’agit. Les standards ouverts et l’interopérabilité encouragent leurs efforts. Les menaces sur la cohésion de l’internet, les freins à son appropriation, les manœuvres pour établir ou rétablir l’emprise d’acteurs dominants ou d’oligopoles sur les réseaux, les applications, les œuvres de l’esprit ou les outils d’échange, tout cela va à rebours de la communauté de développement qui fait aujourd’hui ses preuves dans les standards et le logiciels et qui semble inspirer un modèle de coproduction de notre avenir commun.

Prises au piège du court terme, de la financiarisation et de la publication trimestrielle des résultats, nombreuses sont les entreprises (SSII, opérateurs, entreprises de services, industriels,…) qui n’ont pas les moyens de l’avenir, qui brûlent leurs vaisseaux pour assurer le présent immédiat ; en peu d’années, la casse est considérable, et l’absorption des acteurs les plus fertiles et les plus dynamiques par les plus puissants n’est pas toujours fructueuse : le passage de l’opportunisme au long terme apparaît de plus en plus comme une nécessité économique et sociale.

Confrontées à l’effet de polarisation des réseaux vers les grands centres urbains, les collectivités territoriales engagent, non sans inquiétude, un effort d’investissement dans leurs infrastructures de boucle locale et leur raccordement aux grandes dorsales. A minima, elles améliorent les conditions de la concurrence et répondent aux besoins les plus urgents, dans une démarche défensive, de survie ; les exemples les plus réussis vont plus loin, développant à l’intérieur de leurs « premiers kilomètres » un contexte d’appropriation et d’échange propice au développement local, donnant de meilleures armes aux acteurs de l’éducation ou de la solidarité comme aux industries, dans une vision rénovée des services publics. Les politiques de développement économique territorial trouvent leurs formes, à l’ère de la coopétition, avec le développement, entre autres, des clusters.

Face aux lignes de fracture et d’exclusion de nos sociétés, le prisme du Bien commun renforce les approches fondées sur l’appropriation active plutôt que celles, binaires, normatives et peu fertiles, de l’« accès », plutôt qu’une logique de l’offre à laquelle il faudrait s’adapter, une impérieuse mutation de société qui aurait ses retardataires. Stimuler la participation, et non seulement la consommation, c’est une modalité qui peut trouver un nouveau souffle, dans le champ de la cité et de la démocratie comme dans celui de l’éducation et de la connaissance, et bien d’autres.

La question de la « gouvernance », enfin, commence à s’évader des cercles spécialisés pour être mise en partage. Le Sommet mondial de la société de l’information de Genève en décembre 2003 a montré les écueils de l’implication des Etats dans l’avenir de l’internet, et les limites de la participation (restreinte et peu représentative) de la « société civile », mais au moins a-t-il eu le mérite d’enclencher un processus à l’échelle du globe, avec une prochaine échéance proche, celle de novembre 2005. D’ici là des questions s’ouvrent, comme celle de la part inaliénable de l’internet et de l’intérêt de la notion de « bien public mondial », et celle de la consolidation d’une gouvernance qui pallie, dans un contexte de fortes tensions entre acteurs, l’absence de « gouvernement » du réseau.

Si l’on peut assigner à l’idée (on ne peut plus générale) de Bien commun une utilité précise, ce serait probablement de ne pas se contenter de nos schizophrénies, de ne pas se résoudre au plus petit dénominateur commun (entre intérêt public et intérêts privés, entre l’économique et le social, entre le citoyen et le consommateur, entre pays riches et pays pauvres,…), et d’en relever chaque jour et constamment le seuil, dans les représentations comme dans les actes.

Les travaux de l’upfing sont en ligne, ouverts aux contributions sous forme d’articles et de commentaires. Le chantier que nous avons ouvert s’achèvera en septembre par une nouvelle journée de rencontre, et donnera lieu à publication.

Jacques-François Marchandise

Bien commun : moteur du développement pérenne de l’internet

Construction mondiale unique, rassemblant des acteurs hétérogènes en taille et en nature, sans réel cadre institutionnel, l’internet des pionniers change de nature dès lors qu’il se généralise et devient l’infrastructure générique des communications. Outre les données, produites et consommées, ce sont maintenant le téléphone et la télévision qui sont transportés, et au-delà, un ensemble de télécommunications domestiques ou industrielles qui n’entrent pas dans les radars de Google et ne poseront pas de problèmes de droits d’auteur.

Ce changement rapide d’échelle et d’enjeux attise les rapports de forces qui ont toujours été à l’œuvre ; et dans une vision pessimiste, on peut craindre que les intérêts qui convergent aujourd’hui pour rendre l’internet possible s’affrontent demain.

Amorcée dans l’ombre, à la faveur de la libéralisation des télécoms, la course à la maîtrise des infrastructures bat son plein, redistribuant les rôles entre opérateurs classiques et alternatifs et acteurs publics. Dans le champ de la connaissance et de la création, les modèles économiques s’affrontent sur fond de mutation rapide des industries du divertissement et de l’information. La course au haut débit, qui tire la croissance du réseau, mêle à plaisir les arguments consuméristes et ceux de l’aménagement du territoire.

Parmi les mille et une promesses de l’internet (société de l’information, société des citoyens en réseaux, plateforme commerciale mondiale, …), la continuité des dispositifs techniques sur la base des standards ouverts est probablement la plus héroïque et la plus concrète par les possibilités offertes à tous. Aujourd’hui il faut une vigilance de tous les instants pour que les standards ouverts ne soient pas supplantés par les standards de fait de tel ou tel acteur dominant, pour que la fertilité logicielle ne soit pas confisquée par la brevetabilité, pour que la version 6 du protocole internet (IPv6) permette une large distribution des adresses malgré les freins géopolitiques et industriels à sa mise en place, pour que les passerelles établies avec les opérateurs mobiles et d’autres propriétaires de réseaux et de données ne transforment pas la continuité du Net en une multitude de jardins clos que l’on traverserait de péages en octrois.

Au-delà du consensus technique, les visions utopiques ont été le carburant du développement du réseau, construction politique étonnante fondée sans les Etats, lieu de la réinvention de nombreuses formes collectives (des « communautés » aux forums ou aux projets collaboratifs) et de nouvelles contractualisations sociales. Sa place devient exorbitante, il est maintenant un fait de civilisation, ancré dans les pratiques, et qui fait défaut à ceux qui ne peuvent en être ; il accueille en son sein les places de marché, en même temps qu’il définit un « espace public » ; il est, parfois abusivement, le cadre et le levier de toutes les innovations, celles du commerce, de l’administration, de l’éducation ou du développement territorial.

Pour qu’il devienne un facteur de civilisation, il nous faut aujourd’hui prendre explicitement en compte le Bien commun, c’est-à-dire la vision de l’intérêt général qui sublime les intérêts particuliers. C’est cette notion qui fait de la Toile une maison commune pour les collectifs informels, les entreprises commerciales, les esprits libres et les acteurs publics. Parce que nous sommes tour à tour citoyen, consommateur, éducateur, administré ou travailleur ; cette vision partagée du Bien commun est probablement le moteur du développement pérenne de l’internet.

Jacques-François Marchandise

« Le bien commun à l’épreuve du développement numérique » est le thème de l’Université de printemps de la Fing, qui se tient à Aix en Provence du 5 (soir) au 7 mai 2004. Jacques-François Marchandise en est le responsable du programme.
Programme et inscription : http://www.fing.org/universite

Ce qu’est véritablement la Fing !

« La Fing est un projet collectif et ouvert de veille, de recherche-développement et d’expérimentation dont l’objet (…) » : voilà un couplet que nombre d’assidus d’Internet Actu nouvelle génération et du site de la Fing ont le loisir de retrouver régulièrement en dernière page du dossier de presse d’un évènement ou autre document d’adhésion. Vous croyiez bien connaître l’Association pour la Fondation Internet nouvelle génération ? En ce premier numéro d’avril 2004, l’heure est aux révélations.
En surfant sur http://www.fing.co.jp, force est de constater que la Fing n’est pas un projet aussi ouvert que l’on veut bien le croire puisqu’elle utilise parfois un langage codé, indescriptible, proche de la langue du pays du Soleil Levant. Probablement a t-elle des choses à cacher à ses membres…
« Sérieuse, fédératrice, orientée TIC ? » Pas du tout ! La vocation première de la Fing n’est pas de réfléchir à l’internet de demain, mais bien de dessiner des petits bonhommes absolument banals et de les mettre en ligne sur http://missing-moon.com/humour/fings/finghome.html. Ils en ont même fait un nom commun : quelques « Fings » à faire ? (http://missing-moon.com/humour/fings/fings34.html), ou un couple de « Fings » (http://missing-moon.com/humour/fings/fings1b.html). Est-ce vraiment sérieux ? Et que l’on ne s’étonne pas après que l’équipe soit « surbookée » !
Mais continuons le cheminement. Un site de traduction allemand http://www.dict.cc/?s=fing nous révèle que le mot « fing » n’aurait aucun rapport avec l’internet nouvelle génération puisqu’il serait dérivé du verbe « fingen » signifiant « trouver ». N’est-il pas présomptueux de se définir en tant que « projet de recherche » quand on s’appelle « trouver » ?
Nous ne sommes pas au bout de nos surprises… Si l’on en croit l’Acronym Finder, Fing signifierait « Financial Group » (http://www.acronymfinder.com/af-query.asp?p=dict&String=exact&Acronym=FING), ce qui cadre mal avec la vocation non-lucrative de l’association.
En effet, pas une trace, pas un lien, pas une allusion dans l’ensemble des précédentes lettres de la Fing, à la production grand écran intitulée « Fing’s Raver », co-produite par la Fing et une maison de production (dont nous tairons le nom…), signée du réalisateur mandarin Sherman Wong Jing-Wa. Une preuve ? Le film est disponible en DVD à cette adresse : http://www.chinesetapes.com/movie_chinese/fings_raver.html.
Autre bizarrerie : l’existence d’un Trevor Fing, dont le nom ne figure dans aucun crédit de la Fing (http://www.freedomlinks.com/trevorfing.htm). Est-ce le véritable nom du délégué général (Daniel Kaplan) dont on murmure qu’il n’est en fait qu’un « puissant système de classification couplé à un organiseur, un gestionnaire de contacts et un gestionnaire simplifié de documents » (http://www.metagenia.net) ?
Mais le plus troublant reste assurément ce lien, qui dira tout des véritables activités de la Fing : http://www.sbbe.gr/index.asp?Lang=En . « Federation of Industries of Northern Greece ». Le consul français d’Athènes s’est refusé à tout commentaire sur cette information.
En vérité, il semble que les activités de la Fing soient plus troubles qu’on ne le laisse souvent entendre… Charge à chacun de rester vigilant.
Reno Francou

Le micropaiement : stade ultime du capitalisme ?

L’internet est-il vraiment en train de façonner une nouvelle économie des biens immatériels dont l’un des principes essentiel serait de court-circuiter les anciens intermédiaires pour s’en passer ou les remplacer par d’autres ? Et si les modalités de l’échange marchand étaient en train d’évoluer de manière radicale en « fractalisant » différemment l’économie, la notion d’échange, le capitalisme ? Et si l’internet n’était pas un nouveau supermarché, mais bien plutôt un réseau de micro marchés individuels dont les acteurs seraient non seulement les producteurs de bien culturels (artistes, rédacteurs…) renégociant leur rapport à la distribution, mais aussi l’internaute lui-même, au travers de sa culture et de ce qu’il entend faire désormais de ce qu’il a acquis, ingurgité, dans son monde lui… Le micropaiement, qui se développe lentement mais (semble-t-il) sûrement serait alors le signe d’un changement profond, qui placerait au centre l’atomisation des échanges marchands et le développement des échanges entre consommateurs (le Consumer to Consumer opposer au Business to Business ou au Business to Consumer). La très lente progression du micropaiement et des notions qui lui sont liées (comme la réputation ou la recommandation, notions essentielles dans ces modèles d’échanges directs) marque-t-elle donc un changement culturel allant de pair avec la mise en place d’une nouvelle façon d’organiser les échanges immatériels ?

Ou bien, au contraire, le micropaiement n’est-il qu’un outil destiné à rendre possible ou simplifier les flux financiers de personnes à personnes sur les produits dématérialisés, supposés coûter moins cher que dans le commerce physique ? Il s’agirait alors d’une méthode commerciale parmi d’autres, adaptée à la forme de l’outil internet pour faire du commerce à l’unité. Le micropaiement, outil ultime du capitalisme, marque alors sa massification en devenant enfin accessible à tous : tout pouvant être vendu et acheté par tous à la manière des offres fantaisistes (ou carrément inquiétantes) que l’on trouve régulièrement sur eBay.

En fait, l’économie de l’internet, que les uns présentent comme fondamentalement non marchande dans ses origines et les autres comme ultra-libérale, est bel et bien les deux la fois, à savoir le plus souvent espace d’échange entre les personnes, mais aussi donc espace de recyclage, pourquoi pas marchand, des valeurs dormantes, des niches de choses à valeur affective, personnelle, communautaire. Autrement dit, l’économie de l’internet tiendrait-elle plutôt d’une économie atomique, une économie d’émergence de valeurs dans un environnement massif que d’une économie mécanique, de valeurs décrétées à reproduire en grand nombre ?

Pourquoi est-ce que le micropaiement n’a jamais décollé ? Décollera-t-il vraiment un jour ? Est-ce d’ailleurs sous une forme monétaire qu’il prendra vraiment son envol – à moins qu’il ne le prenne sous la forme plus évanescente de la recommandation et de la réputation (« le réseautage ») qui permettra demain à un blogueur de devenir éditorialiste dans un grand journal, à un troqueur de devenir commercial dans une multinationale comme un inconnu devient aujourd’hui chanteur ?…

Le micropaiement demeure pourtant toujours aussi fascinant. Peut-être parce que dans notre monde d’aujourd’hui, il reste préhensible, à taille humaine. C’est un mode d’échange qui porte en lui la confiance (ou ne la nécessite pas vraiment, ce qui revient au même) au moins parce qu’il est dénué d’enjeu personnel puisque les sommes sur lesquelles il porte sont minuscules. Pour autant, les exemples qui nous clament qu’il fonctionne sont toujours nombreux et en même temps, ils restent terriblement uniques. Peut-être parce qu’il manque encore un maillon la chaîne ? Une nouvelle forme de marketing, de nouveaux intermédiaires ou de nouveaux outils jouant ce rôle ? A moins que plus fondamentalement, il faille attendre encore l’assimilation de nouvelles habitudes, de nouvelles mentalités pour voir s’amplifier ces pratiques d’échanges directs.

Frank Beau et Hubert Guillaud